Par Dr Souhail Alouini* La nouvelle constitution tunisienne dispose dans son article 141 que le siège de la haute Assemblée des collectivités locales se situera en dehors de la capitale Tunisienne. N'ayant pas spécifié de localisation exacte, cet article laisse l'opportunité aux différentes régions du pays de présenter leur candidature dans le but d'accueillir ce siège. En outre, la constitution ne précise pas les modalités de ce choix, pas même dans son chapitre dédié aux dispositions transitoires. Ce choix ne se fera probablement qu'après les prochaines élections législatives. Récemment, cette question a suscité énormément de réactions, et beaucoup de régions se préparent à présenter leur candidature. Parmi ces régions figure la ville de Kairouan. Le choix du siège de cette haute instance des collectivités locale est d'une importance capitale pour la Tunisie, et particulièrement pour les régions oubliées et défavorisées au cours de ces 50 dernières années. Il permettra en effet de déplacer et de décentraliser les pôles administratifs et financiers pour accorder aux régions davantage d'autonomie dans la gestion des besoins locaux en investissement, aménagement de leurs territoires, budget... Et tout cela avec une gouvernance ouverte, une participation citoyenne et une meilleure transparence comme en dispose l'article 139 de la constitution. La tâche ne sera pas facile. En effet, l'élection de la ville devra se faire dans le cadre le plus consensuel possible, en évitant de raviver les sensibilités régionales, voire tribales. En ce sens, il nous semble que la ville de Kairouan est bien positionnée pour aboutir à ce consensus, et nous allons exposer ci-après les quelques points qui nous permettent d'affirmer cela : — Kairouan, ville historique, ancienne capitale de la Tunisie, 2e principale ville tunisienne durant plusieurs siècles, garde à ce jour une place particulière dans le cœur et l'esprit du Tunisien. Son nom rayonne par son histoire dans le monde entier et particulièrement dans le monde arabo-musulman. — Kairouan peut être assimilée au nombril de la Tunisie. En effet, grâce à sa localisation géographique centrale, elle constitue un carrefour entre le nord et le sud, l'est et l'ouest. Cela lui a permis d'abriter et d'accueillir les Tunisiens, voire des Maghrébins, des différentes régions, et ce durant des siècles, ce qui lui donne une diversité de populations et un caractère accueillant et chaleureux que l'on ne retrouve que dans les grandes villes. — La situation économique et sociale de Kairouan est actuellement dramatique. Le potentiel de développement y est énorme, et comme toute la région du centre et de l'ouest tunisiens, elle est restée en marge de tout développement. Les infrastructures sont encore à créer. Elle ne bénéficie pas de voie d'accès rapide, ni de chemin de fer, ses routes sont dégradées, son hôpital est encore régional, ce qui est insensé dans une région de plus d'un million d'habitants. Kairouan devrait en effet disposer de son propre CHU et SAMU. En résumé, cette région et ville demeure encore tout à fait vierge. Son essor ne pourra que rayonner sur toutes les autres régions du centre, voire de l'ouest du pays, jusqu'à Makthar, Siliana, Sbeïtla et Kasserine. — Kairouan, de par sa localisation, présente une position stratégique. Elle est le lieu de passage obligé des mouvements de population et de marchandises entre le nord et le sud, et cette position ne fera que se renforcer par le choix de celle-ci comme capitale régionale. Une mise à niveau de tous les réseaux routiers passant par Kairouan permettra aux régions intérieures de mieux communiquer entre elles, et ce, en faveur de la réalisation d'une vraie décentralisation, limitant ainsi l'exode rural vers les grandes villes, et créant de vrais centres de vie dans les régions. Il est clair que beaucoup de régions rêvent d'accueillir cette haute Assemblée des collectivités locales, mais ne faudrait-il pas laisser les sentiments régionalistes de côté et penser d'une manière pragmatique à l'intérêt général de la Tunisie ? Une étude approfondie des différentes candidatures devra être faite de manière objective, transparente et apolitique, pour aboutir à une décision et un choix plaçant au premier plan l'intérêt du citoyen tunisien et de la Tunisie. *(Chirurgien pédiatre - Activiste OpenGovTn)