Par Nejib OUERGHI La semaine qui tire à sa fin a été décisive à plus d'un titre. L'Etat tunisien fait face à un défi sans précédent amplifié par l'activisme, inquiétant et incontrôlé, de groupes extrémistes salafistes qui n'ont eu de cesse de vouloir imposer leur loi dans la cité, en annonçant vertement leur refus de tout ordre social. L'extrême tension qui règne dans le pays trouve son origine dans la montée de l'extrémisme salafiste, provenant essentiellement du groupe «Ansar Echaria», engagé dans un bras de fer avec le gouvernement ces dernières semaines à travers la multiplication des activités de provocation et de démonstration de sa force dans la plupart des régions. En annonçant la tenue de leur troisième congrès annuel à Kairouan, en engageant une vaste mobilisation de leurs sympathisants et en déclarant publiquement qu'il n'avait «pas à demander d'autorisation au gouvernement», ce groupe jihadiste a décliné son véritable mode opératoire: le refus de l'Etat et de la primauté de la loi. L'interdiction, par le ministère de l'Intérieur, du congrès de Kairouan a été une décision d'une grande gravité. En rompant avec tout laxisme et signe de faiblesse, le gouvernement, qui a fait montre d'une plus grande intransigeance et de fermeté, n'a pas cédé au chantage. Une épreuve de vérité qui lui a permis de jouer à fond la carte de sa crédibilité, de sa responsabilité et de la légitimité que lui seul possède: l'usage de la force pour préserver l'ordre, la sécurité et le respect de la loi. En dépit de la gravité de la décision prise par le ministère de l'Intérieur, des périls qui pèsent toujours sur la sécurité et l'ordre public, l'interdiction a suscité un profond ouf de soulagement chez la classe politique, la société civile et le Tunisien ordinaire. Elle a reflété, surtout, un message fort et clair traduisant une option volontaire pour l'Etat civil et démocratique et pour des valeurs que la majorité des Tunisiens partagent : la liberté, la tolérance et le rejet de la violence et du terrorisme. Sur un autre plan, le deuxième round du dialogue national initié, jeudi 16 mai, par l'Ugtt (Union générale tunisienne du travail) s'est achevé sur une note d'optimisme, nonobstant les quelques fausses notes qui ont émaillé la cérémonie d'ouverture et les frustrations ressenties par certaines parties. Ce congrès de dialogue national, qui a rassemblé tous les protagonistes politiques et les représentants de la société civile, s'est tenu dans un contexte national particulier où doute et espoir mesuré étaient entremêlés. Cela est d'autant plus vrai que la Tunisie fait face à des menaces sérieuses touchant sa sécurité, sa stabilité et son unité. A l'émergence de la menace terroriste au Chaâmbi (Kasserine) et de la montée de l'extrémisme salafiste, sont venus s'ajouter de graves défis lancés à l'Etat par l'aggravation de la situation économique et l'exacerbation des tensions sociales. La crainte de voir les intérêts du pays, son modèle de société et son unité menacés, a produit chez la classe politique une sorte de choc positif, une prise de conscience salutaire et un sursaut d'orgueil. Tout en transcendant, même momentanément, ses différences et ses dissensions, la classe politique commence à mesurer l'importance de parvenir à un consensus et à des compromis utiles afin de faire front aux périls qui nous guettent, de mettre un terme aux guéguerres qui ont empesté la vie politique et de favoriser une visibilité qui nous ferait sortir d'une longue période d'attentisme, de doute et de flou. Alors que le pays se trouve à la croisée des chemins, restaurer la confiance a rendu indispensable la quête d'un consensus sur toutes les questions qui ont fait, jusqu'ici, l'objet d'âpres luttes partisanes, de grandes divergences et de polémiques stériles. Cela implique, assurément, de rendre possible ce qui paraissait, il n'y a pas longtemps, comme une chimère, à savoir l'organisation des prochaines élections avant la fin 2013, la définition d'une feuille de route claire et la réalisation d'accords qui décrisperaient durablement la vie politique et débloqueraient véritablement le processus de transition. A la faveur du congrès de dialogue national et des avancées accomplies lors des concertations amorcées à Dar Dhiafa à Carthage par un certain nombre de partis politiques, l'on peut dire que le pays a, enfin, retrouvé la bonne trajectoire. L'engagement de toutes les formations présentes à œuvrer pour lutter contre la violence politique, le terrorisme, la prolifération de la circulation des armes et pour créer les conditions de la réussite de la transition du pays vers la démocratie, constitue une bonne plateforme de départ. La création d'une commission de suivi et la tenue, le 18 juin prochain, d'une conférence nationale sur la lutte contre la violence montrent la prédisposition de tous à poursuivre et à approfondir le dialogue sur toutes les questions en suspens. Un dialogue dont l'absence, depuis maintenant plus de deux ans, était à l'origine de tous les déboires politiques, sécuritaires, économiques et sociaux que le pays a subis. Le péril terroriste a, en quelque sorte, condamné tous les partis politiques à se dessaisir de leur hache de guerre et d'unir leurs forces vers des objectifs communs qui concernent la préservation des intérêts du pays dans un esprit d'ouverture, de concorde et de liberté. Aujourd'hui, il va falloir poursuivre la construction de cette confiance en se basant sur les mêmes fondements et ces mêmes valeurs qui nous offrent l'opportunité de prémunir le pays contre tout retournement et tout péril dont les conséquences pourraient être catastrophiques.