Trois personnages qui se racontent sans aboutir à une discussion. Le metteur en scène, Mounir Argui, vient de présenter un cycle de sa nouvelle pièce, El 3asses ou Le gardien, adaptée du texte théâtral qui porte le même nom, écrit par le prix Nobel britannique Harold Pinter. Sur la scène du Centre national des arts de la marionnette, où le cycle a eu lieu les 8, 9 et 10 janvier, Mounir Argui était accompagné par les comédiens Moez Hamza et Nour Zrafi. Ces derniers incarnent deux frères dont le quotidien va changer avec l'arrivée dans leur vie d'un vieil homme sans abri. Le grand frère sauve cet homme d'une dispute dans un café. Il l'emmène chez lui, lui offre des vêtements et de la nourriture et lui propose même de l'héberger, une proposition qu'il finit par accepter. Ce personnage faible et désemparé d'apparence va petit à petit montrer son vrai visage, celui d'un vieillard aigri, raciste, qui passe son temps à se plaindre et se met plus qu'a l'aise dans la chambre qu'il partage avec le grand frère. Le vieillard va très vite tenter de s'incruster et de se faire une place dans la vie des deux frères. Il propose au premier d'être le gardien de l'immeuble qu'il habite, avant de faire la même proposition au jeune frère quand il apprend qu'il en est le véritable propriétaire. A chaque fois, cela s'accompagne par une tentative de semer la discorde entre les deux frères en médisant sur l'absent et en faisant l'éloge de celui avec qui il converse. Même s'ils sont rarement présents en même temps sur scène, les deux frères vont faire preuve d'une solidarité sans faille, et jusqu'au bout, puisque le vieil homme ne pourra pas arriver à ses fins. El 3asses est adaptée en dialecte tunisien. Un texte haut en couleur, teinté d'humour, à la fois universel et très «tounsi», dont les reliefs prennent vie grâce à des comédiens talentueux. Le gardien d'Harold Pinter s'apparente au théâtre de l'absurde dans le choix de ces personnages qui viennent on ne sait d'où, et dont on ne connaît pas les motivations. Leurs paroles n'ont pas toujours un sens mais un sens ressort sûrement de cette pièce à la structure dramatique classique. C'est aussi un texte ouvert à diverses interprétations. Le vieil homme, c'est peut-être le temps qui tente de s'immiscer entre les deux frères. C'est peut-être aussi le temps à qui on raconte nos rêves et sur qui on accroche nos espoirs qu'il finit par emporter comme le vent. Ainsi, aucun de ces personnages, pourtant pleins de projets, n'arrivera à sa fin.