Fortes chaleurs la journée, fraîcheur de la mer dans la soirée. Près du port de Sidi Bou Saïd, des familles ont trouvé au moins un avantage au Ramadan pendant l'été : l'iftar sur la plage. Avec ses parents, Sofiane a "dressé" une sofra à même le sable, sur laquelle ils dégustent la chorba, des "bricks à l'œuf" et sirotent du soda. «On mange puis on va se baigner», explique la jeune femme. Près d'eux, Souhaïl enfonce une canne à pêche dans le sable. Il travaille en Arabie Saoudite mais est rentré en Tunisie pour y passer le mois de Ramadan et observer le jeûne avec ses proches : «Je suis passionné de pêche, je viens donc deux à trois fois par semaine à la plage, souvent avec des amis». Quelques mètres plus loin, des garçons jouent au ballon, tandis que les plus petits, excités par le changement d'ambiance, s'agitent et pleurent. Le long de l'avenue de l'Environnement, certains couples ont aussi choisi de célébrer l'iftar sur la plage, comme Achraf, chauffeur de taxi : «Ça a du sens pour nous d'être au bord de la mer puisque nous sommes amoureux», explique-t-il, tout sourire, à côté de Sinda. Peinture et football En remontant les rues de Sidi Bou Saïd vers le vieux village, on trouve le centre culturel Hédi-Turki où le peintre Ali Wali expose ses œuvres jusqu'au 15 juillet. Les murs blancs font ressortir les couleurs des tableaux de cet artiste, habitant du village et présent dans le centre. Il montre ses peintures : les portraits d'anciens beys tunisiens, les rues de Sidi Bou Saïd représentées selon son imagination ou un canal de La Goulette au XIXe siècle. Ali Wali peint l'histoire de son pays et refuse de dévoiler ses inspirations, «ce sont des choses que je garde secrètes», explique-t-il. Mais dans le village, ce soir-là, l'attention est surtout portée sur les écrans de télévision qui diffusent le match de football Brésil-Allemagne dans les cafés. Les cris s'élèvent des terrasses : à la mi-temps, l'Allemagne mène déjà 5 à 0. Le café des Nattes, la tradition au village Sur le balcon du café des Nattes, Rihab et Mohamed Kheiri, respectivement professeurs d'anglais et de mathématiques, sirotent un thé aux amandes. Ces habitants de Nabeul n'ont pas peur de la route qui les attend après leur sortie nocturne : «Trois heures, c'est long, mais c'est moins long que de rester à la maison, confie Rihab en rigolant, on s'ennuie chez nous». «Sidi Bou Saïd a beaucoup de charme, ça change un peu le paysage», dit Mohamed en montrant de la main la baie magique de Sidi Bou et, en face, les villes côtières illuminées. A l'intérieur du café, il y a surtout des habitués : «Je dirais qu'il y a 1% de touristes pendant le Ramadan, ici», dit Kamel Abdelli, assis sur les nattes verte et rouge sur un espace légèrement surélevé. «On se retrouve avec les anciens de Sidi Bou Saïd, on se dispute et on discute beaucoup ! », s'exclame ce kinésithérapeute. De longs tapis se déroulent sur les marches qui mènent au café et sur lesquels les clients boivent un café ou un thé et fument le narguilé. Promenades entre les ruelles L'Allemagne a gagné 7-1. La surprise est passée. Les gens se promènent entre les petites ruelles vers le café des délices et marchent parfois jusqu'au bout de la terre qui surplombe la mer. Noura est assise près de sa grand-mère qui tient une boutique de pâtisseries et sucreries, elles rient avec Hayfa, sa belle-sœur. «Ici, on danse pour passer le temps», dit Noura en offrant une pâtisserie. D'autres amies du village arrivent et les saluent : elles sont prêtes à veiller jusqu'à trois heures du matin, heure à laquelle va commencer le jeûne.