La commission parlementaire de législation générale concocte une loi électorale taillée sur mesure Il semble qu'au sein de la commission parlementaire de législation générale planchant depuis près d'un mois sur la discussion de la future loi électorale, les points de discorde vont en s'amplifiant de jour en jour, au point de susciter des réactions des observateurs et des experts qui vont jusqu'à attirer l'attention sur le fait que les élections tant attendues seraient biaisées au cas où certaines dispositions proposées viendraient à être adoptées par l'ANC. Il s'agit de la décision de faire accompagner les électeurs analphabètes par une personne qui les aiderait à faire leur choix le jour du scrutin. Deuxième disposition : le nombre des parraineurs des candidats à l'élection présidentielle : 10 membres de l'ANC actuelle, 50 responsables en charge des délégations spéciales (municipalités) et enfin 10.000 citoyens-électeurs à dénicher dans 10 circonscriptions électorales différentes. Enfin, les cas d'inéligibilité, dans la mesure où on semble avoir opté pour certaines interdictions pour ce qui est des candidats aux législatives, alors que pour l'élection présidentielle, la loi électorale attendue reste muette, dans le sens que tout candidat verra son dossier retenu à la seule condition qu'il puisse rassembler les parraineurs requis. Le défi de la popularité nationale Amine Mahfoudh, expert en droit constitutionnel, estime que le mécanisme du parrainage «a pour objectif de garantir les candidatures sérieuses et d'éviter celles considérées comme fantaisistes. Il est normal qu'un candidat à l'élection présidentielle puisse bénéficier d'une certaine popularité nationale et c'est la raison pour laquelle il doit chercher ses parraineurs dans dix circonscriptions électorales au moins, au cas où il n'arriverait pas à mobiliser 10 constituants ou 50 responsables municipaux. Certains prétendent qu'il est difficile de rassembler 10.000 parraineurs. Pour moi, cette affaire est bien celle des candidats qui prétendent avoir les compétences nécessaires pour briguer la présidence de la République». Quant à l'accompagnement des électeurs analphabètes par une tierce partie, le jour du scrutin, «c'est tout simplement, commente notre interlocuteur, un appel à des élections truquées d'avance. Avant, on faisait des acrobaties pour falsifier les résultats des élections. Maintenant, on veut le faire par la loi». Quelle solution propose-t-il pour barrer la route aux mauvaises intentions ? «L'idéal serait d'opter pour le scrutin uninominal à deux tours. L'électeur aura ainsi à choisir la photo de son candidat préféré. Pour moi, il est important de simplifier au minimum le paysage politique national. Les modes des listes et de la proportionnelle n'ont eu pour résultat que de faire régner la confusion et de contribuer à la division de la classe politique». Les inéligibilités (conditions d'interdiction imposées à une catégorie de candidats) évoquées par les membres de la commission parlementaire de législation générale obéissent, selon Amine Mahfoudh, «à des considérations politiques et il y a un grand risque de voir les résultats des élections annulés. Tout ce qui est politique est à trancher politiquement. Les RCDistes, il faut les battre le jour des élections». L'urgence de nous libérer du spectre de l'article 15 Lazhar Akremi, membre de la direction de Nida Tounès, s'étonne de voir nos constituants opter pour le choix de l'accompagnement des électeurs analphabètes. «Même dans les pays où on enregistre des records d'analphabétisme, à l'instar du Soudan, on n'a pas recouru à ce mécanisme. Idem pour d'autres pays où les électeurs sont appelés à choisir en une seule journée leur président, leurs députés, les membres des conseils régionaux et locaux et des municipalités. Dans ces pays, on a choisi la formule des codes. Malheureusement, dans notre pays, on va se trouver dans une situation inédite dans la mesure où quelque 2 millions d'électeurs pourraient voir leur choix confisqué par ces accompagnateurs». Quant aux conditions d'inéligibilité qui pourraient priver les RCDistes de se porter candidats aux élections, Lazhar Akremi pense : «Notre problème est que tout le monde parle uniquement du fameux article 15 en oubliant qu'il y a d'autres crimes qui empêchent la candidature aux élections comme l'abus de fonds publics, à titre d'exemple». Volet conditions du parrainage à l'élection présidentielle, il relève: «Toutes les conditions retenues par la commission de législation générale (10 constituants, 50 responsables municipaux et 10.000 citoyens-électeurs) ne peuvent être satisfaites que par Ennahdha. Aucun autre parti politique n'est en mesure, à l'heure actuelle, d'y répondre. Ce qui m'inquiète, c'est le silence de l'opposition qui donne l'impression de ne pas avoir saisi les dessous de cette décision. Au sein de Nida Tounès, nous ne resterons pas les bras croisés et nous ferons tout pour que cette proposition tombe».