Ne jamais traiter l'immigrant irrégulier comme sujet condamnable à la détention. Il est temps de changer de ton Combien de jeunes Tunisiens viennent, de tous bords, braver clandestinement nos frontières maritimes, au cours de ces trois années qui ont suivi la révolution! Avons-nous le bilan des victimes qui ont succombé en mer, sous le coup illusoire de l'Eldorado ? Où sont nos jeunes disparus, depuis deux ans, sur l'autre rive de la Méditerranée ? Quel sort réserve-t-on à leurs familles qui continuent à souffrir dans leur chair ? Le tableau semble triste et les conséquences aussi lourdes que dramatiques ne sont plus à démontrer. Et pourtant, le phénomène de l'immigration gagne encore du terrain. Son ampleur en fait une question assez complexe, défrayant la chronique, du sud au nord de la grande bleue. Il ne se passe presque pas un jour ou une semaine sans que le débat ne reprenne de plus belle. Et malgré les efforts de la société civile internationale et la pression qu'elle maintient sur les gouvernements des pays concernés, afin de venir à bout de ce problème inquiétant, toutes les mesures draconiennes mises en place semblent n'avoir guère porté leurs fruits. Ce ne sont, plutôt, que des palliatifs limités dans le temps et dans l'espace. Sans recours à une vraie politique de gestion migratoire globale et multiforme. Toujours est-il que la réflexion sur de nouvelles pistes pour d'autres alternatives est en soi une manière de redonner espoir tant aux rescapés des barques de la mort que ceux des plus marginalisés dans leurs pays. C'est là un signal fort que les participants au congrès international, en conclave sous nos cieux depuis mardi dernier, ont tenu à transmettre aux décideurs politiques. Loin des solutions purement sécuritaires, le collectif des associations, venues des quatre coins du globe, ont opté pour une approche de lutte plurielle et multidimensionnelle. Ne jamais traiter l'immigrant irrégulier comme sujet condamnable à la détention. Il est temps de changer de ton. Car, toutes les pratiques répressives d'antan exercées sur les flux des migrants clandestins risquent, aujourd'hui, au nom des droits de l'Homme, de se retourner contre leurs auteurs. Contre les donneurs d'ordres, pour ainsi dire. Dans ce cas, il n'y a pas que la police qui devrait reformer ses tactiques, mais aussi le gouvernement en exercice. Ce dernier aurait à inverser la tendance et orienter ses efforts vers une nouvelle stratégie de communication et de gestion au profit des immigrants potentiels. Ceux-ci étant des futurs «harragas», sinon des bombes à retardement dans le fief de la criminalité et du terrorisme. Plus de 130 mille migrants clandestins vers les côtes italiennes Il en ressort des rapports communs de la société civile, réunie du 23 au 25 courant à Tunis, à l'initiative du Croissant-Rouge tunisien, que la courbe du phénomène en question va crescendo ces trois dernières années. Chiffres de l'Organisation internationale de la migration (OIM) à l'appui, plus de 130 mille migrants clandestins ont pu traverser, cette année, la Méditerranée vers les côtes italiennes dont quelque 30 mille sont partis du littoral libyen. Il y a aussi une lecture critique qui fait que ce ras-de-marée s'est vu sensiblement accroître, plus particulièrement aux pays du «Printemps arabe» et d'Afrique. Et pour cause, les recommandations formulées par les participants ont plaidé essentiellement pour un partenariat Nord-Sud efficace, sans pour autant se contenter des approches sécuritaires qui, elles seules, n'arrivent jamais à résoudre le problème. L'accent est, ainsi, mis sur le volet psycho-sociologique censé, plus souvent, être facteur propulseur à l'immigration non organisée. De l'avis des experts, la pauvreté et le chômage dans les régions les plus démunies en sont à l'origine. Encourager l'initiative privée et faire de ces régions de véritables pôles de développement, générateurs d'emplois, sont de nouvelles pistes de dissuasion reconnues. Renforcer les moyens d'assistance sociale et de protection sur les frontières est aussi une solution de mise. Le secrétaire général du Croissant-Rouge tunisien, Tahar Cheniti, a appelé de ses vœux l'unification des actions d'intervention humanitaire auprès des immigrants vulnérables et des réfugiés en Europe, destination de choix pour les jeunes rêveurs de l'Eldorado. Il a préconisé d'accompagner les mesures sécuritaires par de nouvelles approches de développement économique, susceptibles de réconcilier les jeunes avec leur milieu familial et social, tout en leur offrant les opportunités d'emploi et d'intégration. Et l'expérience nous a appris que la manière avec laquelle ce dossier a été géré vient de montrer ses limites. A vrai dire, les mauvais traitements qu'avaient subis ces personnes prises en flagrant délit n'ont pas dissuadé les récédivistes. Aussi sensible soit-elle, la question de la migration illégale requiert, à l'aune du nouvel ordre mondial, davantage d'attention et de prise en charge totale. La représentante de la Fédération internationale des associations des croix et croissants-rouges a souligné tout l'intérêt qu'il y a de renforcer la coordination entre le travail du gouvernement et celui des ONG. De même, elle a insisté sur le fait de voir les décisions politiques et les initiatives associatives faire bon ménage. Penser à l'immigration, c'est agir sur l'approche humaniste du phénomène. A la clôture des travaux, cette rencontre associative intitulée «la migration clandestine, opportunités et défis» affiche la volonté des congressistes d'approfondir les réflexions et de revenir, l'année prochaine, sur les résultats réalisés.