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Appel dans le procès Kazdaghli et déclarations de Marzouki sur le niqab : l'Université dans la tourmente des jeux de la politique politicienne
Publié dans Leaders le 18 - 05 - 2013

Le procès du Doyen Habib Kazdaghli aura été, par excellence et jusqu'au bout, celui des coïncidences troublantes. J'ai eu l'occasion, dans ma chronique sur cette affaire, de relever à plusieurs reprises la synchronie très probablement préméditée entre les dates des audiences et le calendrier des congés scolaires ou celui des examens semestriels et des fêtes de fin d'année dans un souci de démobilisation des défenseurs des libertés académiques tant en Tunisie qu'à l'étranger. L'épilogue du feuilleton judiciaire connaît un nouvel épisode de ces correspondances.
Une simultanéité troublante
Les Tunisiens ont été, le jeudi 16 mai 2013, simultanément informés par les médias de l'appel interjeté par le ministère public contre l'acquittement du Doyen de la Manouba et de la déclaration du président provisoire de la République, Moncef Marzouki soutenant, à l'occasion du Dialogue national instauré par l'UGTT, les étudiantes qui refusent de se dévoiler le visage pendant les examens. Il est troublant de voir ce dernier apporter son soutien aux niqabées au moment où le Parquet fait appel contre le verdict prononcé en première instance, non dans un souci d'exercer l'action publique dans le respect de l'intérêt général, mais dans une nouvelle tentative d'instrumentalisation de la justice. Cet appel à caractère politique montre, en effet, que certaines parties s'ingénient à pousser les magistrats à la condamnation, dans un procès d'opinion, d'un innocent contre lequel est ourdie une machination diabolique dont l'écheveau a été heureusement démêlé par la justice en première instance.
Un revirement déconcertant mais révélateur
Cette attitude d'un Parquet dépendant– hiérarchie administrative oblige – d'un pouvoir politique qui a voué aux gémonies à plusieurs reprises le Doyen de la Manouba, n'est pas surprenante. Mais la déclaration du président de la République est déconcertante à plus d'un titre. Elle est révélatrice, à un moment où le pouvoir politique par le biais du ministère public continue à faire, sous le couvert d'une affaire de droit commun, le procès des libertés académiques ,d'un alignement du président de la République sur les positions d'Ennadha qui affiche aujourd'hui, sans équivoque et d'une manière ostensible, son désir de satisfaire la revendication salafiste d'asservissement d'une règle académique à des convictions religieuses et qui orchestre la campagne de soutien au niqab. Le mouvement de Rached Ghannouchi ne s'est-il pas substitué via son syndicat étudiant ( l'UGTE) au mouvement djihadiste Ansar Echcharia, fer de lance l'année dernière de la « ghazoua » de la FLAHM, pour organiser et encadrer le sit-in de la faculté des sciences entamé le 25 février 2013, dans le but d'appuyer le droit pour les étudiantes de porter le niqab en toute circonstance ?

Tout le monde se souvient que le président de la République a pris fait et cause, en 2012, pour les universitaires au nom d'un parti pris pédagogique, celui d'un ancien enseignant de la faculté de médecine, convaincu grâce à sa longue expérience que le contact visuel et la communication non verbale sont des éléments fondamentaux dans la transmission du savoir. Le 5 janvier 2012, en recevant des membres du conseil scientifique de la FLAHM au moment où les forces de l'ordre obligeaient les sit-inneurs à lever le sit-in, n'avait-il pas soutenu le point de vue de ce conseil, adhérant totalement à l'approche développée par ses invités, selon laquelle le principe fondamental garant du bon fonctionnement de la transmission de la connaissance était la coopération entre des individus qui acceptent l'échange et le dialogue à visage découvert ? Dans le discours du 16 mai 2013, les défenseurs des règles académiques sont devenus des extrémistes laïcs,– la formule ressassée dans d'autres circonstances n'est que suggérée – partisans d'une laïcité radicale, opposés à toute manifestation d'appartenance religieuse et qui portent atteinte à la liberté vestimentaire et à la liberté de croyance : « Je ne peux pas comprendre qu'il y ait de la discrimination à l'encontre de citoyens en raison de leur tenue vestimentaire ou leur manière de pratiquer leur religion », a-t-il déclaré.

Ne sait-il pas ou aurait-il oublié que dans les établissements d'enseignement supérieur, les niqabées circulent à leur guise avec leur niqab même si cette liberté comporte des risques pour la sécurité comme le prouve l'étudiante niqabée qui a mis le feu dans l'une des salles de l'Institut des langues de Tunis (ISLT) et qu'on n'a pas pu identifier parce qu'elle était intégralement voilée ? Reniant ses convictions pédagogiques et le droit reconnu aux enseignants dans la législation tunisienne, (droit confirmé par 3 arrêts du tribunal administratif), dans les législations démocratiques et dans les recommandations de l'UNESCO , à édicter des règles académiques et à jouir des libertés universitaires, il a ajouté : « Je ne peux pas comprendre et je n'accepte pas que l'on empêche les étudiantes de passer leurs examens en portant le niqab ».

