Le double débat sur l'identité et l'islam en France fait intervenir nombre de Tunisiens. Tout récemment, le Nouvel Observateur a ouvert ses colonnes au Dr Fatma Bouvet de la Maisonneuve, 44 ans, psychiatre tunisienne qui est également élue socialiste de Montrouge. En exclusivité pour Leaders, elle évoque son parcours et sa relation à la Tunisie: Au nouvel Obs. elle avait déclaré que : «Dans la famille Bouvet de la Maisonneuve, on fête Noël, «avec la crèche chez la grand-mère», on célèbre Pâques «en cherchant les œufs», mais aussi l'Aïd-el- Kébir. Papa est chrétien et maman, née en Tunisie il y a quarante- quatre ans, est musulmane… Pour l'Aïd, on mange la viande et on porte des vêtements neufs suivant la tradition. Mais qu'on se rassure, je ne tue pas le mouton dans la baignoire», ironise Fatma. Croyante, elle ne va pas à la mosquée. «Comme 73% des musulmans de France», recense-t-elle. Le voile ? La burqa ? L'ardente féministe y voit «un signe politique, identitaire de femmes en réaction contre les discriminations, beaucoup plus qu'un signe religieux». Avec son islam paisible, elle, qui estime qu'on doit proposer des «lieux de culte pour les musulmans», dit qu'au fond elle et son mari défendent les mêmes valeurs humanistes, croient au même Dieu. » Dans son éditorial « Vivre avec l'Islam », Jean Daniel écrivait : « les musulmans sont si divisés que personne ne saurait parler au nom de l'islam. Il y a environ 1,57 milliard de musulmans dans le monde, 60% se trouvent en Asie, 20% au Moyen-Orient, 15% en Afrique noire, 2,5% en Europe et 0,3% aux Etats-Unis et en Amérique du Sud. 317 millions de musulmans vivent dans des pays où ils ne sont pas majoritaires (notamment en Inde, en Ethiopie, en Chine et aux Etats-Unis). L'Europe abrite 38 millions de musulmans, dont 4 millions en Allemagne et entre 5 et 6 millions en France. L'Europe et la France ont été bousculées par l'irruption d'une modernité multiculturelle et multiethnique. On n'avait pas averti les populations des transformations que cela pouvait apporter dans leurs habitudes et leurs paysages urbains. » Il ajoutait : « Les élites musulmanes de France sont très conscientes de la nécessité de procéder par étapes pour assurer une adaptation harmonieuse de l'islam à la société française. C'est en France, dans notre pays, que des écrivains, des savants, des universitaires approfondissent le mieux ce problème de la modernisation. » Un parcours significatif Interrogée par Leaders sur ses relations avec sa terre natale, Fatma lance de toute sa passion : «Mon rapport à la Tunisie est viscéral et charnel, je ne peux pas me passer de ce pays avec lequel je suis constamment connectée. Mon mari, français, aime la Tunisie parce que d'abord, j'en viens, mais aussi comme un pays dans lequel il a découvert un aspect de vie de nos ancêtres communs, les Romains. Il aime ce pays et le fait aimer à nos enfants qui y sont très attachés aussi. » Fatma ajoute : « j'aurais évidemment énormément de choses à dire sur la méconnaissance que les Européens ont de nous et de notre civilisation riche et raffinée, alors que nous savons presque tout de la leur! Ma devise, c'est la pédagogie, faire savoir ce que nous sommes, casser la tabous, dire que nous sommes fiers de ce que nous sommes, que nous pouvons aimer notre pays et en adopter un autre par amour aussi, sans trahir personne; nous sommes flexibles et curieux de la vie et des autres. » Fatma est psychiatre qui a été formée en Tunisie jusqu'à la deuxième année de résidanat qu'elle a obtenu en tant que majore de promotion en psychiatrie. Elle terminera sa formation à Paris pour faire de l'addictologie, à Ste Anne à Paris. Aujourd'hui, elle est addictologue et s'intéresse plus particulièrement à l'alcoolisme des femmes. Elle a également suivi un DESS de Marketing, ce qui lui a permis de travailler parallèlement à la clinique dans l'industrie du médicament, chez le leader Mondial Pfizer : postes de communication médicale, institutionnelle et politique. Mais elle a quitté l'industrie pharmaceutique définitivement il y a quelques mois, afin de se consacrer à la santé psychologique des femmes au travail, car depuis plus de trois ans, elle est responsable d'une consultation d'alcoologie pour femmes qui lui a ouvert la boite de pandore du statut féminin dans la société moderne, y compris la Tunisie: cumul des responsabilités, plafond de verre, disparité des salaires, emplois précaires etc. Fatma développe actuellement un travail de consulting dans les organisations professionnelles pour sensibiliser à la souffrance des femmes au travail. Elle vient de se lancer dans un site web tout à fait exceptionnel : santefemmesactives.com dont la version pilote suscite un réel intérêt. Elle s'efforce de démontrer que si le sujet de la parité n'est pas encore résolu, c'est du fait de l'abord uniquement législatif qu'on en fait. Pour progresser vers plus d'égalité, il faut inévitablement envisager les aspects sociaux, et médico- psychologiques de la parité, c'est ce qui est appelé ici: Bon Usage de la Parité. Par ailleurs, Fatma est élue socialiste dans sa ville (Montrouge), elle est également sur la liste en Ile de France pour les élections régionales qui auront lieu en mars prochain et membre du Club du 21e siècle, Club qui travaille à la promotion de la diversité en France.