Episode 1 – Quand le cynisme rencontre le désaveu Le ministre des Affaires sociales va mal. Il avait un plan. Il y croyait fort. Une idée simple, brutale, moderne : troquer nos jeunes médecins contre des devises, les remplacer par des Hongrois, des Chinois, des hologrammes — peu importe. L'essentiel, c'était d'agir. Il l'a dit lui-même : « Je ne menace pas, j'agis. » Mais voilà. Son collègue du ministère de la Santé en a décidé autrement. Vendredi matin, l'accord est tombé : levée des réquisitions, retour à la table des négociations, reconnaissance implicite de la dignité des internes et résidents. Rideau sur la posture martiale. Fin de la mise en scène viriliste. L'exportation est annulée. Le ministre, dont la phrase a fait le tour des hôpitaux et des médias, se retrouve contredit, isolé, avalé par la gravité de ses propres mots. Et comme un symbole de la dissonance d'Etat, c'est le président lui-même qui s'était empressé, dès mardi, de jouer le contrepoint. Face à la bourde monumentale de son ministre, Kaïs Saïed s'était senti obligé de rappeler que « la Tunisie est fière de ses diplômés de médecine ». Un instant de schizophrénie gouvernementale. L'un menace, l'autre félicite. L'un brandit la prison, l'autre évoque le mérite. Deux lignes contradictoires, un seul régime. Et au milieu, une jeunesse diplômée qu'on malmène au petit-déjeuner pour l'encenser à midi. Mais il ne faut pas s'y tromper. Ce désaveu n'annule rien. Il confirme au contraire la doctrine. Une doctrine où le pouvoir central délègue l'humiliation à ses subordonnés, puis corrige à la marge quand le scandale déborde. Le ministre des Affaires sociales n'a fait que verbaliser tout haut ce que le régime applique ailleurs en silence : le mépris de ceux qui savent, la défiance envers ceux qui réussissent. Ce vendredi, un accord a été signé. Mais le malaise, lui, reste entier. On ne remplace pas une stratégie de casse sociale par une poignée de main en conférence de presse. Il faudra bien un jour interroger ceux qui, en haut lieu, pensent que la Tunisie se redressera en exportant ses cerveaux et en muselant ses forces vives. Et c'est peut-être là… toute l'illusion.
Episode 2 – L'art de voler en toute légalité Depuis le 1er juillet, la Tunisie a lancé une opération discrète mais redoutablement efficace : vider plus de 400.000 comptes bancaires inactifs au profit du Trésor public. Le tout, sans tapage, sans pédagogie, et surtout sans informer ceux qui sont concernés.
L'article 43 de la loi de finances 2025 impose aux banques et assurances de transférer au compte courant de l'Etat tous les avoirs inactifs depuis quinze ans. Le citoyen ? À lui de consulter le Journal officiel, de décortiquer des PDF scannés, sans moteur de recherche ni tri alphabétique, pour découvrir s'il figure parmi les spoliés. Ce n'est pas une mesure exceptionnelle. C'est désormais un processus permanent, reconduit chaque année, le 1er juillet. Une saisie légale et silencieuse, fondée sur la négligence, l'absence, ou l'ignorance. Et le plus absurde : si tu veux récupérer tes biens, tu devras prouver que tu les mérites. Le vernis est impeccable. Les délais sont respectés. Les textes sont clairs. Et comme tout est légal, personne ne s'indigne. Sauf qu'en réalité, la République a confisqué l'épargne de ses citoyens comme on racle un fond de tiroir. Ce n'est plus de la gestion publique. C'est de l'élimination douce. L'Etat ne vous prend pas votre argent, non. Il vous attend en silence pendant quinze ans. Puis il agit. Froidement. Administrativement. Et si vous protestez, on vous répondra : tout est légal. Et c'est bien ça, le plus terrifiant.
Episode 3 – Au Costa Rica, on ne dissout pas les juges Mardi 1er juillet 2025, San José. La Cour suprême du Costa Rica demande officiellement la levée de l'immunité du président en exercice, Rodrigo Chaves. L'accusation est claire : concussion. Il aurait contraint une entreprise à verser 32.000 dollars à un proche, ancien conseiller en image. La demande est transmise au Parlement. Le président n'est pas au-dessus des lois. Et tout le monde garde son calme. Aucun ministre ne parle de complot. Aucun juge n'est menacé. Aucun procureur n'est limogé. Il n'y a pas d'arrestation préventive à l'aube. Aucun média n'est traité d'agent étranger. Ce n'est pas l'anarchie. Ce n'est pas le chaos. C'est juste une démocratie qui fonctionne. Il faut dire qu'au Costa Rica, la séparation des pouvoirs n'est pas un slogan de façade. La justice est un contre-pouvoir réel. Le parquet peut poursuivre le président. La Cour suprême peut saisir le Parlement. Et le Parlement peut voter sans trembler. Ici, l'immunité n'est pas une armure, c'est une condition réversible. Rodrigo Chaves, élu en 2022, n'est ni exilé, ni déchu, ni victime d'un coup d'Etat. Il est simplement présumé coupable d'un acte répréhensible, et devra, comme tout justiciable, répondre aux institutions. Et ce, alors qu'il est toujours en fonction. Car au XXIᵉ siècle, dans certains pays, la République ne s'effondre pas quand la justice fait son travail. Et pendant ce temps, ailleurs — dans des contrées qui se disent elles aussi républicaines — on emprisonne des avocats pour un mot, des journalistes pour un article, des opposants pour un post Facebook. On dénonce des conspirations imaginaires, on traque la liberté derrière un écran de vertu. Mais au Costa Rica, on ne gouverne pas contre la justice. On gouverne sous la justice. Et c'est peut-être là toute la différence.
Episode 4 – Dieu contre les hommes Les chiffres viennent de tomber. En France, sur les cinq premiers mois de 2025, 145 actes antimusulmans ont été recensés, dont 99 agressions physiques : un triplement des atteintes aux personnes par rapport à 2024. Les actes antisémites restent massifs, avec 504 faits recensés, dont 323 agressions. Même les actes antichrétiens augmentent : 322 incidents, dont 51 violences contre des personnes, en hausse de 96 %. Mosquées profanées, synagogues taguées, prêtres agressés, fidèles menacés… partout, la foi devient un prétexte. Un étendard. Une cible. Et c'est là tout le paradoxe. Les religions sont censées unir les âmes. Elles parlent d'amour, de fraternité, de transcendance. Mais depuis deux mille ans, elles accompagnent les pires carnages. L'Eglise a exterminé au nom du salut. L'islam a combattu au nom du prophète. Le judaïsme a été instrumentalisé au nom d'une terre. Et partout, l'homme s'est cru autorisé à frapper au nom d'un verset. On ne choisit pas un camp. On les refuse tous quand la foi devient une arme. Ce n'est pas Dieu qui parle dans ces violences, c'est la peur, l'ignorance, la domination. L'exclusion devient doctrine. L'insulte devient dogme. Et l'humanité, elle, se ratatine au pied des autels. On peut croire. On peut prier. On peut même se dévouer. Mais on ne peut plus tuer pour une parole censée sauver. Car au bout du compte, ce ne sont pas les religions qui blessent. Ce sont ceux qui les utilisent. Et c'est peut-être là… toute la tragédie.