Gabès, Ahmed Souab, Riadh Mouakher… Les 5 infos de la journée    Ahmed Souab : la date de l'audience fixée au 31 octobre    Complexe Chimique de Gabès : début des opérations de diagnostic par une équipe conjointe d'inspection de l'industrie et de l'environnement    Gabès : 26 élus du Conseil national des régions se solidarisent avec la population et réclament un plan d'urgence environnemental    Les forces de l'occupation ont annoncé la libération de 1966 prisonniers palestiniens    Gestion des déchets : vers la création de quatre unités de valorisation dans le Grand Tunis    Reprise du train matinal entre Le Kef et Tunis à partir du 14 octobre    Thon rouge : vers une réforme pour protéger les petits pêcheurs tunisiens    Jugement de non-lieu en faveur de l'ancien ministre de l'Environnement, Riadh Mouakher    Usage de la langue des signes dans divers domaines: un projet de loi à l'étude    Nouveau système en Europe : votre façon de voyager va changer    Khaled El-Enany élu à la tête de l'UNESCO avec un soutien record    Tunisie vs Namibie : Où regarder le dernier match qualificatif pour la coupe du monde 2026 du 13 octobre    Signature d'une lettre de mandat entre l'UBCI et la BERD pour la mise en place d'une ligne de crédit verte    Calme précaire à Gabès après une vague de protestations... les habitants attendent une réaction de l'Etat    Bou Salem : Khadija, 56 ans, emportée par la crue de l'oued Dzira    Choc en Tunisie : près de la moitié des enfants ont déjà essayé de fumer, ne serait-ce qu'une seule fois    Ciel voilé par moments et températures inchangées ce lundi    Stationner à Tunis : entre sabots, remorquages et cauchemar quotidien    Testour se prépare pour la 9e édition du Festival de la Grenade !    Festival International du Film du Caire: sept films tunisiens en compétition    MENA Rock Festival 2025 : Tunis fait vibrer le monde au rythme du rock et du métal (line up)    Le festival Vues sur les Arts revient pour une 6ème édition à l'Agora La Marsa et l'Agora Djerba    Choisir l'Etat, pas l'entourage    Climat social tendu à l'Institut Pasteur de Tunis : les syndicats brandissent la grève    « Des ministères complices du désastre écologique à Gabès » : l'accusation du député Abdessalem Dahmani    La dernière impression compte...    Cinquante milliards de dollars, c'est ce que coûtera la reconstruction de Gaza    Selon une étude canadienne, l'utilisation excessive des écrans nuit aux résultats scolaires    La France a un nouveau gouvernement    Tunisie : le déficit commercial se creuse à 16,7 milliards de dinars sur neuf mois    Règlements : ce qu'il faut savoir sur les contrats des joueurs professionnels    L'ailier dribbleur des Aigles de Carthage : Elias Saâd, le booster offensif    L'ONU : Réforme indispensable ou réforme impossible ? Un ouvrage collectif qui servira de référence    Lassad Yakoubi : l'arrestation qui interroge    Firas Nasfi : le gouvernement préfère de nouvelles usines plutôt que de sauver Gabès    Document – La conférence de l'Ambassadeur Ahmed Ounaïes sur « L'ordre régional et international de notre temps »    Douze sculpteurs en exposition collective : Mémoire de la main (Album photos)    Contrôle aux frontières simplifié et sécurisé : le système EES arrive    Sidi Bou Saïd parmi les 10 plus beaux villages blancs du monde !    Tunisie : Le film "Le Pont" de Walid Mattar primé au Festival du Film Arabe de Fameck    Un avocat célèbre poursuivi pour blanchiment d'argent et corruption    Tunisie : lancement d'un projet ambitieux de modernisation du Colisée d'El Jem    Hend Chaouch : 30 ans de passion et d'audace au cœur du désert tunisien    Jamila Boulakbeche explose les records tunisien et arabe à Martigues    Tunisie vs São Tomé-et-Principe : guide complet pour regarder la rencontre    Tunisie : Amal Fattoum nommée à la tête de la Pharmacie centrale en remplacement de Chokri Hammouda    Cette image de Ronaldo avec un keffieh et le drapeau palestinien est générée par IA    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mahmoud Darwich, Le meilleur de tous
Publié dans Leaders le 15 - 05 - 2016

« Les meilleurs de tous seront ceux qui savent seulement une chose : que, quoi qu'il se passe, tant que nous vivrons, nous aurons à vivre avec nous-mêmes »
Hannah Arendt
«De toi, Tunisie, nous n'étions jamais autant épris
Devrions-nous te dire merci ?
