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Grenades lacrymogènes....parlons-en !
Publié dans Leaders le 31 - 07 - 2013

Les autorités tunisiennes - après avoir traité à la chevrotine nos concitoyens à Siliana, avec les terribles dégâts qu'on connaît - recourent de plus en plus souvent aux grenades lacrymogènes lors de manifestations, le plus souvent pacifiques. Même à trois heures du matin, comme au Bardo, dans la nuit du 27 au 28 juillet 2013 !
Sous d'autres cieux, on a recours à des moyens « physiques » comme les canons à eau, des appareils à effet acoustique, des micro-ondes et des mousses adhésives. Quand on utilise les grenades lacrymogènes, on perturbe immédiatement les systèmes physiologiques et métaboliques des manifestants. Pour les spécialistes – chimistes, toxicologues, médecins, psychiatres - « on franchit une ligne rouge ». La loi tunisienne du 24 janvier 1969 précise les conditions de dispersion des réunions et manifestations par les forces de l'ordre et stipule que les moyens violents ne peuvent être utilisés qu'en dernier recours. Il importe de savoir si cette loi est, de nos jours, respectée quand on recourt à la chevrotine ou aux grenades lacrymogènes.
Ces dernières sont communément désignées en anglais par « riot control agents » (agents de répression des émeutes). Ces armes peuvent faire beaucoup de dégâts. Certains blessés peuvent même perdre la vue. Pire : le regretté Mohamed Ben Mofti Ben Ahmed a succombé, à Gafsa, suite au tir d'une grenade lacrymogène (La Presse du 28 juillet 2013). Lors de l'évacuation des étals anarchiques à Bizerte, fin mai 2013, un autre citoyen, âgé, est mort alors que des grenades lacrymogènes étaient tirées à proximité.
Sans compétence médicale, notre conviction, en écrivant cet article, est que les services médicaux peuvent avoir une consonance et une portée politiques. Il faut donc que le citoyen s'arme d'informations afin qu'il soit plus fort, plus résilient dans sa démarche militante voire révolutionnaire. A l'heure où le pays vit des heures décisives et tragiques, les professionnels de la santé devraient avoir à cœur de former les Tunisiens afin qu'ils soient capables de porter secours et de fournir, en connaissance de cause, les premiers soins.
L'emploi des grenades lacrymogènes est dangereux – tant pour les manifestants cibles que pour les agents de l'ordre parfois, si les conditions atmosphériques, notamment, sont de la partie - . Historiquement, elles ont été mises au point pour les usages militaires. Du reste, aujourd'hui, leurs codes à deux lettres : CN (pour chloroacétophénone), CS (pour o-chlorobenzylidènemalononitrile), PS (pour chloropicrine), CA (pour cyanure de bromobenzyle), CR (pour dibenzoxazépine)… sont l'œuvre de l'OTAN. CN et CS sont les plus utilisés. Ainsi, en l'espace de douze ans, la Turquie, par exemple, en a acheté au Brésil et aux Etats Unis, près de 950 tonnes.
Pourquoi emploie-t-on ces grenades lacrymogènes ? On les utilise dans le seul but de produire chez le sujet une gêne immédiate et le contraindre à fermer les yeux afin de briser sa capacité à résister ou à se défendre. Le CN et le CS sont des irritants pulmonaires importants. CN a été le premier irritant pulmonaire utilisé lors de la Première Guerre Mondiale. Il a été concurrencé, en 1928, par le CS synthétisé par les chimistes américains Ben B. Corson et Roger W. Stoughton. Sur le plan lacrymogène, le CS est 10 fois plus puissant que le CN mais il serait moins toxique. Cependant, il y a désaccord sur ce point chez les toxicologues car tout dépend de la forme employée : aérosol ou solution. En fait, il existe une large palette de composés à la disposition de la police. Leurs effets peuvent aller du simple larmoiement aux vomissements, à de la confusion voire même à la prostration.
Le CS réagit avec l'humidité de la peau ( sueur) et des yeux. Il cause une sensation de brûlure et contraint la victime à fermer ses yeux de manière énergique et involontaire. Ceci peut être accompagné de larmes profuses, de toux sèche et de brûlures des yeux, des paupières et de toute la sphère ORL. La victime peut aussi ressentir des vertiges, avoir une respiration anormalement rapide (tachypnée) et des difficultés à avaler (dysphagie). Elle peut aussi se sentir désorientée. Les personnes en sueur ou présentant un coup de soleil souffrent beaucoup de l'exposition au CS. Tous ces effets peuvent persister quelques heures ou quelques jours en fonction des terrains. Il faut impérativement laver à plusieurs reprises les habits souillés par le CS et même les jeter si la contamination est trop élevée. Ces vêtements peuvent en effet être à l'origine d'une exposition secondaire pour l'entourage de la victime ou du personnel soignant si le manifestant est admis à l'hôpital. L'exposition répétée au CS peut entraîner une hypersensibilité chez un certain nombre d'individus. A noter que des études montrent que le CS peut provoquer des avortements. Il faut absolument éviter le CS en atmosphère confinée ou à des concentrations élevées : la victime vomit, tousse fortement, a une forte sensation d'étranglement et souffre de troubles intestinaux. Des atteintes au cœur, au foie et notamment aux poumons (œdème) ont été décrites. Un ami ophtalmologue insiste sur le fait que les produits lacrymogènes sont particulièrement dangereux pour les yeux. Ils attaquent notamment la cornée. La victime ne dort plus pendant deux à trois jours tant la douleur est intense. L'explosion près du visage peut porter atteinte à la rétine et affecter la vision centrale par œdème maculaire provoqué par l'onde de choc. Lors des manifestations, les gens se couvrent la bouche avec un mouchoir humide pour éviter de respirer le gaz. Il est tout aussi important de se protéger les yeux par des lunettes de piscine (en verre incassable) à défaut de masque à gaz et de porter des habits couvrant parfaitement la peau. A noter enfin que les solvants utilisés (méthyléthylcétone ou chlorure de méthyle) dans les grenades lacrymogènes peuvent être particulièrement dangereux par eux-mêmes : ils dessèchent la peau, irritent les yeux ainsi que le système respiratoire. On les soupçonne d'être cancérigènes.