Le président de la République renie aussi par ces propos son passé de militant des droits de l'homme et adopte l'argumentaire des salafistes, défenseurs du port du niqab dans les salles de classe. Ces derniers, dans un attachement apparent à l'exercice des libertés individuelles et particulièrement la liberté religieuse nient, à leurs coreligionnaires dans le moment même où ils parlent de liberté religieuse, le droit à l'Jtihad, à leurs concitoyens de confession différente le droit d'arborer des signes d'appartenance religieuse, à leurs autres concitoyens l'exercice de la liberté de conscience et l'exercice des libertés fondamentales comme les libertés académiques. Ils oublient, par là même, le principe de non- discrimination dans l'octroi des libertés et celui de de l'indivisibilité et de l'interdépendance des droits de l'homme.

Contrairement à leurs allégations relayées par le président de la république quand il évoque la discrimination religieuse dont ils feraient l'objet, ils ne sont pas persécutés pour leurs croyances puisque les institutions ont leur ont reconnu le droit de porter la barbe et le qamis et à « leurs sœurs » le droit de porter niqab à l'université en dehors des cours et des examens. Ce sont eux qui installent un climat inquisitorial et qui sont prompts à accuser d'hérésie tous les musulmans qui ne partagent pas leurs convictions.
Comme ces salafistes, défenseurs du niqab, le président de la République fausse le problème en transformant l'exigence du respect des règles académiques et des valeurs universitaires en une atteinte aux libertés individuelles alors que les libertés universitaires sont des libertés fondamentales qui ne peuvent être transgressées, dans les républiques civiles et démocratiques au nom des normes religieuses. Comme eux, il oublie qu'il ne saurait y avoir, dans ces républiques, de primauté des normes religieuses quand elles contredisent les libertés fondamentales et que la liberté vestimentaire y est limitée par les règles professionnelles.
Un pavé dans la mare
La nouvelle position du président de la République est déroutante dans le contexte des examens de fin d'année. Alors que ces examens se déroulent en général, dans de bonnes conditions, dans tous les établissements d'enseignement supérieur du pays grâce aux sacrifices des universitaires, le président de la République a jeté un pavé dans la mare. Sa déclaration risque à tout moment de ranimer une situation conflictuelle et de compromettre la poursuite des examens à la Faculté des sciences de Tunis où le sit-in de soutien à la revendication salafiste dure depuis bientôt trois mois et où le Doyen, le Conseil scientifique et les enseignants, ont réussi contre vents et marées, à obtenir le respect des règles académiques.
Tentative de marginalisation des instances universitaires
Sans demander explicitement aux conseils scientifiques de revenir sur leur décision de ne pas autoriser les niqabées à suivre les cours et à passer les examens, le président de la République rejoint le ministre de l'enseignement supérieur, Moncef Ben Salem, qui dans une allocution prononcée à l'Assemblée nationale constituante le 27 avril 2012, avait exhorté le conseil scientifique de la Faculté des sciences de Tunis à satisfaire les revendications relatives au port du niqab qu'il a toujours considérées comme légitimes. Le pouvoir politique semble ainsi décidé, en cette fin d'année universitaire dans une violation flagrante des principes de la république civile et démocratique, à faire pression sur les conseils scientifiques, structures élues et représentatives des composantes de l'institution universitaire, pour les amener à renoncer à leurs prérogatives pédagogiques et scientifiques alors qu'il aurait été plus judicieux de les soustraire aux tiraillements idéologiques, politiques et religieux en renforçant la marge d'autonomie qui leur est octroyée. Dans ces jeux pervers de la politique politicienne, le Conseil des universités est lui aussi marginalisé. Cette instance, présidée par le ministre de l'Enseignement supérieur, composée des recteurs des universités tunisiennes, eux aussi élus, et disposant d'une compétence délibérative, a réitéré à l'occasion de sa réunion du 3 mai 2013, son appui au respect des règles académiques et des codes vestimentaires en vigueur dans les établissements d'enseignement supérieur sans être entendue par le pouvoir exécutif. Aucun compte rendu de ses travaux n'a été publié dans une infraction au droit du public à l'information.

La crise du niqab, que d'aucuns considéraient comme terminée après l'acquittement du Doyen Habib Kazdaghli, va perdurer en l'absence d'une volonté politique de faire appliquer les lois du pays et de respecter ses institutions. Les récentes déclarations du président de la République et l'appel du Parquet dans le procès du Doyen de la Manouba viennent remuer le couteau dans la plaie, au grand dam des universitaires qui croyaient pouvoir se pencher sur les problèmes endémiques de l'Université tunisienne et qui vont traîner comme un boulet l'affaire du niqab. Contrairement à ce que croit le ministre de l'Enseignement supérieur en demandant à l'ANC, au cours de la séance du 27 avril 2013, de promulguer une loi sur le port du niqab à l'Université, la Constituante n'est pas habilitée à le faire parce qu'elle ne peut pas déposséder les professions des prérogatives qui leur sont reconnues en la matière dans les démocraties.

Les défenseurs des libertés académiques doivent se serrer les coudes et rester vigilants non seulement pour soutenir la justice dans la voie indépendante qu'elle s'est choisie mais pour défendre les règles académiques
toujours menacées.

Habib Mellakh, universitaire, syndicaliste, professeur de littérature française à la FLAHM

Tags : Habib Kazdaghli Niqab Moncef Mazouki Université tunisienne Tunisie Habib Mellakh


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