Bien que nanti d'une riche expérience, le nouvel homme fort de la sûreté nationale n'est pas sans savoir que sa mission sera difficile. Sa réussite dépendra assurément de sa... cohabitation avec le ministre de l'Intérieur Le nouveau chef de gouvernement, Mehdi Jomâa, a-t-il tiré le bon numéro en confiant le très sensible portefeuille de la sûreté nationale à Ridha Sfar ? Ce dernier est-il réellement suffisamment «armé» pour relever les défis ô combien cruciaux qui l'attendent dans ce domaine ? Bref, fera-t-il mieux que ses prédécesseurs? Bien évidemment, il est prématuré d'y répondre, la sagesse recommandant d'attendre un bon bout de temps pour juger l'homme sur ses actes, surtout dans un département si sensible et où il faut toujours compter avec... les peaux de banane, les luttes d'influence et, parfois même, les coups bas. Un enfant de la boîte Fondamentalement, disons d'emblée que plusieurs facteurs plaident en faveur de la réussite de Ridha Sfar dans ma mission. A commencer par sa riche expérience en matière de sécurité. En ce sens qu'il a, en tant qu'enfant de la boîte, roulé sa bosse un peu partout, des arrondissements régionaux de police à la direction des relations extérieures du ministère de l'Intérieur, en passant par l'école de formation de Salammbô dépendant du même ministère. Ayant atteint le sommet de la hiérarchie sécuritaire avec l'obtention, en 1995, du grade de commissaire général de police, M. Sfar était connu, tout au long d'un parcours entamé depuis 1975, pour son intégrité, son sens du professionnalisme et sa foi en le travail collégial. Le tout doublé de qualités de bon vivant et de passion pour le sport. Une passion qu'il a découverte dans les années 60-70 dans sa ville natale Mahdia où, encore jeune, il était (l'est encore ?) un fan inconditionnel du club-phare de la région, El Makarem. Les archives retiennent aussi qu'il avait réussi, en tant que patron de brigades, de retentissants coups de filet, en tenant souvent à prendre part, en personne, aux descentes policières. Un flic accompli, quoi ! Au souvenir de... Ben Ali Seule ombre au tableau de M. Sfar, la... traversée du désert qu'il a connue dans les années 90 et qui a coïncidé avec la formidable purge opérée par le président déchu au sein de l'appareil sécuritaire du pays. Résultat : M. Sfar sera, à la surprise générale, muté au département de la formation, avant d'être affecté au poste de directeur au Conseil des ministres arabes de l'Intérieur, poste peu compatible avec son CV et qu'il occupera jusqu'à sa récente nomination. Sans doute victime de la tyrannie de Ben Ali, il ne le regrettera peut-être jamais, après avoir été réhabilité par un certain voisin de palier, en l'occurrence Mehdi Jomâa. Que de dossiers à dépoussiérer Ridha Sfar (66 ans le 21 août prochain) revient aujourd'hui dans un département qu'il connaît comme sa proche pour y avoir longtemps géré les dossiers du banditisme et de la criminalité, ainsi que celui du terrorisme, lors de l'insurrection islamiste des années 89-95. Or, les temps ont, depuis, changé, et la tâche s'annonce autrement plus ardue pour le nouvel homme fort de l'appareil sécuritaire. D'abord, parce que le taux d'insécurité a presque triplé depuis la révolution, sur fond de développement galopant des phénomènes de la contrebande, de trafic de drogue et des meurtres. Ensuite, parce que l'envolée de l'hydre terroriste est loin d'être contrecarrée. Enfin, parce que M. Sfar aura à traiter, pour la première fois de sa carrière, l'épineux dossier du pluralisme syndical qui sévit encore au ministère de l'Intérieur. Par ailleurs, il va falloir compter avec un autre défi non moins crucial, à savoir l'arrestation des assassins de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi, ainsi que les acolytes de Abou Iyadh qui courent toujours. Tout cela sans oublier la nécessité de relooker nos relations sécuritaires, de plus en plus froides ces jours-ci, avec certains pays occidentaux, dont les Etats-Unis. Question de cohabitation Autre détail à ne pas négliger non plus, à savoir le choix d'un Mahdois pour travailler sous la houlette de Lotfi Ben Jeddou. Un choix qui a, inévitablement, donné... libre cours à toutes les supputations, sous la forme des interrogations suivantes : pourquoi précisément un Mahdois pour ce poste ? Pourquoi a-t-on réhabilité ce poste qui n'avait plus droit de cité au ministère depuis la révolution ? M. Jomâa voudra-t-il limiter le champ d'action de M. Ben Jeddou ? Que reste-t-il des prérogatives de ce dernier, après avoir été dépossédé du portefeuille de sécurité? Les rapports de M. Sfar iront-ils directement et discrètement au...Palais de La Kasbah, ou transiteront-ils par les bureaux de M. Ben Jeddou ? Bref, la cohabitation entre les deux hommes sera-t-elle vite scellée ?