«Il n'y a plus de temps à perdre. L'heure de la guerre a sonné dans la mesure où gouvernement et artisans devraient prendre les choses au sérieux pour trancher définitivement sur les phénomènes de la contrefaçon et de la contrebande. Car le spectre d'une véritable crise sectorielle se profile à l'horizon et le danger d'un chômage forcé nous guette... ». C'est ainsi que le président de la fédération nationale de l'artisanat, M. Salah Amamou, vient de décrire l'état des lieux d'un héritage ancestral très menacé, et qui risque de s'écrouler sous « le charme » d'un marché parallèle aux produits imités à prix bradés. La sonnette d'alarme a été tirée lors d'une conférence de presse, tenue hier matin au siège de l'Utica, à Tunis, afin de sensibilier sur la prolifération de la nébuleuse économie informelle qui semble échapper à tout contrôle. Mais au bout d'un moment, la situation a tourné à un casse-tête chinois sans issue. Certes, une réalité qui dérange, mais sans être catastrophique, étant donné que la conjugaison des efforts de toutes les parties intervenantes est en mesure d'intercepter les fauteurs et finir avec ce manège commercial. «D'ailleurs, durant le mois en cours, on est en train de piloter, en coordination avec l'Office de l'artisanat et du tourisme, une campagne d'inspection et de contrôle touchant les zones touristiques», assène-t-il. Et M. Amamou de révéler que la négligence politique et la culture du laisser-aller n'ont fait, au fil des ans, qu'encourager davantage la contrebande et le trafic des produits contrefaits. Après la révolution, a-t-il déploré, les choses ont empiré, faute de vigilance à nos frontières et en l'absence de mesures de contrôle assez répressives. « Regardez où l'on est aujourd'hui, l'on parle d'autant plus du trafic d'armes et de drogue mené par des réseaux mafieux hors-la-loi. Que dire, donc, d'un produit artisanal imité dont il n'est pas facile de distinguer le vrai du faux», a-t-il déploré. Le conférencier, qui se présentait en habit traditionnel, vient montrer aux journalistes certains articles soi-disant d'artisanat, en leur exposant la différence dans la matière première et la qualité de fabrication. A ses dires, déceler la nuance est une tâche complexe. C'est que les produits faux ne sont jamais identifiables par le simple consommateur, bien qu'ils ne présentent guère les mêmes caractéristiques. Raison pour laquelle le président de la fédération n'a pas hésité à pointer du doigt certains commerçants qui se ruent vers le gain facile, sans penser à la santé du citoyen et celle de l'économie. Les agents de la douane sont, eux aussi, mis en cause. D'où l'impératif d'agir comme il se doit pour mettre un terme à cette saignée de biens et d'argent, afin de pouvoir sauver ce qui peut l'être et redonner à l'artisanat son éclat d'antan. Car le marché parallèle ne peut pas remplacer les circuits organisés pour mieux écouler le produit et rapporter davantage à l'économie nationale, a-t-il relevé. Abondant dans ce sens, M. Lotfi Ben Ahmed, président de la commission de lutte contre le commerce parallèle au sein de la fédération nationale de l'artisanat, a donné un aperçu sur les composantes des articles falsifiés censés nuire à la santé du consommateur. Du plomb, du fer, du magnésium et du zinc sont autant de matières considérées, selon lui, comme cancérigènes, indiquant du doigt le marché chinois qualifié d'un géant container des déchets du monde entier. Avec l'envahissement de ce commerce dangereux, dit-il, la moitié ou presque des artisans tunisiens sur un total de 350 mille professionnels que compte le secteur se sont, ainsi, retrouvés au bord du chômage forcé. « Révolution, dites-vous! », se moque-t-il, en allusion aux principaux objectifs revendiqués par le peuple tunisien, lors d'un certain 14 janvier 2011. Quoiqu'ils soient marqués au poinçon, ces produits vendus à la sauvette ne sont qu'un tape-à-l'œil qui attirent les clients, sans foi ni loi. «Imaginez donc comment cela se répercute sur l'économie et l'image du tourisme dans le pays», rétorque-t-il, soulignant que certains faux bijoux ou tapis imités coûtent parfois beaucoup plus cher qu'une vraie autre marque originale. De son côté, M. Mohamed Habib Testouri, président de la fédération nationale des métiers et artisans, a critiqué la fermeture, avant la révolution, de la Société de commercialisation des produits d'artisanat, plus connue sous le nom « Socopa ». Une pareille décision a été jugée destructive, vu que cette société était toujours aux côtés des petits artisans. «C'est elle qui leur fournissait les matières premières et procédait à l'achat de leurs produits et articles pour faciliter leur promotion et écoulement sur le marché local», a-t-il poursuivi. Bref, elle était investie d'un rôle de soutien et d'accompagnement au secteur.