Le diagnostic du cancer entraîne une grande peur, d'où l'anxiété et la dépression chez les sujets cancéreux. Toutefois, cette détresse psychologique est largement sous-estimée et sous-traitée par les médecins qui prennent en charge ces malades. Dès lors, le médecin doit-il dire ou ne pas dire la vérité à son patient ? Doit-il ou non lui révéler sa maladie ? « L'essentiel est d'établir une « vraie » relation avec le patient et ses proches », comme l'ont fait remarquer les participants à la journée de sensibilisation au dépistage précoce du cancer du sein, organisée par l'Association Régionale d'Assistance aux Personnes atteintes de cancer au Cap Bon. La vérité ? Nul ne peut nier que la nouvelle a un impact sur les patients car le cancer est pour eux synonyme de mort d'où l'angoisse. Le mieux sera-t-il de cacher la vérité ? Le médecin seul a-t-il la responsabilité de décider s'il doit ou non dire la vérité à son patient ? C'est un sujet extrêmement délicat que vivent tous les soignants au quotidien. Il faut bien admettre qu'ils ne sont pas tous doués pour cette tâche tellement délicate. Bref, le médecin doit-il parler à son patient de cette maladie grave ? « Il faut l'annoncer mais il y a une manière pour le faire. Il y a des étapes à ne pas brûler », estime le Dr Samir Khalffalh. La première tâche qui s'impose au médecin est d'établir un diagnostic, de préciser la, ou les causes de la maladie. Il peut, à partir du diagnostic, prescrire le traitement pour évaluer, par la suite le pronostic, c'est-à-dire l'évolution prévisible en termes de qualité et de durée de vie. Cette démarche engage la responsabilité du médecin de qui l'on attend avant tout de ne point se tromper, ni au niveau de la phase du diagnostic, ni lors du traitement. Il ne doit pas se prononcer dès le début s'il n'est pas certain qu'il s'agit d'un cancer ou d'une tumeur bénigne. Il doit demander au patient de faire une radio. Si l'image est suspecte, on doit passer à la chirurgie pour en être sûr et passer enfin à la chimiothérapie. En deux minutes, on ne peut pas se prononcer sur un cancer. Les marges d'erreur sont souvent plus importantes qu'on ne le croit dans son évaluation. L'évolution prévisible dépend certes du diagnostic de la maladie .Il faut que l'information sur la vérité du diagnostic puisse se faire de façon différée et intervenir par étapes au fur et à mesure que les relations médecin tendent à se raffermir du fait d'une meilleure connaissance réciproque et du fait d'une certaine familiarisation du malade avec la maladie La peur d'annoncer et d'informer ! Toute personne a le droit d'être informée de son état de santé. Cette information incombe à tout professionnel de santé. « Le médecin doit à son patient une information loyale, claire et appropriée (à la personnalité du malade et aux enjeux de la situation) », selon le Code de déontologie explique Pr Riadh Bouzid chef de service de psychiatrie à l'hôpital Tahar Maamouri de Nabeul. Le médecin a toujours peur de cette confrontation, de l'annoncer mal et surtout de la réaction du malade. D'où l'importance de l'expérience, de l'apprentissage du praticien. Le but de la consultation d'annonce c'est d'informer le patient, lui permettre d'exprimer ses émotions, lui offrir la possibilité d'une décision éclairée et de lui proposer des prises en charge spécifiques de support, dont le soutien. Cette annonce doit se faire dans un lieu calme et intime. On doit explorer les connaissances du patient, comprendre ce que le patient veut savoir et avec qui il souhaite partager son information. L'annonce de la nouvelle doit être toujours accompagnée psychologiquement tout en tenant compte du niveau de compréhension et de la capacité de la famille à accepter qu'on informe le patient. Elle doit être aussi claire que possible par rapport au déroulement des processus thérapeutiques et des soins. L'accompagnement du patient Le médecin doit accompagner le malade tout en l'assistant à mieux s'informer notamment, sur ses droits ainsi que les associations pouvant lui venir en aide. En fait, le rôle du médecin est important. Il doit par exemple veiller à l'information des enfants du malade avec souvent des mots adaptés à leur âge, répondre à leurs interrogations sans cacher la vérité car ils sont très fragiles. Pour le conjoint, il ne faut pas le rassurer faussement, ne pas lui afficher trop d'angoisse. On doit comprendre les sentiments de détresse mais les atténuer par l'espoir et l'efficacité thérapeutique. Le soutien du conjoint, son accompagnement lors des consultations est primordial. Une alliance famille-équipe médicale est indispensable pour initier les investigations et pour pouvoir assumer les traitements, leurs effets secondaires et les hospitalisations prolongées ». Et les associations ? Il existe plusieurs associations nationales ou régionales, spécialisées dans l'accompagnement des malades en fin de vie. Les bénévoles de ces associations écoutent et dialoguent avec les malades et leurs proches. Ils offrent non seulement une présence mais aussi un soutien psychologique, voire une aide matérielle plus concrète. C'est le cas de l'Association Tunisienne d'Assistance aux Malades du Cancer du Sein, (Atamcs), une association qui, malgré son jeune âge, contribue largement au soutien des personnes malades et à l'amélioration de leur qualité de vie. « Nos valeurs orientent notre conduite et nos actions. Nous œuvrons à changer positivement la mentalité des cancéreux », déclare Mme Lamia El Bey, secrétaire générale de l'association. « Nos malades sont pris en charge aussi bien physiquement que psychologiquement. Nous leur offrons des perruques, des chaises roulantes et nous les incitons à parler de leur maladie. Nous les écoutons lors des forums et des débats animés par des médecins. Nous leur proposons des séances de peinture, de musique et même des sorties. Ceci sans oublier l'accompagnement de la personne malade et de ses proches, par une écoute téléphonique et par des entretiens de soutien ou de psychothérapie. Il nous arrive aussi d'assister juridiquement certains patients divorcés ou délaissés par leurs familles et de les aider à trouver un emploi ». De son côté, le Dr Mohamed Sghaier Trimèche trésorier de l'Association régionale d'assistance aux personnes atteintes de cancer du Cap Bon nous explique que son association « participe à la promotion de toute action de soutien et d'aide aux personnes atteintes de cancer. Elle développe toutes les formes d'assistance et de prise en charge adaptées aux besoins exprimés par les personnes malades ou par leurs familles ». Et le trésorier d'ajouter : « Nous assurons la prise en charge médicale, paramédicale, sociale et psychologique lors des différentes phases de la maladie et ce grâce à la coordination d'un réseau qui œuvre dans le domaine conformément au programme national ». Par ailleurs, Mme Mouna Miled, Vice-présidente de l'association appelle à rapprocher les services des patients. Son vœu est de doter Nabeul d'une unité de traitement du cancer à l'hôpital de Nabeul « surtout que plusieurs patients éprouvent des difficultés pour se déplacer à Tunis ».