Des bribes de récits racontés avec un jeu démuni de fioritures, nous donnant à écouter et à découvrir le destin commun franco-algérien. «Je vous ai compris», tout repose sur cette fameuse phrase de De Gaulle, prononcée lors de son discours du 4 juin 1958, quatre ans avant l'indépendance de l'Algérie, le destin des Algériens de naissance ainsi que celui des pieds-noirs en est en jeu. Le texte de la pièce belge éponyme, qu'on a eu l'occasion de voir lundi dernier au Mad'art Carthage, repose aussi sur ces mots ambigus que le général avait alors adressés à tous ses auditeurs musulmans, européens et juifs. A travers les réminiscences des deux personnages, un Français d'Algérie et une Algérienne naturalisée française, que les comédiennes Valérie Gimenez et Sinda Guessab campent respectivement, on nous replonge dans l'histoire de l'indépendance algérienne. Deux récits parallèles se jouent sur scène, retraçant le vécu et la perception de deux personnes que tout semble opposer. Assises toutes les deux, côte à côte, sur des chaises face au public, s'effaçant, quelquefois, devant le grand écran, sur lequel prennent naissance, in situ, les dessins de Samir Guessab qui donnent corps à leurs propos. Car ils étaient réellement trois à prendre part à la pièce, le dessinateur derrière sa tablette graphique, qu'il maîtrise admirablement, donnait à voir l'histoire qui se racontait. Une voix off donne le la, issue d'archives de l'époque, avant de céder la parole aux deux comédiennes: le fils d'un gendarme pied-noir portant un béret et la fille d'un révolutionnaire algérien naturalisée française, des lunettes. Chacun racontant avec subjectivité son propre vécu, des années algériennes avant l'indépendance, des troubles de la guerre d'Algérie, de l'arrachement, de la vie en France et de la difficulté à s'intégrer, de la trahison pressentie après le fameux discours de Charles de Gaulle, en somme du conflit entre la France et l'Algérie représenté par ces deux communautés. Des bribes de récits racontés ainsi avec un jeu démuni de fioritures, nous donnant à écouter et à découvrir deux destins parallèles qui en disent long sur le destin commun franco-algérien et sur le sort de deux nations dupées par les politiciens. L'interprétation juste de Valérie Gimenez et Sinda Guessab et les émouvants dessins de Samir Guessab n'ont pas manqué de conquérir les cœurs et les esprits des spectateurs qui ont bien accueilli cette pièce belge que les JTC ont bien fait d'inclure dans le programme.