Par Abdelhamid GMATI Le gouvernement tunisien est opposé à toute intervention militaire en Syrie et prône le dialogue pour résoudre la crise dans ce pays. On ne peut que s'en féliciter d'autant que cela reflète le sentiment de la majorité des Tunisiens qui l'ont exprimé au cours de diverses manifestations. Ce refus de bombardements meurtriers est du reste partagé par plusieurs pays (à part certains pays arabes) et par les parlements et populations des pays occidentaux (Angleterre, Etats-Unis et France) adeptes de cette solution guerrière. Certains ne veulent pas que le scénario irakien se répète, d'autres tiennent au respect de la souveraineté des Etats, reconnue par la Charte des Nations unies. Encore que des voix se soient élevées pour préconiser un «devoir d'ingérence». C'est le cas d'un célèbre médecin, cofondateur de l'ONG «Médecins sans frontières», ex-ministre français, qui a joué un rôle important dans le bombardement occidental de la Libye, et qui continue à pousser son pays à aller massacrer des Syriens. Etrange qu'un médecin, ayant prêté le serment d'Hippocrate (en substance, se consacrer à sauver des vies humaines n'importe où et à toute occasion), se démène pour faire tuer des gens. Son serment, prélude à la pratique de la médecine, s'est transformé en «serment d'hypocrite». Et il semble qu'il n'est pas le seul. Ainsi notre gouvernement, qui refuse l'intervention étrangère, ne fait rien contre l'envoi de mercenaires tunisiens en Syrie ? N'est-ce pas là une intervention en pays étranger ? Sans parler de cette rupture prématurée et malvenue des relations avec ce pays. Toute la classe politique tunisienne se réfère à la patrie et affirme sa détermination et son attachement à défendre les intérêts supérieurs de la Tunisie. Certains jurent que leurs actions ne visent que le bien-être des Tunisiens. Ainsi, le chef des nahdhaouis nous assurait en fin de semaine dernière qu'il n'y a pas de crise mais que la seule crise est créée par les opposants. Pas de crise économique, ni sécuritaire, les Tunisiens sont heureux et jouissent de l'eau et de l'électricité grâce aux efforts du gouvernement. Il nous a assuré qu'il faut discuter avec le mouvement Ansar Echaria pour le ramener dans le droit chemin. Quelques jours plus tard, son Premier ministre nahdhaoui classifie le mouvement comme organisation terroriste et trois ministres viennent nous brosser un tableau pas très réjouissant (malgré leurs efforts de minimiser la portée des chiffres avancés) de la situation économique du pays. Sans parler des propos du gouverneur de la Banque centrale, de plusieurs économistes ou des organisations syndicale et patronale qui n'hésitent pas à qualifier la situation économique et sociale de «préoccupante», voire catastrophique. De plus, le ministère de l'Intérieur est venu donner un aperçu sur l'ampleur du terrorisme sous la direction d'Ansar Echaria. Encore que l'exposé du ministre et de ses collaborateurs comportait quelques zones d'ombre et laissait plusieurs questions en suspens. En outre, comment se fait-il que certains terroristes arrêtés par la police, sur des preuves avérées et indiscutables, aient été libérés par le juge d'instruction? Les preuves policières n'étaient-elles pas suffisantes ? Là aussi, on s'interroge sur l'indépendance de la justice. Alors que des terroristes sont relâchés dans la nature, on condamne à des peines de prison des rappeurs coupables d'avoir donné leur opinion. Il faut croire que les chanteurs, les artistes et les journalistes sont plus dangereux que les terroristes, Tueurs de Tunisiens. Quant à la crise que traverse dangereusement le pays, les partis au pouvoir continuent à la nier. Pour eux, tout va bien Madame la Marquise et vive «le serment d'hypocrites». Ainsi, on est d'accord pour la démission du gouvernement mais il doit continuer son travail jusqu'à la fin des travaux de l'ANC, laquelle est elle-même contestée car elle a perdu sa légitimité. Ce serment, pratiqué essentiellement par nos gouvernants, pourrait se résumer ainsi : «Je jure tout et son contraire, et je jurerai n'avoir jamais dit la veille devant un parterre de journalistes ou dans les médias audiovisuels, si prompts à déformer et à mal interpréter». Au mois de juin dernier, le Festival du mot, qui se tient chaque année en France, a choisi le «mot de l'année». Rappelons qu'en 2011, le mot qui avait été choisi était «Dégage», qui avait été brandi lors de la Révolution tunisienne. Pour 2013, le public a choisi le mot «Mensonge». Il semble qu'il ait remplacé le «dégage» de la révolution. Une nouvelle marque de fabrique.