Mais il n'y a pas que la série du CS et de ses multiples combinaisons ! En 1962, on a introduit le CR (Dibenzo-(b,f)-1,4-oxazépine). Il est plus puissant et moins toxique que le CS. Comme il est moins volatil, ses effets sur le système pulmonaire sont minimisés. Le spray à base de poivre (oléorésine capsicum) ou OC est aussi employé comme agent de répression des émeutes. On le trouve dans le commerce dans des formulations à 1% mais des présentations à 10% existent. OC provoque la libération d'un neuropeptide (substance P) qui provoque douleurs et inflammation.
L'usage routinier du CS par l'armée sioniste d'Israël contre les Palestiniens a provoqué la mort par arrêt cardiaque, le 31 décembre 2010, de Jawhar Abou Rahma, 34 ans, originaire d'un village proche de Ramallah. En Egypte, la police l'utilise depuis janvier 2011 et, en novembre 2011, le CS a provoqué le décès de plusieurs personnes dans la rue Mohamed Mahmoud près de la place Tahrir. A Bahreïn, son emploi – entre mars et décembre 2011 - a causé la mort de 13 personnes qui ont eu la malchance de l'inhaler, la police ayant parfois lancé les grenades à l'intérieur des habitations.
L'information sur ces produits est d'autant plus nécessaire qu'ils sont importés généralement de pays industrialisés comme les Etats Unis. Ces derniers ont utilisé ces substances lors de nombreux conflits. Pendant la guerre du Vietnam, les Américains les ont mis en pratique pour contraindre les combattants vietcong à sortir de leurs caches. Ils peuvent avoir tendance à les écouler à l'étranger, leur utilisation étant fortement encadrée dans les pays développés et leur stockage y est soumis à de fortes et coûteuses contraintes légales et environnementales. Du reste, les Conventions internationales les prohibent dans les conflits armés pour éviter que, par mesure de rétorsion, l'ennemi n'emploie des produits neurotoxiques type Sarin, utilisé à Halabja par Saddam Hussein et son cousin Ali « le chimique ».
Ironie de l'Histoire : les gaz toxiques ont été utilisés pour la première fois dans le monde, contre des civils, lors de la guerre du Rif en 1925. Les forces coloniales françaises commandées par Lyautey tenaient à se venger des milliers de morts que leur avaient infligés les combattants marocains sous la conduite de l'émir Abdelkrim Khattabi. En 1927, les Anglais les ont employés aussi contre les Kurdes d'Irak.
Le chef de la police de Seattle, aux Etats Unis, Norm Stamper, a présenté sa démission suite à l'« épouvantable » usage des grenades lacrymogènes en 1999, à l'occasion des manifestations contre l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Il déclare : « Après utilisation des grenades lacrymogènes, de nombreuses manifestations non-violentes sont devenues bien plus actives, beaucoup plus militantes et dans certains cas plus violentes en réponse à la violence subie… Il est clair que l'emploi de ces gaz est abusif contre des manifestants passifs prenant part à des actes de désobéissance civile qui constituent une riche composante de notre démocratie. La police est un service public destiné à veiller sur la sécurité et pour le bien du public…. »
A l'heure où tant de nos compatriotes – dynamisés par « cette espérance lucide» dont parle Aimé Césaire- tentent de faire entendre leur voix, pacifiquement, du Bardo à Kasserine et de Mahdia à Gafsa, il est de l'intérêt public que la police donne des informations sur les produits utilisés afin que le corps médical et les associations soient en mesure de faire face en cas d'incidents ; étant entendu que l'utilisation de ces moyens doit être fortement encadrée et tout cas, en tout dernier ressort. Une police républicaine se doit aussi respecter les procédures édictées par la loi en cas de troubles à l'ordre public, le droit de manifester étant une des acquisitions phares de notre Révolution.
Mohamed Larbi Bouguerra
Tags : Mohamed Ben Mofti Révolution Bardo Kasserine de Mahdia Gafsa


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