Par M'hamed BEN SASSI Personne ne saurait nier l'impact désastreux du système des examens sur la crédibilité de l'évaluation et la qualité de la formation reçue. Après la suppression de l'examen de fins d'études primaires ( sixième) et son remplacement par un concours d'accès aux établissements pilotes, le décompte de 25% de la moyenne annuelle obtenue en terminale dans le calcul de la moyenne de l'examen du baccalauréat a été le coup de grâce qui a précipité la dégradation du niveau d'instruction . Seuls les élèves et les parents concernés sont satisfaits de cette situation qui a fait des examens nationaux un passage forcé et une étape banalisée. Les cours supplémentaires assurés par les professeurs de la matière enseignée se sont intensifiés, malgré l'interdiction, et ce, non pas dans un souci d'enrichissement et de consolidation des acquis mais dans le but de gonfler les notes et la moyenne annuelle. Les lycées privés en ont également profité en ouvrant leurs portes à tous ceux qui ne peuvent pas réussir par leurs propres moyens. A part le cérémonial, le carnavalesque et les fêtes où tout le monde chante et danse, la réussite aux examens du primaire et du secondaire ne reflète pratiquement aucun mérite pour la masse des candidats. C'est donc en vue d'améliorer cette situation que les responsables du ministère de l'Education ont annoncé, en septembre dernier, de nouvelles mesures et les ont confirmées à la veille de la démission du gouvernement de technocrates. Il s'agit de réinstaurer l'examen de fins d'études primaires et de ramener à 20% la proportion comptabilisable dans la moyenne finale du baccalauréat en limitant à 3 points l'écart entre la moyenne annuelle et celle de l'examen final. Accentuation des tensions et infaisabilité de la démarche Cependant, si dans leur esprit, ces mesures se justifient amplement, au niveau des modalités et de la mise en application , elles sont critiquables sur la forme et le fond. Sur la forme, toute décision concernant les examens nationaux et le système d'évaluation doit, selon les cas, faire l'objet d'un amendement législatif, d'un décret présidentiel ou d'un arrêté du ministre de l'Education nationale et ce, conformément aux dispositions de la loi d'orientation du 23 juillet 2002 relative à l'éducation et à l'enseignement scolaire. Or jusqu'à aujourd'hui, aucune décision législative ou réglementaire n'a été publiée pour officialiser la réforme annoncée. Les autorités peuvent agir à la va–vite en déclenchant la procédure requise avant l'entrée en scène du nouveau gouvernement. A quelques mois de la fin de l'année, la loi pourra être modifiée et les textes d'application pourront voir le jour. A l'échelle politique , ce sera un cadeau empoisonné pour le nouveau gouvernement, sachant que les professeurs dans les milieux syndicaux ont eu à exprimer leur refus de la réforme et plusieurs parents concernés s'attachent au système en vigueur. Au niveau de la faisabilité, on est à 6 mois de la fin de l'année, les enseignants ont prévu d'assurer le programme compte tenu de l'inamovibilité de la situation, du moins pour cette année, pensant que le ministère a abandonné la reforme ou l'a reportée à plus tard. Les parents et les élèves en sont rassurés. L'imposer en milieu d'année serait prendre de court et les enseignants qui ont façonné leur prestation selon le système en vigueur et les parents et les élèves qui tablent sur le statu quo en tant que solution de facilité. La tension avec le ministère pourra ainsi prendre une nouvelle dimension. Une réforme ne doit pas commencer par la fin Sur le plan du fond, et c'est le plus important, la refonte et la réforme du système éducatif ne doit pas commencer par le système d'évaluation qui est la dernière étape du processus formatif. Pour qu'une réforme soit efficiente, il est requis tout d'abord un diagnostic exhaustif de l'existant, cerner les niveaux de défaillance et procéder par étape. Elle doit toucher les programmes, les contenus, les méthodes, le volume horaire et les prestations dispensées par l'institution éducative. Elle doit s'étendre à l'environnement scolaire et culturel pour lutter contre la délinquance et la violence dans les écoles et les lycées, réconcilier l'élève avec les activités intellectuelles et redonner vie aux espaces dédiés à la culture, érigés en salles des fêtes et maisons de culte incontrôlées par les autorités. La mise en place de la réforme dans son ensemble doit être précédée d'un débat national et d'une concertation entre les protagonistes pour ne rien laisser au hasard et impliquer toute la société dans la démarche. Elle doit s'effectuer progressivement en fonction des moyens et des disponibilités pour qu'elle ne tombe pas en désuétude avant même de l'avoir testée. Chaque étape doit faire l'objet d'un bilan spécifique permettant de rectifier le tir en cas de nécessité.