Contre-pouvoir à l'ANC, mais aussi source de décisions perçues par certains comme critiquables... «Le rôle du Tribunal administratif dans l'actuelle étape transitoire»: tel a été le thème d'une conférence scientifique organisée par le Centre d'études et de recherches relevant du Conseil de l'ordre des avocats, mercredi matin, à la maison du bâtonnier à Tunis. En fait, la rencontre se voulait une évaluation de parcours sur fond de critiques des décisions prises par ce Tribunal et sa réaction par rapport à l'ensemble des projets de loi adoptés par l'Assemblée nationale constituante (ANC). De par sa position en tant que voie de recours et d'arbitrage, le Tribunal administratif s'est trouvé, à maintes reprises, obligé de prendre les choses en main afin de trancher sur des dispositions controversées émanant de l'ANC. Cela a souvent mis les deux institutions dans une situation de conflit. Assez souvent, le courant entre elles ne passe guère. Profitant de l'occasion, M. Ahmed Souab, magistrat auprès du Tribunal administratif, s'est attardé sur le rôle et les prérogatives de cette institution judiciaire. Au bout de quatre décennies, indique-t-il, ce Tribunal a atteint aujourd'hui l'âge adulte et mûri. Celui aussi de son autonomie. A cela s'ajoute, a-t-il relevé, la naissance d'une culture institutionnelle mettant en avant deux mots d'ordre : la proximité et l'indépendance. Pour lui, l'ANC représente certes un pouvoir constituant et législatif. Mais elle n'a pas encore honoré ses engagements envers la justice puisqu'elle avait promis, dès le départ, la réorganisation de ce secteur et la restructuration du conseil supérieur du Tribunal administratif. Ce désengagement a suscité auprès des juges un sentiment de méfiance, déplorant par ailleurs que certains constituants soient membres du Conseil supérieur dudit Tribunal. Et M. Souab d'insister : « Le grand malentendu qui a approfondi les divisions et jeté de l'huile sur le feu est celui provoqué par l'affaire Baghdadi Al Mahmoudi et celle des amendements apportés à l'Isie». Mais, a-t-il expliqué, le tribunal, tenant à bien jouer son rôle, n'a pas cédé à l'hégémonie de l'ANC et à son pouvoir autoritaire. D'ailleurs, poursuit-il, le Tribunal administratif a prononcé des jugements pour arrêt d'exécution des décisions de l'ANC... Mais la crise a été aggravée quand le Tribunal administratif a refusé d'avaliser le décret-loi relatif à l'octroi de primes aux constituants. Tout cela pour montrer que l'ANC a abusé de son pouvoir et que le Tribunal administratif aura à jouer son rôle dans le rétablissement de la justice dans l'impartialité requise. De son côté, l'avocat auprès de la cour de cassation, Me Sghaïer Zakraoui, a indiqué que le processus démocratique ne saurait réussir sans une justice indépendante. Par ailleurs, il a adressé au Tribunal administratif des critiques liées à sa position par rapport aux amendements de l'Isie, considérant que l'éligibilité de ses candidats devait se baser sur le principe des compétences comme critère éliminatoire. Car, selon lui, la sélection des membres de l'Isie ne devrait pas être soumise aux élections. «Choisie sur la base de l'allégeance partisane, cette instance ne pourra plus être indépendante. On aurait plutôt aimé ressusciter l'ancienne Instance pour en finir avec cette crise dont la responsabilité incombe à l'ANC», a-t-il estimé. Pour le conférencier, la responsabilité du « bourbier juridique» est imputable au Tribunal administratif dont la dernière décision ne cesse de susciter la polémique.