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Un requiem pour un rêve réaliste
Cinéma : La vie d'Adèle, de Abdellatif Kechiche
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 10 - 2013

La caméra semble bouger toute seule. Elle avorte les plans et les noie magiquement dans un fond de toile avec une pesanteur forte, tout en dévorant les personnages.
Le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche a réussi à arracher le 28 mai, la palme d'or du 66e Festival de Cannes. Ce couronnement qui a divisé les Tunisiens entre fierté et perplexité, fut un enchantement envoûtant pour les critiques de cinémas français et les grands cinéastes, soutenant que le film est un chef-d'œuvre, une pure œuvre artistique. Attendu impatiemment par les Français et les Tunisiens résidents en France, La vie d'Adèle a été projeté en première dans les salles de Paris le 9 octobre (parions qu'il restera à l'affiche plusieurs semaines). Son côté artistique audacieux, original et parfois même dissolu, lui a valu une renommée internationale.
Inspiré du roman graphique Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh, La vie d'Adèle chapitres 1 et 2, a été outrageusement controversé, suscitant un malaise chez un Kechiche confus, qui déclarait en septembre 2013 : «selon moi, ce film ne devrait pas sortir, il a été trop sali». Et là, on comprend bien que le réalisateur a été victime d'un lobby qui désire altérer le film et par la suite le faire maudire. Cependant, tous ces motifs ont concouru à un triomphe foudroyant, attisant ainsi la ferveur des critiques et des cinéphiles.
Silence, on s'aime
D'emblée, on voit que l'amour est au cœur de l'œuvre, il bat dans toutes les scènes. Et c'est au début de l'histoire que le professeur de littérature a bien lancé un explosif magnifique dont les résidus vont retentir tout au long du film : «Pensez-vous qu'à la suite d'un regard, on puisse changer le destin de notre vie ?»
En effet, c'est ce regard qui a sourcillé les cœurs des deux filles fraiches et belles : Adèle et Emma, (interprétées respectivement par Adèle Exarchopoulo et Léa Seydoux), cillant ainsi une relation organique mêlée d'une palette de chagrin, de tendresse, de chair et d'amertume. Les couleurs qui en ressurgissent, brossent le portrait d'une Adèle pimpante, sensible, sensuelle, bref humaine et d'une Emma artiste, ambitieuse et libérée de tout.
Sous les gants du dilettantisme et des références littéraires, artistiques et poétiques, on discerne l'omniprésence de la plasticité, particulièrement à travers les lueurs et la lumière, parfois «flashantes», souvent fluides et fines, qui irriguent les séquences d'amour. La lucarne de la caméra ouvre le soupirail sur des plans servis comme procédés poétiques des remous du cœur. La lumière polychromatique dilue alors un hymne à la vie, à l'amour, et ce, par le biais de la danse du corps épanoui, du chant qui crie « on ne lâche rien » dans une manifestation de rue et de la littérature symbolique, surtout à travers Marivaux et Francis Ponge. En effet, l'œuvre du premier La vie de Marianne est un long récit inachevé qui relate les aventures de Marianne, dont l'effet de réel est saisissant sur une palette de caractères humains loquace et reflétant l'époque et le milieu de l'écrivain. A travers cette référence, Kechiche brosse, à la manière de Marivaux, des portraits et des vies avec une minutie et un sens du détail flamboyants, afin d'extraire les couleurs vraies des caractères de l'être humain. Quant à la deuxième référence du film qu'on peut discerner, est relative au recueil de poèmes en prose « Le parti pris des choses » de Ponge. A travers cette œuvre qui décrit, métaphoriquement et allégoriquement, les objets anodins de la vie quotidienne, afin d'en extraire le beau, Kechiche nous livre ses objets, toujours avec l'observation détaillée. Ainsi, avec l'huître, présente dans le film, on voit l'aspect érotique de cette chose, mais aussi l'aspect poétique qui sera comme un leitmotiv dans le film : l'huître chez le poète et chez le cinéaste, est cette perle rare et belle : elle est la métaphore de la vie. D'ailleurs, la scène de la mer est très signifiante, quand on voit le corps flottant d'Adèle sur la mer calme, dans la mesure où on voit cet hymne à la vie qui coule comme une eau vive sur le miroir rigide de la société bourgeoise et frustrante.