On n'a point entendu deux amants se dire merci,
Merci tout de même de rester ainsi
Préserve-toi, ô tendre Tunisie ! ...»
Nombreux doivent être les Tunisiens qui connaissent ces cinq vers par cœur et tout aussi nombreux, ceux qui, parmi eux, se souviennent de Mahmoud Darwich en train de les déclamer d'une voix étranglée par les sanglots, le jour où il a fait ses adieux à la Tunisie au théâtre municipal.
Depuis le poète a aimé d'autres villes, a chanté d'autres poèmes, a ému d'autres auditoires, avant de nous précipiter, tous, dans le deuil et la tristesse, en nous quittant le 9 août de l'an 2008. Mais sa présence ne s'est jamais tarie et sa voix ne s'est jamais tue car comme il l'avait prophétisé lui-même en se confiant au journaliste libanais Abdou Wazen : « Ces poèmes […] sont entrés dans la mémoire collective, si bien que je ne peux plus en disposer. Ils ne m'appartiennent plus. » Et en effet, voici que la voix de Mahmoud Darwich nous parvient après avoir traversé l'espace, le temps, la terre, les frontières et les langues dans un volume en français, intitulé « Présente absence » *
Cet avant-dernier livre a été publié du vivant du poète en 2006, à Beyrouth, sous le titre « Fi hadrat al-ghiyâb ». Alors que toute son œuvre a été traduite en français par son ami Elias Sanbar, le poète, l'essayisteet l'ambassadeur de la Palestine auprès de l'Unesco,ce livre a été transposé dans la langue de Molière à quatre mains puisqu'un autre ami de Darwich s'est associé à cette traduction, l'éditeur et écrivain franco-syrien Farouk Mardam-Bey.
La figure du double
Et il ne fallait pas moins de deux traducteurs, deux sensibilités pour tenter de transmettre le souffle et faire entendre la cadence de ce somptueux recueil. D'autant que La figure du double est omniprésente dans les vingt chapitres qui composent le livre. On la rencontre, dès le seuil, dès le titre, qui dit littéralement en arabe, « En présence de l'absence ». Le paradoxe ou l'oxymore n'est qu'apparent tellement les deux notions se complètent, se reflètent, s'allient comme des jumeaux, comme des images en miroir. Ainsi l'intime accompagne l'épique ; l'histoire individuelle reflète l'Histoire collective ; Mahmoud est un homme et un poète.
