Dans le monde entier et spécifiquement dans le monde dit libre, la liberté n'est jamais absolue, partout on fait attention à ne pas heurter les sentiments profonds des gens La diffusion du feuilleton tunisien Maktoub saison 4 a suscité une passion et quelques passes d'armes entre les défenseurs de la liberté de création et d'expression et ceux qui accordent la primauté aux règles de bienséance. Pour ces derniers, deux arguments sont mis en avant: le mois de Ramadan et l'heure de diffusion. Les spectateurs à peine le dîner terminé ou en cours pour les retardataires, réunis en famille, ont eu généreusement droit à des scènes violentes tirées de l'univers carcéral, à des beuveries d'alcool répétitives, et à un scénario insupportable de vulgarité. On y parle banalement de relations adultérines, de sexe et de drogue. Face à cet état de fait, un argument majeur est à prendre en considération. Ettounssia est une chaîne privée, le niveau d'exigence n'est pas le même requis qu'avec les médias du service public. Après tout, si un programme ne nous convient pas, on zappe. Argument irrecevable s'il s'agissait de la chaîne publique. Cela dit, le fait d'être une chaîne privée n'est pas un blanc seing sur tout. On ne pourrait par exemple diffuser du porno en prime time et prétendre que c'est une télévision privée, de facto libre de sa programmation. D'un point de vue légal, c'est un argument nul et non avenu. La Haica a un droit de regard sur les programmes de ladite chaîne. Et quand bien même c'est une chaîne privée qui diffuse depuis un satellite étranger, elle est destinée au public tunisien, que la Haica, c'est son rôle, doit protéger de toute dérive. Deux, et c'est le plus important, il y a l'aspect éthique à considérer. Dans le monde entier et spécifiquement dans le monde dit libre, la liberté n'est jamais absolue, partout on fait attention à ne pas heurter les sentiments profonds des gens, les offenser. D'autre part, la plupart des fictions que ce soit aux Etats-Unis, les fictions italiennes, espagnoles, anglaises, un certain seuil de pudeur n'est jamais dépassé, d'autant plus que les feuilletons sont toujours destinés à une large diffusion, généralement en prime time. C'est un fait majeur auquel les producteurs et directeurs de programmation accordent de l'importance. Le pays où la fiction a manifestement décidé de s'affranchir de tous les codes, c'est une partie de la fiction française où des scènes gratuites de nu sont imposées presque toujours, où ça crie, ça hurle au détour de chaque séquence, le scénario y est vide et le dialogue creux mais truffé de vulgarités. Mais c'est connu, quand on n'a rien à dire on verse dans le sensationnel, c'est le chemin de la facilité qu'a emprunté Maktoub. Il est un fait que malgré les variétés quotidiennes qui ont versé dans le populisme le plus gras, et malgré les copier-coller des émissions de jeu sur des concepts étrangers, la chaîne est gérée d'une manière réussie. Depuis le début de Ramadan, Ettounssia caracole dans les premières positions, laissant loin derrière elle toutes les autres chaînes publiques et privées. Mais ceci n'est pas une raison pour se croire tout permis. Pour l'heure, il y a une priorité en Tunisie, c'est de réussir le défi du vivre-ensemble. Et si l'on doit pour y parvenir faire des concessions et des gestes envers les plus conservateurs d'entres nous, soit ! En fait, le plus triste dans tout cela, ce n'est pas qu'il y ait autant de vulgarité en prime time. C'est que cette vulgarité trouve un aussi large public.