Ainsi, l'acte de déloger cette foule grouillante qu'imposent une société et un regard impitoyables est récurrent dans le film. Loin d'être traitée comme un phénomène, l'homosexualité a été relevée par le réalisateur d'une manière à la fois crue et subtile. La chair est alors livrée dans son réalisme le plus brut. De surcroît, la longueur du film mime aisément la lenteur du rétablissement d'Adèle et surtout l'intensité de sa souffrance, qui ne cesse de perdurer, de persister, même quand elle s'est installée dans ce micro monde innocent et joyeux: celui des enfants.
Le réel est brossé ici dans toute sa splendeur, nous invitant à vivre jusqu'au bout des doigts cette clairvoyance vraie. L'ombrelle cinématographique inonde alors les regards des personnages et celui du spectateur.
Dans ce film qui ne vise ni un idéal social ni une logique ordinaire, on a pu voir comment l'amour ne se plie pas aux lois de la société, aux règles du mesuré, du normalement constitué : c'est d'ailleurs à côté d'un arbre, sur un banc, ou sur une pelouse, que les deux filles s'exposent à la lumière, aux éclats sentimentaux, et c'est toujours la nature qui les protège, qui leur offre un refuge. La nature est ici symbolique, son choix justifierait l'omniprésence de la nature féminine, de la nature humaine, qui expose une donne assez élevée : celle de l'amour qui frappe les cœurs humains quels que soient le sexe, les origines, l'âge de l'être.
Le parti pris de la pureté est dévoilé grâce à ce tissage de la trame psychologique, spontanée et naturelle tout au long du film. L'abondance des détails, vue par un œil nu sous une caméra microscopique, la minutie et la précision touchent le palpable, le caractère naturel, le vrai et le délié.
Adèle a vécu avec cette expérience une étoffe de sensations pures là où les notions du bien et du mal, de l'utile et du nuisible deviennent irraisonnées. Elles ne forment plus le substrat de notre logique habituelle et vitale.
Les germes de cet amour impossible nourrissent une fillette qui a l'ardeur tacite et une vibration affective qui laissent apercevoir l'amour comme une valeur pure, non une idée, ou sensation ou aventure, elle est attachée à une vérité immense et magique.
L'inexorable fatalité
On voit ainsi les impulsions et la convulsion qui se dégagent de ce mouvement sentimental véhiculant l'essence des choses. Le subjectivisme n'a pas de place dans ce film infatigablement réaliste, on a l'impression que la caméra est ambulante, qu'elle bouge toute seule, se décharge contre les scènes; avorte les plans qu'elle noie magiquement dans un fond de toile avec une pesanteur forte, tout en dévorant les personnages.
Le jeu des contraires et la quête de soi interminable qui tissent la toile de Pénélope sont les devises de ce film. Mettant en avant la logique qui peut se manifester absurdement, Khechiche voit dans cette dernière un principe d'invariabilité et de fixité, un principe qui vient à l'encontre de la vie et de l'élan, de la poussée, et du changement.
Ainsi, le déséquilibre, l'instable, le cyclique, l'incomplet, la discordance, sont tous mis en avant pour dire que rien n'est absolu.
Le film est réaliste, cru, c'est du cinéma pur et dur, nous montrant comment est faite la vie d'une femme, la vie tout court : faite d'une société répressive, de notre rapport à notre éducation, à la famille, à l'humanité, à l'autre différent de moi, faite aussi de cette mise en scène psychologique, intérieure, intimiste. Tous ces éléments n'aspirent pas vers une seule vie, mais plutôt vers plusieurs : celle qu'on subit, et celle qu'on crée, celle qu'on rejette, et celle qu'on enfante. Le jeu du contraire est le grain de la folie de la vie, il la pimente extraordinairement, Car l'essentiel, c'est d'y croire surtout quand on n'aspire qu'à une seule et unique chose : le bonheur. «Tous les hommes, dit Pascal, recherchent d'être heureux ; cela est, sans exception. Quels que différents moyens qu'ils y emploient, ils tendent tous à ce but. Ce qui fait que les uns vont à la guerre et que les autres n'y vont pas est ce même désir, accompagné de différentes vues. La volonté ne fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C'est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu'à ceux qui vont se pendre».


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