Par Hamma HANACHI Tunis est un carrefour de rencontres internationales, plusieurs manifestation s'y déroulent portant sur différents thèmes et activités : cinéma, musique, poésie, danse, des occasions, des opportunités pour croiser d'autres artistes, présenter des projets, connaître l'autre. Un vieux discours que les anciens comme les nouveaux responsables sortent des tiroirs à chaque occasion, de l'emphase qui prend d'année en année une connotation pompière, ringarde. Plusieurs expériences nous ont montré que peu de contacts de travail se font lors de ces rencontres, les jeunes artistes se montrent peu motivés pour engager des aventures. Ces jours-ci, la capitale vit au rythme des JTC, on rêvait d'une ouverture grandiose, des surprises à la hauteur d'un pays en mutation, une démonstration d'une culture en ébullition. En guise d'ouverture, le public a eu droit à un défilé d'une troupe folklorique à l'avenue centrale, un cortège banal, comme il en existe dans tous les villages, suivie par une centaine de jeunes excités et gardés de près par des policiers. Un podium, des musiciens, des chansons inaudibles, la place du théâtre éclairée et l'affaire est dans le sac. Tout cela est de mauvais goût et de bon ton. Pourtant, on rêvait d'une ville animée de bout en bout, de participation effective de citoyens et d'artistes de rue, des jongleurs, des danseurs, des vidéastes, des performers, des rendez-vous quotidiens ouverts sur le monde ; des espaces d'échange, des plates-formes et des champs d'expérimentations, des acteurs qui conjuguent les dimensions politique et esthétique, des artistes d'avant-garde qui décloisonnent les lieux et font reculer les murs de la ville. Une pensée en mouvement en somme, à la hauteur des attentes de nos hôtes. Hélas, il n'en est rien. L'institution manque de moyens, nous dirait-on, elle manquera toujours de moyens, d'ailleurs. Le ministre en charge de la culture promet une augmentation de 3,4% du budget pour l'année prochaine. L'année prochaine, ça sera mieux, les artistes ne manqueront pas de moyens, ils déplaceront les montagnes, c'est promis. Rencontre avec un artiste franco tunisien, installé à Paris. Il vit entre Londres, New York, Le Caire ou Dubai, il a résidé pendant des années en Irlande au temps de la bulle financière, l'a quittée à l'arrivée de la crise. On le trouve là où l'art s'achète et se vend, dans les grandes foires, il ne rate pas les vernissages et les cocktails des artistes connus, il fréquente les marchands, les patrons de galeries, accumule les catalogues, repère les journalistes spécialisés, mails et rendez- vous suivent. Pas un artiste issu du monde oriental, arabe ne lui est étranger, bref, un homme qui cultive la philosophie des réseaux. Au cours de la conversation, il se lâche « Il me semble que les artistes tunisiens sont incestueux », afféterie de style, formule claironnante du langage contemporain, qui signifie qu'ils ne se mélangent pas aux autres, ne sont pas curieux de ce qui se passe ailleurs, qu'ils sont sédentaires, pas assez voyageurs. On cherche quelques exemples d'artistes qui contredisent son constat, ses a priori et on n'en trouve pas beaucoup, une petite poignée parmi les centaines de créateurs déclarés. Il faut signaler que la plupart de nos artistes sont enseignants, pas assez disponibles pour les aventures. On cherche les expériences métissées, dans les espaces privés qui se démènent furieusement. Malgré le peu d'encouragement, ils continuent à nager à contre-courant bravant les intempéries et les mauvaises fortunes. Constat : les résidences de création pour les artistes sont peu nombreuses dans le sud de la Méditerranée. B'chira Art Center (Bac) à Sabbalat Ben Ammar cherche à consolider son rôle de plateforme d'échange et de partage entre artistes de différents horizons et de différentes cultures, il s'est s'associé à Jisr (entendez pont) pour présenter le quatrième volet des Résidences d'Artistes que l'association tuniso-espagnole organise chaque année entre les villes de Barcelone et Tunis. Jisr a décidé de sélectionner un artiste de chaque pays dans le but d'approfondir sa réflexion plastique dans un contexte culturel nouveau. Ce qui permet à l'artiste de connaître et d'expérimenter son projet dans un entourage inédit, en rencontrant d'autres artistes de la ville d'accueil. Samedi, ouverture de l'opération. L'artiste espagnole Marta Ferraté, qui a remporté l'appel à participation de cette quatrième édition présente ses travaux jusqu'au 22 décembre: quatre vidéos qu'elle a réalisées pendant sa résidence à Radès. Le public est ravi, échanges d'avis et d'idées sur les vidéos, les photos, une vision du monde, découverte d'un art visuel qui creuse son sillon dans notre pays. Etonnement, admiration ou mépris. Une forme d'expression qui ne laisse pas indifférent.