Par Khaled TEBOURBI Le chantier de la Cité de la culture reprend donc en mai. Le plus probable est que ce sera la bonne date ; une nouvelle société a remplacé la première(«renvoyée en procès »), et un nouveau contrat est signé pour les 25% des travaux restants. Fin 2016 début 2017, on l'espère, le bâtiment devrait être prêt. Deux bonnes raisons de s'en réjouir : Il y a, d'abord, que l'on en termine, enfin, avec un «dossier», le moins que l'on puisse dire, sulfureux. Le projet a démarré en 2003, depuis, il n'a fait que piétiner, subissant les intrusions et les diktats du clan Ben Ali. Combines et détournements successifs, jusqu'à l'arrêt complet, en novembre 2011. Là, après quatre années d'interruption, on se décide enfin : on assume les pertes et on va de l'avant. On y aura dilapidé du temps... et de l'argent, mais au final y avait-il un autre choix ? C'était ou ça, ou «la faillite auto-décrétée» ! Il y a, surtout, ce que tout le monde, les gens de l'art, s'entend, nos publics, sans doute aussi, appelle de ses vœux : ajouter de vrais théâtres au seul vrai théâtre que l'on a. On déplore beaucoup de choses, beaucoup de manques, dans la culture en Tunisie, on déplore et on réclame plus de budgets, plus de moyens, plus de protection, plus de soutien, on omet peut-être l'essentiel :l'infrastructure, les lieux mêmes où artistes et populations pourront apprendre, développer des dons, des talents, tout simplement se cultiver, s'exprimer. On a cité l'exemple du « seul vrai théâtre», le «municipal» de Tunis, celui de Caruso, de Salama Hijazi, de Youssef Wahbi, de Farid et d'autres icônes de «l'age d'or», exemple resté malheureusement « unique », sans cesse « motif à regrets» mais qui n'est pas le seul à rappeler la modicité de nos espaces de culture. Songeons, de même, à nos salles de cinéma, elles se comptaient par centaines dans les années 70, elles ne sont plus qu'une quinzaine de nos jours. Songeons, par-dessus tout, à nos plus de deux cents maisons de culture, (à nos précieux «legs Malrusiens»)qui suscitaient admiration et fierté il n'y a pas si longtemps, mais dont il ne subsiste plus qu'à peine le quart plus ou moins en l'état. Et encore, nos maisons de la culture, même sur pied, ne peuvent abriter de grands évènements artistiques et des spectacles de haut niveau. Etrange quand on y pense aujourd'hui, mais jusque sous Bourguiba, le réformiste, le moderniste, aucun grand espace d'art ne fut jamais construit. Nous en restons, depuis plus d'un demi-siècle, au seul théâtre romain, l'été, et au seul théâtre de la ville de Tunis, l'hiver. On raconte que l'on y a fait allusion, un jour, devant Bourguiba, il en a pleuré ! Le projet de la Cité de la culture avait-il pour but de combler ce vide ? Le dictateur (inculte) Ben Ali en a-t-il, vraiment, eu l'idée et le franc souhait ? Impossible de l'admettre quand on sait ce qu'était la convoitise de Leïla, «la régente», et de ses frères Trabelsi. Il s'agissait d'une juteuse commande d'Etat qui ne pouvait déboucher que sur un gouffre financier, ni plus ni moins. A quelque chose malheur est bon, cependant. Le chantier est encore sauf, réalisé déjà à près de 75%, avec, (donnée importante)la partie scénographique (l'espace représentation)pratiquement menée à son terme. La Cité de la culture de Tunis est bel et bien une réalité. Toute proche ! Pas «une affaire bidon», comme il se murmure encore ici ou là. Ce qui est réel et proche, ce seront, rappelons-nous bien, les deux nouvelles salles de cinéma, le nouveau grand théâtre, le grand musée national des arts plastiques et contemporains, la nouvelle cinémathèque, le centre national du cinéma et de l'image, le centre national du livre et de la création, et l'opéra, oui, notre tout premier Opéra ! Il y avait un clan de corrompus mobilisés pour «barrer la route» à ce grand rêve tunisien. Le voilà qui prend forme. Reste à en prendre modèle dans nos régions. A ne pas s'arrêter en si bon chemin.