L'auteur de l'attentat de Bab Souika était un parent de Rached Ghannouchi Il y a 32 ans, naquit le Mouvement de la tendance islamique (MTI) devenu plus tard Ennahdha. 32 ans, l'âge d'un homme et l'histoire d'un mouvement au parcours jalonné d'embûches et d'aventures à la fois pénibles et rocambolesques. Bien évidemment, l'on disserterait à l'infini sur le long combat mené par le MTI, avant de prendre aujourd'hui les rênes du pouvoir. Cela, on le sait. Mais ce que pourraient ignorer certains, ce sont les petits détails et ces souvenirs croustillants qui constituent, sans doute, une plongée passionnante dans l'univers troublant et énigmatique de ce mouvement. Et c'est à cette plongée que nous vous convions, à la suite d'une enquête approfondie conduite auprès de plusieurs nahdhaouis qui se sont prêtés volontiers au jeu des souvenirs. Rached Ghannouchi, le petit Hammois devenu grand A tout seigneur tout honneur. Commençons d'abord par l'homme fort d'Ennahdha, en l'occurrence Rached Ghannouchi. Natif de la ville d'El Hamma (gouvernorat de Gabès) dans une famille modeste, mais estimée par tous les voisins dans le quartier populaire de Dabdaba, c'est dans ce pauvre bidonville, qui avait enfanté jadis de grands patriotes du mouvement de la libération nationale comme Mohamed Ali Hammi, Tahar Haddad, Jellouli Farès, Sassi Lassoued et Daghbagi, que le jeune Rached Ghannouchi (ex-Rached Khériji) a fait ses premières dents de lait avec les vertus du patriotisme et de la révolution. Ambition précocement dévorante qui l'accompagnera lors de son «grand voyage à Tunis». La capitale le marquera alors beaucoup. D'abord à la mosquée Ezzitouna où il s'est employé à s'imprégner du Coran au contact de plusieurs érudits. Pris en charge par des parents habitant à Bab Souika et ses environs, il est nommé, début 70, professeur au lycée Alaoui où de futurs professeurs et avocats seront formés sous sa houlette. Le tournant survint lorsque Rached fit la connaissance de Abdelfattah Mourou, un jeune étudiant qui montait et dont la fougue et la carrure tranchaient avec le calme et le corps frêle du petit Hammois. Du «coup de foudre» à l'action, il n'y a qu'un pas que les deux bonshommes, alors fortement marqués par le mouvement égyptien des «Frères musulmans» d'El-Banna, franchiront rapidement. Et cela en faisant de la mosquée Saheb Ettabaâ de Halfaouine (près de Bab Souika) une...base arrière pour leurs activités de diffusion de l'Islam auprès des jeunes habitants du quartier dont le nombre allait crescendo, impressionnés qu'ils étaient par la qualité des cours coraniques qu'on leur administrait, d'une part, et par le franc-parler et l'éloquence de leurs maîtres Rached et Abdelfatteh, d'autre part. D'ailleurs, tous les nahdhaouis reconnaissent aujourd'hui que cette mosquée, il est vrai très prisée par les conservateurs de l'époque, a largement contribué à la création, le 6 juin 1981, du Mouvement de la tendance islamique dont les adhérents tels que Sadok Chourou, Habib Ellouz, Abdelfattah Mourou et autres Hamadi Jebali et Zemzemi se réunissaient, sous la férule de Rached Ghannouchi, un peu partout dans le district de Tunis et à Sousse. Dans la clandestinité, la plupart du temps, afin de dérouter une police politique de plus en plus inquiétée par la percée galopante de ce mouvement aux visées expansionnistes auprès de la population. Désaltérez-vous, mes enfants Si le MTI l'a échappé belle sous Bourguiba qui a failli, sans la grâce de Mzali, le liquider une fois pour toutes, il n'en est pas de même pour Ben Ali qui, au lendemain de son coup d'Etat, s'empressa de déclarer la guerre au mouvement à coups d'arrestations massives et abusives. Et là, se remémorent les nahdhaouis, Rached Ghannouchi en a vu de toutes les couleurs. En effet, une fois gracié par Ben Ali sous une forte pression occidentale, il est condamné à la résidence surveillée. Tous ses déplacements seront épiés et autorisés par la police qui s'y accrochait comme une huître à son rocher. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, le cheikh, le calme olympien aidant, éprouvait de l'affection et même de la pitié pour les flics qui le «ceinturaient» devant le domicile de l'un de ses parents résidant à Ben Arous (rue du 1er-Mai). Au point qu'il leur distribuait généreusement des boissons rafraîchissantes en pleine canicule ! Mais ce qui est encore plus frappant, c'est que Ghannouchi a mis à profit le régime de sa résidence surveillée pour...augmenter le nombre de livres qu'il rédigeait et qui seront, plus tard, édités et diffusés dans le monde après avoir été traduits en plusieurs langues. Si l'attentant de Bab Souika m'était conté Si le quartier de Bab Souika a signé le commencement du combat de Rached Ghannouchi dans les années 70, c'est aussi dans ce quartier où il a commencé, pour de bon, à faire mal. Et cela avec le fameux attentat perpétré, en 1991 dans le siège local du comité de coordination du RCD. Cet attentat, qui a fait un mort et d'importants dégâts matériels, a alors été attribué au Mouvement de la tendance islamique. Certes, ce dernier s'en défendait crânement en criant haut son innocence. Mais, curieusement, le jeune homme, un certain Fethi Zribi, qu'on tenait pour l'auteur de cet attentat avant d'être condamné à mort, s'est avéré être un...parent de Rached Ghannouchi. Un pur Hammois comme lui qui habitait du côté de La Soukra.