Ils sont 12 provocateurs, caricaturistes issus des quatre coins du monde, audacieux et drôles, défendant la liberté d'expression, parfois au péril de leurs vies En 2006, Jean Plantu, célèbre caricaturiste du journal Le Monde, créait avec Koffi Annan, alors secrétaire général des Nations unies, l'association Cartooning for peace. Aujourd'hui, 110 dessinateurs de presse du monde entier ont rejoint le mouvement, une forme de solidarité et de protection pour des hommes et des femmes qui défient les pouvoirs les plus autoritaires avec, pour arme, leur seul crayon. Un film sort sur les écrans, pour l'instant français, consacré à cette aventure, intitulé Caricaturistes, fantassins de la démocratie. «Notre vraie première langue, ce n'est pas l'arabe, le français ou l'anglais, c'est l'image», déclare Jean Plantu dans le film avec une voix déterminée. Ils sont 12 provocateurs, caricaturistes issus des quatre coins du monde, audacieux et drôles, défendant la liberté d'expression, parfois au péril de leurs vies. En dessinant sur la religion, l'économie, la politique, la guerre, ils testent en permanence le degré démocratique de leurs pays. Ce sont des fantassins de la démocratie, explique le réalisateur Radu Mihaileanu, qui a coordonné le projet avec Stéphanie Valloato. «C'est un geste d'amour. Rendre hommage à des gens formidables que moi, je considère être des héros modernes... Donc, c'est un hommage rendu aux fantassins de la démocratie, à des petites gens, à des grands bonhommes qui sont en première ligne, qui dessinent au péril de leur vie, au péril de leur liberté, juste pour défendre nos démocraties, la liberté d'expression...». A l'origine de ce film, il y a Plantu, le célèbre dessinateur du journal Le Monde, fondateur de Cartooning for peace, une association destinée à médiatiser le travail des caricaturistes, à les protéger aussi. Le caricaturiste syrien Ali Ferzat, dont les deux mains avaient été brisées en août 2011 en guise d'avertissement par le régime de Bachar El-Assad, a pu sortir de son pays grâce à un réseau de solidarité. « Par exemple, raconte Plantu, on y montre des filles, comme la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari qui signe ses dessins sous le nom de Willis from Tunis, qui, parfois, met sa vie en danger quand elle fait des expos dans un petit quartier à côté de Tunis. Il y a des salafistes qui peuvent venir dans sa galerie et tout bousiller... Ces filles courageuses, on les met en avant, comme la dessinatrice vénézuélienne Raima, qui a le courage de faire des dessins contre le régime de Nicolas Maduro Moros, comme elle faisait des dessins contre le régime d'Hugo Chavez avant. Des fois, elle est menacée parce qu'on dit son nom, son adresse, ses orientations sexuelles à la télévision et elle se dit : ‘Je ne vais pas pouvoir sortir de chez moi'». «On veut témoigner» Pour réaliser les tournages en Venezuela, au Mexique, au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire, en Israël, il a fallu ruser, louvoyer, comme l'explique le coordonnateur du projet Radu Mihaileanu : «La première difficulté était de ne pas mettre en danger les caricaturistes, parce qu'il y avait certains régimes qui, sachant qu'on filmait, voulaient les mettre en danger, ainsi que mon équipe de tournage. Il fallait les protéger... Heureusement, il n'y a jamais eu de mauvais événements ou de tragédies. Ce que nous leur avons demandé tout de suite : faites attention, ce film sera vu dans le monde entier, est-ce que vous êtes sûrs qu'il ne va pas vous desservir ?» La plupart des dessinateurs de ces pays délicats nous ont dit : «Non, on veut témoigner, parce que ce film nous protégera».