Le clap de la cinquantième édition du Festival international de Carthage a été donné le jeudi 10 juillet avec Souvenance, le concert de musique instrumentale du compositeur et luthiste Anouar Brahem. C'est en présence d'un nombreux public, pour la plupart acquis, ainsi que du chef du gouvernement Mehdi Jomaâ et du ministre de la Culture, Mourad Sakli, que Sonia Mbarek, directrice de cette édition, a donné le la, déclarant ouverte cette 50e session. Elle a rappelé auparavant, sous les applaudissements des spectateurs, que «le festival de Carthage créé en 1964 par l'écrivain et homme de culture Chedli Klibi est désormais ancré dans l'histoire culturelle du pays. Marqué par le parti pris de la qualité, il a vu défiler sur sa prestigieuse scène de grands artistes internationaux». La directrice du festival a également rendu hommage à ses prédécesseurs qui ont «su, souligne-t-elle, préserver le label de la qualité». Puis place à Souvenance, ou plus simplement et de manière moins sophistiquée, Souvenir, la nouvelle création d'Anouar Brahem, présentée en première mondiale à l'occasion du cinquantenaire de Carthage. De retour sur cette scène, après 22 ans d'absence, le musicien qui a choisi après Nawara Al Achqa, l'une de ses meilleures œuvres musicales, d'opter pour une carrière internationale de oudiste, était accompagné d'un orchestre et de musiciens occidentaux : François Couturier au piano, Klaus Gesing à la clarinette basse, Bjorn Meyer à la basse ainsi que l'orchestre de chambre de Tallinn, dirigé par Risto Joost. Le concert s'est décliné, durant deux heures, en neuf compositions que l'artiste a écrites ces trois dernières années où la Tunisie a connu après le 14 janvier «une ivresse de liberté», d'après les propres dires de l'artiste (voir La Presse du 10 juillet) et une période d'effervescence et des bouleversements sur tous les plans. Dès les premières notes, le piano tutoie la guitare basse et dans un premier mouvement le oud et l'ensemble à cordes répondent, distillant des mélopées où s'entremêlent, de manière exotique, musique d'Orient et d'Occident, musique classique européenne et jazz. Les musiciens sont talentueux, notamment les solistes, entre guitariste bassiste, pianiste et clarinettiste. Mais l'écriture musicale pour le oud semblait des plus minimalistes, il nous a même paru perdu dans la sonorité générale. On aurait tant aimé l'écouter davantage. En vain. Cela, d'autant que l'un des credo d'Anouar Brahem est de mettre le oud en avant et de le sortir de la marginalisation qu'il connaît, depuis quelques décennies, dans les orchestres arabes. Au fil du concert, les morceaux se suivent dans un style intimiste entre souvenirs, nostalgie, murmures et chuchotements... toutefois les mélodies ont tendance à se répéter de manière monocorde. Or, on aurait aimé, afin d'éviter une certaine torpeur, que les compositions voulant susciter le recueillement alternent avec d'autres plus jubilatoires, plus jazzy. Ce qui aurait apporté plus de vivacité et de mordant à ce spectacle d'ouverture célébrant, de surcroît, le 50e anniversaire du festival de Carthage. Ce concert s'est, certes, caractérisé par la maîtrise technique et le savoir-faire des musiciens; cependant peu de morceaux ont suscité de l'émotion en nous. Une quasi exception cependant : ce si beau requiem inspiré par les événements de janvier 2011 à Kasserine et dont on a vu défiler quelques scènes dramatiques sur l'écran surplombant la scène. Le spectacle s'est clos avec le fameux air ayant marqué les années 90 et qui a étrangement copié, hélas, le tempo lent de l'ensemble du concert. Côté public : un sentiment de déception a prévalu chez les uns, alors que d'autres, les inconditionnels d'Anouar Brahem, ont applaudi et apprécié. Notre opinion : mou et monocorde dans l'ensemble. On aurait pu, par conséquent, pour l'ouverture de cette édition doublée de surcroît d'un cinquantenaire, célébrer la fête sur un ton un peu plus enlevé et plus festif.