Par Hmida BEN ROMDHANE Juste quelques jours après les Egyptiens, les Syriens se sont rendus aux urnes mardi dernier pour élire un nouveau président ou réélire Bachar Al Assad. Des voix, des médias et même des Etats se sont appliqués à discréditer ces élections et à traiter les candidats Sissi et Assad avec les adjectifs les moins glorieux et les élections de «mascarade». La campagne virulente de dénigrement et les efforts désespérés de jeter le discrédit sur ces processus électoraux se sont emballés surtout à l'approche de l'élection présidentielle en Syrie. Sans surprise, le plus fort tintamarre venait de l'autre côté de l'Atlantique où l'establishment washingtonien et le «main stream media» jouaient aux âmes offusquées, pestant contre le culot du «dictateur syrien» qui, en pleine guerre civile, a osé se représenter pour un troisième mandat et organiser des élections non seulement dans les villes et villages sous contrôle de l'armée, mais aussi dans les pays étrangers où il était permis à la communauté syrienne de voter. Les critiques les plus virulentes venaient des pays et des personnalités qui étaient les plus prompts à se féliciter des élections en Irak, en Afghanistan et en Ukraine où la paix sociale et la stabilité sont loin d'être les caractéristiques principales. Et puis, le chef d'orchestre de la chorale anti-syrienne, le secrétaire d'Etat Américain John Kerry, n'ignore peut-être pas que l'élection présidentielle américaine du mardi 8 novembre 1864, qui avait opposé les candidats Abraham Lincoln et George Mc Clellan, était organisée en pleine guerre civile. Il n'ignore peut-être pas que Lincoln avait été réélu avec les votes du collège électoral de 25 Etats seulement et qu'aucun vote ne fut pris en compte dans les 11 Etats sécessionnistes du Sud. On entend déjà les voix outrées et scandalisées par cette comparaison entre l'Amérique de 1864 et la Syrie de 2014, entre le candidat Lincoln et le candidat Assad. Sans doute les deux hommes n'ont rien à voir l'un avec l'autre. Sans doute le premier avait-il gagné sa place au panthéon des grands hommes américains et le second est-il honni par une frange de son peuple et une partie de la communauté internationale. Mais il serait malhonnête de ne pas reconnaître que, toutes proportions gardées, les deux hommes ont des destins similaires puisque l'un et l'autre étaient présidents avant la guerre civile, l'un et l'autre avaient organisé des élections en pleine guerre civile, l'un et l'autre ont à leur actif l'honorable mission de préserver coûte que coûte l'unité et l'intégrité de leurs pays. Les pourfendeurs du régime syrien et les dénonciateurs de l'élection du 3 juin ont eu la très désagréable surprise de voir l'extraordinaire affluence des Syriens dans les bureaux de vote. Extraordinaire, car le corps électoral syrien ne s'est laissé intimider ni par la guerre qui fait rage ni par les menaces de l'opposition armée qui a intimé l'ordre aux électeurs de ne pas sortir de chez eux le jour de l'élection. Même chose à l'étranger, et en particulier au Liban, où les expatriés syriens se pressaient devant les bureaux de vote pour déposer leurs bulletins dans l'urne. On comprend la frustration de l'opposition armée syrienne et de ses sponsors au Qatar, en Turquie, aux Etats-Unis, en France et ailleurs. Ils ont vite trouvé l'explication de cette frustrante affluence : les Syriens ont voté en masse sous la menace de représailles du régime de Bachar Al Assad. Quant aux expatriés, ils se sont empressés d'aller voter par peur de ne pas pouvoir renouveler leurs passeports et de ne pas bénéficier des services consulaires... La vérité est tout autre bien évidemment. Trois ans et quatre mois de guerre civile atroce, de destructions, de massacres, de terrorisme aveugle ont convaincu la majorité des Syriens que leur salut se trouve du côté du régime de Bachar Al Assad plutôt que du côté de cette opposition hétéroclite composée d'une minorité impuissante d'opposants démocrates et d'une majorité de groupes terroristes violents, égorgeurs d'innocents et destructeurs d'hôpitaux et autres infrastructures civiles aux cris hystériques d'«Allahou Akbar». Le vote massif des Syriens à l'élection présidentielle du 3 juin n'est peut-être pas motivé par un amour excessif pour Bachar, mais il est sûrement motivé par une aversion viscérale vis-à-vis du nihilisme destructeur d'Al Qaïda, de ses excroissances et des hordes de terroristes étrangers qui ont transformé l'un des plus beaux pays arabes en une pépinière géante pour le terrorisme international. En votant massivement mardi dernier, les Syriens ont adressé un message clair à la communauté internationale, et surtout aux pays qui, à l'instar du Qatar, de la Turquie, des Etats-Unis et de la France, ont comploté et complotent toujours contre leur pays. Ce message est le suivant : vous avez tout fait pour détruire le régime syrien, mais celui-ci est toujours là, plus fort et plus populaire qu'il y a trois ans. S'ils sont réellement soucieux des grands principes dont ils se réclament pompeusement, s'ils ont la sagesse minimale qui permet le décodage et la prise en compte de ce message, ces pays devraient s'excuser sans tarder au peuple syrien pour les crimes innommables perpétrés par leur ingérence dans les affaires de la Syrie, couper les vivres aux terroristes et laisser enfin les Syriens régler leurs problèmes et entamer la reconstruction de leur pays.