La Chambre nationale syndicale des stations-services pointe l'Etat du doigt pour son incapacité à gérer le dossier de la contrebande de carburant..... Face au désarroi des gérants de stations-services, l'incapacité de l'Etat à appliquer les textes de lois, la contrebande de carburant ne cesse, désormais, de prendre des proportions alarmantes. Mohamed Sadek Gouidech, président de la Chambre nationale des stations-services, a exposé, hier, à l'occasion d'un point de presse, tenu au siège de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica), les pertes et risques qu'encourent le métier de gérant de stations-services, en particulier, et l'économie en général. Le phénomène de la contrebande de carburant touche, désormais, l'ensemble des stations d'essence, sur l'ensemble du territoire. Un phénomène dont l'impact négatif se fait sentir et pèse lourd sur tous les professionnels. «Nous avons enregistré une régression du chiffre d'affaires des stations d'essence sur toute la République. Les pertes en matière de chiffres d'affaires ont atteint 95% dans certains gouvernorats du Sud, dont Tataouine et Médenine. Elles sont de l'ordre de 70% au nord du pays, 60% au Sahel, 25% au Cap Bon, et 10% dans le Grand Tunis», a déclaré Sadek Gouidech,. Et d'ajouter : «Plusieurs gérants sont aujourd'hui dans des situations financières difficiles et se sont trouvés dans l'obligation de licencier du personnel. Sans compter que plusieurs sont menacés de mettre la clé sous le paillasson». Certes le phénomène de la contrebande n'est pas nouveau. Cependant, après janvier 2011, les contrebandiers ont profité de l'instabilité du pays, pour se consolider, se renforcer, voire s'organiser. Aujourd'hui, on parle ouvertement de « bandes et de crime organisés ». Pis encore, les contrebandiers sont implantés au vu et au su de tous, à proximité des stations, d'administrations et d'hôtels, face au désarroi des gérants de stations d'essence et l'incapacité de l'Etat. Incapacité à gérer le dossier Les membres de la Chambre syndicale des stations-services ont dénoncé hier, justement, l'incapacité du gouvernement à gérer le problème, affirmant que les contrebandiers ont pris de l'ampleur, n'ont plus peur et s'affichent sans aucune crainte. Du côté de Gabès, le président de la Chambre régionale des stations-services a précisé que le carburant de la contrebande est stocké, sans sécurité aucune, dans des dépôts, à proximité des postes de polices, de la Garde nationale, des délégations et des sièges de gouvernorat, ainsi que dans des fermes agricoles, sans aucune réaction des autorités publiques, avec tous les risques d'accidents, d'explosions et d'incendies. Ajoutant qu'une, une station d'essence, à Gabès ou encore à Médenine, assure des recettes d'à peine 120 dinars/jour, ce qui ne permet pas aux gérants d'honorer leurs engagements, aussi bien vis-à-vis de leurs employés que de leurs fournisseurs. Les présidents des chambres nationales du Sud s'étonnent de la propagation du phénomène à l'île de Djerba. Une île où l'accès est limité à un seul point, via le pont, où les contrôles policiers sont fréquents, et pourtant la vente de carburant de contrebande s'opère de manière ordinaire, voire normale. Du côté de Monastir, le président de la Chambre régionale a annoncé, avec beaucoup d'amertume, que la région compte 280 points de vente de carburant de contrebande ! Le phénomène ne touche plus exclusivement les régions frontalières Bien au contraire, toute la Tunisie est concernée et l'impact négatif sur les activités des stations n'est plus à prouver, ni à démontrer. D'où les différentes actions menées par la chambre auprès des autorités. Mohamed Sadek Gouidech a souligné que depuis trois ans, la structure a eu recours aux différentes administrations concernées, pour tenter de trouver des solutions aux stations d'essence, en vain. Des stations qui font vivre quelque 60 mille Tunisiens à travers la République. « On déplore, a-t-il indiqué, le manque de sérieux dans le traitement du dossier de la contrebande de carburant, l'absence de décisions radicales, et les campagnes très timides menées par l'administration. Une administration dont les arguments sont parfois à la limite du ridicule : «On n'a pas d'instructions dans ce sens, «On n'a pas les moyens matériel de lutter contre ce fléau, parce qu'on n'a pas de lieux où stocker le carburant saisi .... 60 mille personnes en péril Pire encore, les présidents de chambres régionales dénoncent l'ignorance des gouverneurs qui ne prennent même pas la peine de répondre à leurs courriers, ou de leur donner des rendez-vous, pour discuter du problème. Un problème de plus en plus grave, du moment que certains contrebandiers menacent les gérants de stations de brûler leurs lieux de travail ! Et pourtant, ce ne sont pas les textes de lois et les textes réglementaires qui manquent. La loi est on ne peut plus claire. Il suffit tout juste de l'appliquer et de punir tous ceux qui contribuent à la propagation de la contrebande. En tout état de cause, la contrebande de carburant a, après la révolution, enregistré un saut qualitatif, au regard des gérants de stations d'essence. Aujourd'hui, en effet, les contrebandiers vendent aux administrations, aux industriels, aux agriculteurs...Certains contrebandiers sont devenus des vendeurs de gros, et non plus au détail, avec en prime des pancartes indicatives. Sans compter qu'ils ont acquis de grands camions et qu'ils transportent du carburant en toute liberté et sans aucune sécurité sur les routes. Selon le président de la Chambre nationale des stations-services, les contrebandiers font également de la prospection à travers des propositions solennelles. Trop c'est trop. Aujourd'hui, les gérants de stations-services, à travers leur structure professionnelle, annoncent que leur patience a atteint ses limites, et qu'au prochain rendez-vous avec les autorités de tutelle, ils exigeront des solutions radicales. On ne peut plus se contenter des promesses du type : «On va faire», «On vous trouvera des solutions», au risque de suspendre les activités, soit de faire grève, et sur l'ensemble du territoire. « Nos demandes ne sont pas tirées par les cheveux. Nous sommes menacés de faillite. Il est impératif aujourd'hui que les administrations concernées coordonnent leurs efforts et interviennent pour résoudre le problème. Sachant que sur les 600 voitures qui traversent les chemins de la contrebande, 60% transportent des hydrocarbures», a précisé le président de la Chambre nationale des stations-services. «On ne peut réussir la lutte contre la contrebande que si l'on réussit à maîtriser la contrebande des hydrocarbures. Et sans une réelle volonté politique, le problème ne sera jamais réglé», a-t-il conclu. Pas de négociations sociales pour les stations-services La Chambre nationale des stations-services a refusé d'entamer les négociations sociales pour les augmentations de salaires. Le président de la chambre a expliqué que ce refus est justifié d'abord par les difficultés financières que connaissent les stations-services, suite à la contrebande de carburant. Ensuite, il est impératif de remettre au goût du jour la marge bénéficiaire des stations issues des différentes études réalisées. Des études qui ont démontré qu'il faudrait une marge supplémentaire de 10 millimes afin que le secteur retrouve son équilibre. D'un autre côté, il serait difficile d'entamer des négociations sociales avant d'engager la réforme du secteur et de mettre en œuvre les promesses formulées et les conventions signées avec le ministère des Affaires sociales, suite aux négociations de 2012, qui ont permis une augmentation de 12% des salaires. Sans compter qu'une grande partie des mesures et décisions prises lors du Conseil ministériel restreint, tenu en mars 2013, ne sont pas entrées en vigueur. I.B.