Les échos de l'intime
Dans un dialogue continu avec son alter ego, le poète fait un retour sur son parcours, comme le mourant qui, dit-on, revoit en en un clin d'œil toute sa vie défiler. Et en effet, pressentant sa fin s'approcher depuis l'intervention chirurgicale subie à la fin des années 90, il avait l'impression de vivre en sursitaire :« Moi, vers un rendez-vous plus d'une fois remis avec une mort à laquelle j'avais promis dans un poème une coupe de vin rouge. »(p.9)
Alors un vaste Flash-Back nous permet de suivre l'itinéraire de Mahmoud depuis le petit village natal de Birwa. En Ulysse ayant déjoué les sortilèges des Lotophages :« Les mangeurs de lotus ne t'ont pas ensorcelé avec le goût mielleux de l'oubli. »(p.56), le poète se souvient de la cour de sa maison, du Carmel, de Haïfa, de la Galilée, de Nazareth, d'Acre « la plus vieille des belles cités, la plus belle des vieilles cités » (p.132). De la prison et des multiples départs. Des aéroports : « Tu t'es ensuite vu dans un troisième, quatrième, dixième aéroport, donnant à des fonctionnaires indifférents une leçon d'histoire contemporaine […] Comme si l'aéroport était le pays de celui qui n'a pas de pays. » (pp.45-46). Il se souvient aussi des villes dont il égrène les noms comme on enfile des perles : Moscou, le Caire, Beyrouth, Damas, Tripoli, Paris, Rabat… sans oublier la perle noiredont le souvenir douloureux ne cesse de revenir: « Mais tu n'as pas compris pourquoi, faisant tes adieux à Tunis, en son théâtre municipal, les larmes s'étaient dissimulées sous la surface des mots avant de sourdre et déborder» (p.111) et de se répéter comme un traumatisme :« Tu n'as pas compris pourquoi tu as pleuré au théâtre, à Tunis, faisant par une mystérieuse contagion pleurer le public » (p.114)
Cependant l'attendrissement nostalgique et lyrique est vite chassé car ce destin individuel est étroitement lié au destin d'un peuple : « Là-bas, tu as suffisamment vécu les effets destructeurs de la Nakba pour te faire détester l'autre moitié de l'enfance. »(p.38)
La Nakba
Le flash-back cède souvent la place à son contraire le Flashforward et l'auteur d'anticiper sa mort et de déclamer sa propre élégie : « Je suis celui dont on dit l'élégie et celui qui la dit »(p.14) mais par la magie de la langue, par la magie de la poésie, l'élégie de Mahmoud devient celle de son peuple. En effet, ne pouvant guérir de son mal: « Quand guérirai-je de mon addiction à définir le tout par la partie ? »(p.25), Darwich le poète lyrique et intimiste devient grâce à la métonymie un poète épique : « Qui es-tu en ce périple ? Un poète troyen, rescapé du massacre pour raconter ce qui s'est passé ?» (p.56)
Et en effet, il raconte l'occupation, les massacres, le déplacement des populations, la transformation d'un peuple en réfugiés. Il raconte l'exil, la destruction des maisons et le rasage des villages. Il dit comment Deir Yassine a été rayé de la carte ; il dit le calvaire de Gaza et les massacres Sabra et Chatila :« Tu apprendras par les radios que la nuit de Sabra et Chatila a été illuminée pour que les assassins puissent regarder dans les yeux leurs victimes et ne pas manquer un instant de jouissance à la table des immolations. » (p.67)
La Palestine comme métaphore
Nous l'avons vu, le poète représente par métonymie son peuple et sa terre extorquée et grâce à son génie poétique, la Palestine se trouve transcendée et prend une dimension universelle : « …Un seul mot, de six lettres, peut-il contenir toutes ces choses… et nous être étroit ? »(p.33). La Palestine devient la métaphore de cette « présente absence » affichée dès le titre, elle devient la métaphore de toute injustice, de toute nostalgie, de tout exil, elle devient le poème « d'un poète perplexe entre prose et poésie » (144).
On l'aura compris, le recueil est d'une beauté telle qu'il est tentant de le citer en entier, mais mieux vaut réserver la surprise au lecteur et s'arrêter là, avec le fol espoir d'avoir respecté la dernière volonté du poète :« Bien sûr…bien sûr, tu n'as d'autre testament qu'interdire les exégèses abusives »(p.136)
*Mahmoud Darwich, Présente absence, traduit de l'arabe (Palestine) par Farouk Mardam-Bey & Elias Sanbar, Actes Sud/Sindbad, avril 2016, 128 p. – 17,00 €


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.