Par Mohamed KOUKA Il ya des notions qui confinent au tabou, par exemple celle de laïcité, toujours chargée de connotations négatives. On la confond souvent avec l'athéisme. Beaucoup d'hypocrisie sous-tendent cette confusion. On veut nous faire croire que cette notion nous est étrangère, n'a rien à voir avec notre habitus culturel; on veut l'assigner à résidence, elle serait occidentale. En réalité, la laïcité a été conquise en rupture avec la tradition occidentale marquée par la religion chrétienne. Lire Saint Augustin : «l'Eglise persécute par amour et les impies par cruauté» sans oublier l'Inquisition, la monarchie de droit divin ainsi que la condamnation de la liberté de conscience par l'Eglise, jusqu'au début du vingtième siècle prouvent que la laïcité n'est pas une émanation spontanée de la civilisation occidentale. Quelques tenants de l'intégrisme obscurantistes la réduisent à un particularisme culturel intransposable dans notre culture L'origine étymologique du mot «laïcité» vient du terme grec, ‘‘laos, qui désigne l'unité d'une population considérée comme un tout indivisible. Le laïc est l'homme du peuple, qu'aucune prérogative ne distingue ni n'élève au-dessus des autres. Soit que le vocable ‘‘démocratie'' contient un autre terme, démos, qui recouvre cette fois le peuple entendu comme communauté politique. Démocratie et laïcité, en un sens renvoient à la même idée :celle d'une souveraineté du peuple sur lui-même, dès lors qu'il ne se soumet à aucune puissance autre que celle dont il est la source. La vie commune n'implique pas qu'autrui ait un droit de regard sur ma conscience, sachant que l'idéal laïque n'entre aucunement en contradiction avec la religion comme telle, mais avec l'emprise qui caractérise sa dérive théologico-politico-dogmatique. Faut-il souligner que la laïcité récuse aussi bien l'athéisme? En amalgamant athéisme et laïcité on a en vue de disqualifier cette dernière. Lorsque l'ex-Union soviétique stalinienne a persécuté les religions et favorisé officiellement l'athéisme, elle a bafoué la laïcité aussi nettement que ceux qui veulent privilégier les figures religieuses de la conviction personnelle La laïcité n'est pas de l'ordre d'une option spirituelle particulière, mais constitue une condition fondamentale de la vie en commun dans le respect des options politiques, aussi bien que religieuses de chacun dans une totale égalité éthique.La laïcité c'est, tout simplement, la liberté de conscience dans l'égalité des droits. Mais la vie spirituelle ne peut se réduire à la religion même si celle-ci en constitue une figure importante. L'esprit vit dans les pratiques multiformes de la vie sociale, dans la culture comprise en sa richesse. L'art, la science, la philosophie, par exemple représentent des formes de la vie spirituelle au même titre que la religion, mais selon des figures différentes. L'esprit réside sans doute dans la foi, mais il vit également dans la pensée rationnelle, l'activité créatrice de l'artiste, et plus généralement dans les diverses activités culturelles. La religion n'a donc pas le monopole de la spiritualité La place dévolue à la raison, dans l'idéal laïc est essentielle. Irréductible à une faculté de calcul, la raison vise le vrai et le juste dans l'exercice du jugement. C'est pourquoi elle est faculté critique par excellence, et vit davantage comme une exigence de lucidité toujours en alerte. Par la culture, qui est réflexion et résistance et non simple mémoire d'informations, la conscience instruite permet à chacun de cultiver son humanité et de la soutenir par la source vive de la pensée. En guise de conclusion, je vous fait observer qu'il n'échappe à personne que ce qui fait florès à la télévision, toutes chaînes confondues, ce sont les débats politiques, c'est le marché de la parole, on s'y gargarise de mots, à sophiste, sophiste et demi : le bazar démago-populiste où l'on a opinion sur tout, et solution pour tout, sans crainte du ridicule, comme chacun sait le ridicule ne tue point. On cherche le buzz, à créer le buzz à tout prix, tous les moyens sont bons...L'autre soir sur une chaîne privée, celle dite de «la famille» un politicien n'a pas trouvé mieux, pour faire parler de lui, que de reprocher au chef de l'Etat d'avoir répondu positivement à l'invitation qui lui a été faite par le président français, et ce, à la veille du neuf avril, date anniversaire des martyrs du 9 avril 1934. L'accueil absolument remarquable, le faste déployé la chaleur de la réception font en réalité honneur à tous les tunisiens et à la Tunisie, bref, un accueil quasiment fraternel, entre deux démocraties, l'une de tradition, l'autre fait tout juste son entrée dans l'Histoire. Avec les temps qui courent, c'est un signe de détente et de vie qui pourrait donner envie aux touristes d'opter pour la destination Tunisie. Pour revenir à ce piètre politicien ,il faut bien le dire, il a probablement pensé qu'il allait soulever quelque indignation à bas coup contre le chef de l'Etat, qui aurait manqué de lucidité patriotique etc...Le numéro surjoué, sous-incarné de ce politicien qui manifestement veut attirer l'attention sur sa personne, donne une idée du bas niveau auquel est arrivé le débat politique chez nous. Effets secondaires de l'idée démocratique.