Né d'une rencontre entre une cinéaste, Julie Bertucelli, et une enseignante, Brigitte Cervoni, La Cour de Babel raconte la vie de jeunes élèves venus des quatre horizons... Ils s'appellent Oksana, Djenabou, Marko ou Naminata, viennent d'Ukraine, de Guinée ou de Serbie. Ce groupe de collégiens, âgés de 11 à 15 ans, est réuni dans une même classe pour apprendre le français, auprès d'une enseignante à la fois douce, à l'écoute et exigeante, Brigitte Cervoni. «J'ai rencontré Brigitte Cervoni lors d'un festival de films scolaires. Je l'ai vu arriver avec quinze enfants de quinze pays du monde. Et j'ai pu constater que ces adolescents étaient bien soutenus dans une classe qui leur permet d'apprendre le français, mais leur offre un sas aussi, un cocon pour qu'ils retrouvent leur classe de rattachement. Ce sont des adolescents entre deux âges, entre deux mondes, et cela m'a donné envie de passer une année scolaire avec eux». Julie Bertuccelli, qui a déjà réalisé plusieurs documentaires et deux fictions, a choisi de ne filmer que dans la salle de classe, ou plus largement dans le cadre scolaire, certaines sorties étant documentées. Mais la caméra n'entre pas dans l'intimité des familles. L'extérieur, on ne le connaît que par ce que les enfants en disent. Certains parlent de leurs difficultés à être acceptés comme étrangers, moqués pour leur accent ou leur mauvais usage du français, par d'autres enfants du même âge. D'autres expliquent qu'ils n'ont pas le temps de travailler leurs devoirs, en raison de la masse de papiers administratifs à remplir, les parents leur confiant cette mission. Ils sont venus en France pour des raisons politiques, économiques, ou parce qu'ils se voyaient ici offrir de meilleures perspectives d'éducation. « Il y a autant de visages que d'immigrés, il n'y a pas une immigration, insiste Julie Bertuccelli. Il ne faut pas l'oublier, parce qu'on stigmatise trop facilement les étrangers en ne les assimilant qu'à une sorte d'immigration. Par ailleurs, beaucoup ont en commun une relation familiale compliquée. Beaucoup ont quitté leurs parents, ou retrouvent leurs parents après des années de séparation. Ce sont des enfants pour la plupart très matures, ayant vécu des choses très dures. Ce sont un peu des héros pour moi ! Surtout les filles, maltraitées dans leur pays d'origine, certaines fuient l'excision, ou n'ont pas été autorisées à faire des études...». Echappant à toute mièvrerie, le film montre les difficultés de ces enfants. Certains ont du mal à se faire des amis, mais sont invités à former un collectif, notamment grâce à la pédagogie généreuse de leur professeur, Brigitte Cervoni, qui leur enseigne le français, les aide à s'épanouir tout en les encourageant à conserver leur culture, leur langue d'origine, et à échanger avec les autres, la culture des autres. Ce qui, d'ailleurs, peut donner lieu dans le film à des échanges cocasses, notamment sur l'existence de Dieu. Par son approche, honnête et respectueuse, sans voix off ni commentaire, La Cour de Babel devient ainsi un film indispensable, indispensable porteur d'espoir. Il valorise la diversité et ce qu'il y a de meilleur dans l'institution scolaire...