La décision du conseil scientifique de la faculté des Sciences de Tunis à El Manar d'interdire le niqab est toujours en vigueur. Le sit-in pro-niqab dans les locaux de l'université se poursuit pour que cette décision soit suspendue. Entre-temps, des étudiantes passent leurs examens le visage voilé. Dans le bâtiment de l'administration universitaire, des affiches et des banderoles recouvrent les murs du hall. La liberté de porter le niqab pendant les cours, c'est ce que revendiquent une vingtaine d'étudiants mobilisés. Au premier étage, en face du bureau du doyen, des tapis et des couvertures sont empilées sur un meuble. Ils servent au campement de fortune pour les étudiants pro niqab qui, depuis le 25 février, passent la nuit sur place. Sur les tables et les étagères, on a posé des corans, des tapis de prière et des dizaines de copies d'une pétition en faveur du niqab. «Le nombre de signataires n'est pas encore connu. C'est une campagne qui concerne toute la Tunisie. On attend de recueillir les résultats de toutes les régions», raconte Amina Dkhili, étudiante en niqab. Installée dans le hall, la jeune femme de 19 ans révise sereinement ses cours d'optique. Le conseil scientifique avait décidé d'interdire aux étudiantes en niqab de passer les examens, mais cette règle n'est pas systématiquement respectée. Depuis le début de la semaine, plusieurs étudiantes se sont présentées aux épreuves le visage voilé et n'ont pas été renvoyées. «Les enseignants sont en faveur du maintien de la décision prise par le conseil scientifique, mais il y a une minorité qui soutient le mouvement des niqabées pour des considérations politiques», affirme Narjes Awani. Si l'enseignante tient à voir le visage de ses étudiantes, c'est d'abord pour des raisons pédagogiques. «Les expressions du visage trahissent ce que l'étudiant n'ose pas exprimer par la parole. Il m'importe de voir la réaction des étudiants pour savoir si le message que je veux transmettre est bien assimilé ou pas», explique-t-elle. D'autres enseignants ne veulent pas du niqab pour des questions de sécurité et d'hygiène. Le ministère contre l'interdiction du niqab Actuellement, il y aurait 17 étudiantes portant le voile intégral à la faculté d'El Manar, selon Abdelkarim Belhadi, membre du comité de soutien des étudiantes en niqab. Pour lui, leur droit d'accès aux universités doit être inscrit dans les lois, vu leur nombre croissant dans le pays. Abdelkarim et ses camarades ont du mal à comprendre le rejet du niqab par le conseil scientifique et les professeurs, d'autant plus que la position officielle du ministère de tutelle est en leur faveur. Fin avril, le ministre de l'Enseignement supérieur, Moncef Ben Salem, avait appelé, lors d'une séance plénière de l'Assemblée Nationale Constituante, à ce que le niqab soit toléré dans les salles d'examen. Cet appel a été considéré par la Fédération générale de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique comme un déni et un non-respect des instances pédagogiques élues au sein des universités et de leurs décisions. Il est possible que la question du niqab soit à nouveau discutée à l'ANC. «Cette question ne concerne pas uniquement les universités, mais aussi d'autres institutions», explique Mourad Yacoubi, porte-parole du ministère. «Elle s'est posée dans plusieurs pays comme la Syrie il y a deux ans. C'est un phénomène panarabe», rajoute-t-il. En attendant la décision de l'ANC, la confrontation entre les pro-et les anti-niqab continue dans les facultés. A El Manar, plusieurs discussions ont eu lieu entre le corps enseignant, l'administration et les étudiants sans jamais aboutir à un accord. «Ils refusent le dialogue. Malgré cela, nous évitons autant que possible la politique de la surenchère. Nous menons notre mouvement pacifiquement, en espérant qu'une solution consensuelle soit trouvée», affirme Aymen Yarmil, doctorant spécialisé en génétique. Le niqab fait toujours polémique. Mais pour certains enseignants, c'est un faux problème. Pour eux, il est plus urgent d'ouvrir le débat sur le développement de la qualité de l'enseignement et l'amélioration des conditions matérielles des établissements de recherche et des universités.