Une saison chasse l'autre. Mais elles ne se ressemblent pas. Celle de 2013 était des plus médiocres. En 2014, on table sur une récolte certes pas exceptionnelle, mais tout de même satisfaisante. Les agriculteurs, en dépit de toutes les difficultés qu'ils endurent, font preuve d'un acharnement légendaire pour que tout soit fin prêt et pour réussir les moissons qui débuteront incessamment Dans certaines régions du pays, notamment dans le Centre, les moissons commenceront au plus tard dans une semaine pour l'orge, ensuite viendra le tour du blé. Pour le Nord-Ouest, c'est au début du mois de juin que cela débutera. D'ailleurs, les centres de collecte n'ouvrent leurs portes que vers le 5 du même mois. Au vu des champs de blé pour la plupart déjà dorés, et au dire des céréaliers, la saison sera meilleure qu'en 2013. Celle-ci, et en raison d'une pluviométrie mal répartie où seules les terres du Nord et une partie de celles du Nord-Ouest étaient bien arrosées, était des plus médiocres. Les quantités collectées étaient en deçà des espoirs nourris en début de saison, en dépit de rendements assez élevés dans les régions où les précipitations n'ont pas fait défaut. Et quand on parle de récolte céréalière, sont incluses celles des fourrages en foin et en paille, aliments essentiels pour le bétail. Pour cette saison, foin et paille seront disponibles en quantités suffisantes. En 2013, les prix étaient prohibitifs en raison de la pénurie en la matière, ce qui n'a pas manqué de se répercuter sur les prix des viandes rouges. Et l'on espère un retour à la normale dans quelques mois. Mais cela dépend de la bonne volonté aussi bien des éleveurs que des bouchers. Cela dit, et pour revenir aux céréales, la récolte aurait certainement été exceptionnelle, n'eût été le calamiteux mois d'avril où la sécheresse a sévi jusqu'à la dernière semaine et où plusieurs maladies ont fait leur apparition avec leurs effets ravageurs sur les cultures. Le mois de mars était exceptionnel en précipitations et c'est bien dommage que cela ne fût pas le cas de celui d'après qui est crucial pour la formation et l'épanouissement du grain. Mais l'agriculture, c'est aussi cela, dans la mesure où, dans un pays comme le nôtre, la terre dépend du ciel. En tout état de cause, et en dépit de tous les aléas relevés, il n'en demeure pas moins que, faute d'une très bonne récolte céréalière, celle-ci sera au pire des cas moyenne. Mais il faut le dire, elle ne peut satisfaire les agriculteurs qui, en se fiant aux bonnes pluies du mois de mars, ont mis les gros moyens dans l'espoir de se voir récompenser dans leurs efforts par des rendements conséquents. Mis à part ces contretemps naturels, tout est aujourd'hui fin prêt ou presque pour que les moissons démarrent dans des conditions optimales et pour que rien ne soit perdu de la récolte d'ici son acheminement vers les centres de collecte. Conditions optimales ! Ainsi, moissonneuses, tracteurs de transport, presses pour paille sont disponibles, après avoir subi les examens et les entretiens nécessaires à partir du mois d'avril. Ce matériel, qu'il soit propriété des exploitants ou de location, a, à vrai dire, été en majorité renouvelé, même si quelques dizaines de moissonneuses-batteuses encore en activité ont trente ans et plus. Cela s'explique par le coût élevé de ces machines de plus en plus sophistiquées et au confort introuvable auparavant. On parvient malgré tout à se débrouiller du côté des agriculteurs comme du côté des propriétaires de ce matériel destiné à la location pour réussir la saison des moissons avec le moins possible de perte dans la récolte. Outre la question du matériel, aujourd'hui le problème de la sacherie ne se pose presque plus avec la nouvelle génération de moissonneuses dotées de bacs à blé d'une contenance de trois à cinq tonnes, dont le contenu est déversé dans des remorques spéciales pour le transport des céréales. Une fois au centre de collecte, ces mêmes céréales sont acheminées par un système mécanique spécifique vers les silos en hauteur; plus donc de perte, comme cela était le cas il n'y a pas très longtemps, avec l'usage des sacs en jute, ensuite en plastique et les mois que passent ces sacs avant d'être acheminés vers les silos des minoteries. Les pertes atteignaient parfois un taux de trente pour cent en raison de l'humidité et des pluies. La mécanisation de notre agriculture, bien qu'elle coûte beaucoup d'argent pour tous les intervenants, a tout de même permis de résoudre bon nombre de problèmes jusque-là insolubles et de réduire au maximum le manque à gagner. Mais demeure toujours le souci de rentabilisation et d'amortissement. C'est d'ailleurs ce qui explique le vieillissement de certaines machines qu'on retrouve encore en circulation. Des mesures d'encouragement pourraient être envisagées afin de venir en aide aux agriculteurs pour le renouvellement d'un matériel qui a fait son temps. Un secteur aussi vital pour le pays mérite sans doute une attention et une sollicitude particulières, d'autant qu'il y va de la sécurité alimentaire des Tunisiens. D'autres secteurs ont joui pendant des décennies des largesses de l'Etat et n'ont de cesse de réclamer encore plus et qui ne sont pas au même degré d'importance que l'agriculture dans son ensemble et la céréaliculture en particulier. Cette spéculation agricole, n'en déplaise à certains soi-disant spécialistes, pourra satisfaire nos besoins, en dépit d'une pluviométrie irrégulière. Cela dépend des choix qu'on fait et des priorités qu'on se fixe. Le facteur humain, quels que soient les caprices de la nature, est plus que jamais déterminant de nos jours. Il faut de la volonté et des moyens. Malheureusement, les deux font cruellement défaut au niveau des décideurs, dont la plupart savent faire des discours et n'ont aucune vision d'avenir sur ce secteur et bien d'autres. Entre-temps, l'exploitant, petit et moyen, endure les pires difficultés pour parvenir à travailler sa terre. Il fait face au renchérissement des prix de tous les intrants, matériel, carburant, engrais chimiques, main-d'œuvre et toutes sortes de services (coût des prêts bancaires, primes d'assurances...). Voilà où en est notre agriculture, surtout son pilier céréalier qui parvient tant bien que mal à faire face à l'insouciance des gouvernants et nous permet un tant soit peu, chaque année, d'alléger la note que nous valent les importations en céréales. L'exemple de cette saison avec les sacrifices consentis par les agriculteurs en atteste, pourvu qu'on soit au moins reconnaissants à leur égard, faute de leur venir en aide comme on continue à le faire avec les autres acteurs économiques.