Du 25 avril au 3 mai, le festival Visions du réel, l'un des festivals du documentaire les plus en vue en Europe, a eu lieu comme chaque année dans la ville de Nyon, à quelques encablures de Genève. Une année particulière, puisque ce festival célèbre ses vingt ans d'existence sous cette appellation Visions du réel, car le festival est beaucoup plus ancien que ça et sa première édition remonte aux années 70. D'ailleurs, la cérémonie marquait les 45 ans du Festival et ses 20 ans sous le nom de Visions du réel. Une vingtaine d'années célébrées avec beaucoup de convivialité. Le festival a, par ailleurs, honoré la carrière d'un cinéaste avec la remise du Sesterce d'or, prix Maître du réel au réalisateur suisse alémanique Richard Dindo. Une sélection importante de films de très grande qualité, venus du monde entier et projetés pour un public suisse, très cinéphile en fin de compte et qui fréquente toutes les salles du festival. Rappelons que «Visions du réel» est l'unique festival du documentaire en suisse et qui réunit également chaque année un nombre important de professionnels entre distributeurs , producteurs et réalisateurs, entre autres. Cette année, le festival a choisi la Tunisie pour son «focus». Rappelons que, chaque année, Visions du réel choisit un pays producteur encore peu connu mais en plein essor. Une dizaine de films documentaires tunisiens ont été sélectionnés pour être projetés au public suisse, mais il y a eu également toute une journée consacrée au cinéma documentaire tunisien, au cours de laquelle cinq projets ont été présentés à un jury avec, en vue, le prix Visions Sud-Est de 10.000 francs suisses (environ 9.000 € ) pour le meilleur projet de film. La journée consacrée à la Tunisie a démarré à la salle Colombière avec un mot de bienvenue de Luciano Barissone, directeur du festival, qui a rappelé l'importance de ce focus dans la ligne du festival et pour quelle raison la Tunisie était à l'honneur cette année. Ensuite, c'est Jasmin Basic, la responsable de ce Focus Tunisie, bien organisé du reste, qui a présenté les intervenants tunisiens devant parler du cinéma tunisien. Trois intervenants ont ouvert le bal : Kamel Ben Ouanès, Mounira Ben Halima et Habib Attia, après avoir mis le film documentaire tunisien dans son cadre historique et politique et décrit la situation du genre avant et après le 14 janvier. Kamel Ben Ouanès ajoutera : «Aujourd'hui, il y a une indépendance idéologique dans la création documentaire. Il y a aussi une sorte de malaise qui s'exprime à travers l'image». Kamel Ben Ouanès reprochera cependant aux films de l'après-révolution d'être trop «manichéens» et de faire dans la propagande en faveur de la révolution. Pour sa part, Mounira Ben Halima rappellera à quel point la création documentaire est prise en compte par le ministère de la Culture. Elle avancera le chiffre de 25% du budget qui est réservé au documentaire. Elle rappellera l'achat des droits non commerciaux du documentaire de la part du ministère qui a permis au genre de progresser. Selon Mounira Ben Halima, «il y a environ une centaine de documentaires, entre longs et courts, qui ont été produits après 2011 avec le soutien de deux festivals, Doc à Tunis et Douz doc days». «C'est une production importante, dit-elle. Malgré cela, le documentaire vit encore une crise, liée à la distribution mais aussi, et surtout, au fait que les télévisions ne produisent plus. La bonne santé du documentaire nécessite un effort de la part des télévisions». Interrogée sur le documentaire qui raconte la révolution, elle répondra : «Pour ma part, ce documentaire-là n'est pas encore réalisé !» Le producteur Habib Attia parlera de son expérience dans le cinéma, tout en insistant sur l'essor et le déclin du cinéma tunisien, dû à une volonté politique qui est allée jusqu'à réduire le nombre de salles en Tunisie. Il abordera le problème de la distribution à l'international de nos films : «Les distributeurs sont devenus de plus en plus frileux à l'égard de nos films, dit-il. Il faut travailler à éliminer cette méfiance afin que les autres nous regardent d'un œil bienveillant. Cela dit, je suis complètement sidéré par la léthargie de nos télés dans la production documentaire. La Haica n'encourage pas non plus les télés à investir dans le documentaire». En fin d'après-midi, toute l'assistance à été réunie pour connaître le projet tunisien élu pour le prix Visions Sud-Est, en collaboration avec Visions du réel et la direction du développement et de la coopération. C'est le projet de Sarra Abidi, «The factory and me», qui a été élu : un film qui raconte les ravages de l'usine de phosphogypse dans la localité de Gabès.