La directrice de Kampnagel à Hambourg, un théâtre polyvalent porteur de projets à thèmes, était à Tunis dans le cadre d'une opération qui rapprochera l'Afrique de l'Allemagne Ce titre ne désigne pas un simple slogan ni ne relève du vœu pieux, il se rapporte à une action concrète, un process en cours de réalisation avec, comme protagonistes, deux véritables locomotives humaines, Amelie Deuflhard, directrice de Kampnagel à Hambourg et Syhem Belkhodja de Ness El Fen. Si l'une est connue et reconnue depuis longtemps en Tunisie pour son engagement en faveur de la danse, l'autre est une femme d'action qui dirige et anime avec un incontestable succès public , un vaste complexe culturel comprenant pas moins de quatre espaces dont une salle de 850 places et une salle de cinéma avec une programmation de très haut niveau. Accompagnatrice de la création N'étant pas du genre à se contenter de travailler à distance avec ses interlocuteurs, via Skipe ou courrier électronique, Amélie Deuflhard n'hésite pas à se déplacer pour aller sur le terrain, toucher du doigt la réalité locale, en comprendre les enjeux et en ressentir le vécu en discutant de vive voix avec les artistes, ces sentinelles annonciatrices des mutations sociales. Ce qui l'intéresse, ce qui la motive, ce sont les expressions artistiques qui rendent compte, au plus près, de ces réalités, de leur engagement. Par cette démarche, elle élabore une forme de proximité qui lui permet d'accompagner avec confiance les si fragiles cheminements de la création. Après Marrakech où elle a rencontré les figures phares de l'art chorégraphique marocain et pris connaissance de leur travail, Amelie Deuflhard a fait le déplacement à Tunis en ce mois de septembre, à l'invitation de Ness El Fen. Une étape décisive pour un projet appelé à se déployer sur le long cours. Cette visite professionnelle s'inscrit dans le cadre d'un projet ambitieux, à la fois artistique, culturel et politique : Danse Dialogues Africa vise à fonder une collaboration étroite et inspirante en matière de danse contemporaine entre l'Allemagne et les artistes africains. Il s'agit de promouvoir la production d'œuvres chorégraphiques africaines et de les présenter dans le cadre d'un «tourning festival», à travers plusieurs villes allemandes et en Afrique. Outre la production d'œuvres et leur diffusion, le projet Dance Dialogues Africa offre une vaste gamme de formats qui vont de la recherche artistique par ateliers et résidences aux transferts de savoir-faire, échanges de collaborateurs et réalisation de documents audiovisuels. Patronné en grande partie par la Fondation fédérale allemande de la Culture, le projet regroupe, pour la partie africaine, CulturArte à Maputo (Mozambique), Donko Seko à Bamako (Mali), Ness El Fen (Tunisie), Studios Kabako à Kisangani (République démocratique du Congo) et Vuyani Dance à Johannesburg (Afrique du Sud). Les partenaires en Allemagne étant Europäisches Zentrum der Künste à Dresden, Kampnagel à Hambourg et Theater im Pumpenhaus à Münster. L'organisme responsable du projet est Tanzhaus nrw à Düsseldorf. A l'issue de la concertation avec Syhem Belkhodja, il a été décidé de lancer quatre productions représentatives du Maghreb, une marocaine, une algérienne, et deux tunisiennes. Les artistes concernés sont Hafiz Dhaou-Aïcha M'Barek, Ahmed Khemis, Oumaïma Mannaï, Taoufik Izzediou et Bochra Ouzigane. Liberté du corps et révolutions Au final, la présence maghrébine donnera lieu à une programmation intense de danse et à un colloque sur le thème extrêmement sensible de la place et de la liberté du corps dans le contexte des révolutions arabes. Cette opération constitue un premier pas vers un espace plus étendu de coopération et de promotion de la création africaine en danse et en théâtre qui doit, à terme, devenir un rendez-vous annuel offrant une plus grande visibilité aux artistes africains. Concrètement, cette première édition se traduira par la tenue d'un atelier résidence-laboratoire à Tunis, une tournée des pièces retenues à travers trois villes allemandes : Hambourg, Dresden, Dusseldorf, la réalisation d'un web doc de portraits de danseurs et chorégraphes tunisiens, d'ici ou de la diaspora, avec, en apothéose, la présentation publique de l'ensemble des créations lors des Rencontres Chorégraphiques de Carthage en mai 2014. Venue à Tunis pour faire avancer le projet et en discuter les modalités pratiques, Amelie Deuflhard ne s'attendait pas à une surprise de taille : à Ness El Fen, elle a eu droit à une représentation privée de quatre pièces en cours de création. L'occasion, pour elle, de découvrir un monde où la danse n'est pas seulement un art, un moyen d'expression comme un autre, mais une forme de résistance, irréductible, une arme de légitime autodéfense. C'est ainsi qu'elle a pu voir un solo de Oumaïma Manaï, une femme à la recherche de son équilibre et de son moi menacé; un duo tout en tendresse et en sensualité partagées par Hamdi Dridi et Nour Mzoughi, un solo vibrant et inspiré, magistralement interprété par le chorégraphe danseur algérien Ahmed Khemis, «Too Ness», écrite par Syhem Belkhodja, pièce engagée en faveur de la liberté, coup de poing brandi face à l'adversité, ardent manifeste de la lutte pour la vie. Trois rendez-vous pour découvrir et apprécier la restitution du projet. Marquez ces dates : 5 mars 2014 : Festival Online à Marrakech 3-12 avril 2014 : Dresden, Dusseldorf, Hambourg 1-5 mai 2014 : Rencontres Chorégraphiques de Carthage.