Par M'hamed JAIBI Le passage de la Tunisie post-révolutionnaire d'un antagonisme idéologique entre factions rivales à une cohabitation basée sur un consensus de salut national laborieusement négocié a permis au pays d'adopter sa nouvelle Constitution et d'instaurer un véritable débat démocratique entre toutes les forces politiques, socioprofessionnelles et associatives. Cependant, la masse des problèmes et difficultés que connaît la Tunisie et les immenses retards pris dans leur résolution semblent, de manière évidente, contrebalancer toute l'ardeur que pourrait témoigner la nouvelle classe politique dans la mise en œuvre concrète des réformes, parfois draconiennes, que la situation exige. Certes, l'option d'«unité nationale» prônée par les deux grands partis a permis la formation d'un gouvernement multicolore et l'apaisement des tiraillements qui désorientaient le pays, mais la machine tarde à se remettre en marche et attend un grand coup de fouet qui tarde à venir, En fait, si le désir de bien faire de la part du gouvernement est évident, autant que la volonté des divers groupes parlementaires de sortir le pays du bourbier, tout ce beau monde se heurte à la complexité de la situation et à une multiplicité d'options et de voies que la modicité des moyens et la puissance des lobbies et groupes de pression compliquent et enchevêtrent. La compensation, les caisses sociales, la gestion des ressources minières, la fiscalité, le code des investissements... tous ces dossiers aussi essentiels que controversés divisent et désorientent, aussi bien sur la scène politique qu'au sein de chaque parti, mettant en évidence des considérations multiples et des risques majeurs qui exigent la plus grande minutie. Or cet état de fait est compliqué par les egos partisans et les positionnements idéologiques et politiques que les médias, libérés par la Révolution, ne manquent pas d'exacerber tout naturellement. D'où l'impératif d'une réflexion pluraliste à mettre en place en dehors des institutions représentatives et de leurs contraintes procédurières. A l'image d'un forum pluriel de réflexion et de proposition qui serait à la base d'une stratégie concrète de réformes consensuelles viables et harmonieuses, capable de nous impulser un «démarrage américain», tout en évitant qu'il soit dans le registre du libéralisme américain dont notre pays n'a pas les moyens. Un consensus actif offensif autour des réformes structurelles et formelles qui s'imposent pour faire redémarrer la machine et reconfigurer sans risques majeurs notre modèle de développement.