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Samir Gharbi: Covid-19, face au lobby des cliniques privées que doit faire l'Etat tunisien?
Publié dans Leaders le 12 - 04 - 2020

Dans les pays libéraux européens, les cliniques privées se mobilisent d'elles mêmes pour aider les hôpitaux publics à faire face à la pandémie du covid-19. Elles le font de manière spontanée et sans demander des «sous» au malade… Les comptes se feront plus tard avec les services de l'Etat. Priorité à l'accueil et aux soins, personne ne demande aux malades un «chèque de caution». Ce n'est plus le moyen-âge. Fini le temps du capitalisme cupide au moment où il y a péril en la demeure!
A quoi assiste-t-on en Tunisie?
Je ne crois ni mes yeux ni mes oreilles. Pour accueillir les malades, les patrons de nos florissantes cliniques privées, à de rares exceptions près (il y a encore des honnêtes dans ce pays), exigent des sommes astronomiques avant l'admission du patient… Quelle cupidité ? Quelle absence de morale ? Quelle ingratitude ?
Cette situation aurait dû provoquer un tollé. Hélas, rares sont ceux qui ont protesté… Les autorités font la sourde oreille, elles courbent l'échine afin de conclure un improbable accord de transition sur les prises en charge du covid-19. Où sont les élus qui ont juré sur le saint Coran de protéger la Tunisie et de défendre la dignité de ses citoyens? Ont-ils des intérêts dans les cliniques privées ? Ont-ils peur du « lobby » qui défend ces cliniques ? Les citoyens s'interrogent. Ils ont vu des vertes et des pas mûres jusqu'à présent, mais le scandale du covid-19 dépasse les bornes.
Permettez-moi un bref retour en arrière.
Les cliniques privées se comptaient sur les doigts de la main à la fin du règne de Habib Bourguiba, dont la politique privilégiait justement le secteur public et ne voyait dans le secteur privé qu'un supplément de confort. Les rares cliniques des années soixante-dix et quatre-vingt avaient pu néanmoins prospérer, s'épanouir…
C'est sous Zine Ben Ali qu'elles vont se multiplier, s'enrichir outre-mesure… que le cours de la santé va prendre un virage radical en faveur des hommes d'affaires (c'est le cas aussi, remarquez, dans le secteur de l'éducation). Le nombre de cliniques privé a triplé. Et, contre toute attente, la «révolution de 2011» n'a pas changé de cap: les présidents, les députés et les gouvernements n'ont pas ralenti la privatisation du secteur de la santé, ni celui de l'éducation, ils ont favorisé sa course à bride abattue.
Regardez l'infographie. Le nombre de cliniques privés est passé de 81 en 2011 à 102 en 2018 (dernier chiffre officiel), et le nombre de lits a doublé, de 3 326 à 6 370. Cette croissance, qui s'est faite en dépit du bon sens, a plongé les Tunisiens dans un choix aberrant face à des hôpitaux publics qui manquent de tout et qui renvoient ceux qui le peuvent vers le secteur privé. L'Etat, qui est censé réguler la santé, n'a pas été pas regardant ni sur les tarifs pratiqués librement par les cliniques, ni sur les cahiers des charges, ni sur les contrôles fiscaux… Investir dans une clinique privée est devenu une affaire juteuse, avec l'afflux d'une clientèle étrangère: il n'y a qu'à voir les cliniques en cours d'extension et de construction qui pullulent dans les grandes villes…
Ces cliniques ont adopté des «techniques» de facturation débordantes d'ingéniosité : on demande d'abord un chèque de caution au malade ou à sa famille, puis on facture tout, absolument tout, de la serviette à la seringue, du drap au pansement… Et les prix s'envolent dès qu'il s'agit d'un service particulier. Le malade n'a aucun moyen de contester ni à qui se plaindre… Rien n'est inclus dans les forfaits d'hospitalisation. La pilule est amère et la facture bien salée lors de la sortie…
Face à ces procédés du saucissonnage de la facturation, le malade est seul. L'Etat ne joue pas son rôle de régulation, de normalisation et de surveillance. Il laisse tout simplement faire le nouveau et puissant capitalisme médical.
«En intégrant les projets en cours de construction, on estime que le nombre de lits dans le secteur privé va passer à 12 500, alors qu'il n'était que de 5 000 lits en 2014. On assiste depuis 2015 à une course effrénée à la construction de nouvelles cliniques », écrivait en février 2018 le dr Slaheddine Sellami sur le site Leaders.tn [https://www.leaders.com.tn/article/23998-dr-slaheddine-sellami-nouveaux-hopitaux-nouvelles-cliniques-les-fausses-pistes-de-la-politique-de-sante-en-tunisie].
Lisez ce dernier morceau, prise sur le vif, un cri de colère publié sur le site de Tunisie Numérique, le 10 avril 2020: «Les cliniques privées, au lieu de faire profil bas, ont osé la contre offensive avec tout le culot du monde, pour assurer qu'elles sont des entreprises commerciales et qu'il est de leur droit d'assurer leurs revenus. Parmi ces moyens, Boubaker Zakhama, président de la chambre syndicale des cliniques privées, n'a pas hésité à assurer que les cliniques ont tous les droits de demander des sommes d'argent d'avance, avant l'hospitalisation des malades (…). Quant aux précédentes déclarations en rapport avec la mise, par le secteur privé, de près de 400 lits de réanimation à la disposition de l'Etat comme contribution à la lutte contre la pandémie (du Covid-19), Zakhama a précisé que les cliniques mettaient leur infrastructure, leurs lits et leur personnel à la disposition des malades atteints de Covid-19, mais pas à titre gracieux. Il a ajouté que l'Etat est obligé de s'acquitter des dépenses dues au traitement de ces malades. (…) Mais si les patrons de cliniques se permettent autant de culot, c'est surtout, parce qu'ils savent qu'ils ont en face d'eux, un ministère qui n'a pas la force qu'il faut pour les contrer.» https://www.tunisienumerique.com/tunisie-la-contre-offensive-au-culot-des-cliniques-privees
En France, par exemple, les plus hauts dirigeants de l'Etat – Président de la République, Premier ministre et ministre de la Santé – ont pris conscience de la dégradation du secteur public de la santé sur l'autel de la compression des dépenses publiques. Ils disent clairement qu'il va y avoir un «avant» et un «après Covid-19». Ils annoncent que l'Etat a suspendu toutes les mesures de réduction budgétaire décidées auparavant afin de remettre à plat l'ensemble des services de la santé classés désormais parmi les secteurs stratégiques de l'indépendance nationale: de la production de médicaments à la fabrication des équipements, de la sauvegarde des hôpitaux publics et des emplois (personnel médical).
En Tunisie, face à la courbe ascendante de la part du secteur privé dans l'offre de lits d'hospitalisation (de 14 % en 2011 à 23% en 2018), l'Etat ne devrait plus mégoter. Il doit s'engager fermement et immédiatement à prendre en charge la totalité des soins liés au Covid-19 pour tous les Tunisiens admis en hôpital public comme en clinique privée. Et il se doit dès à présent de réfléchir au plan de relance du secteur public après la fin de la pandémie. Et de remise en ordre des cliniques privées (transparence des investissements, normes, tarification, modalités de prise en charge des patients). Aucun lobby, aussi puissant soit-il, ne doit rester au-dessus du droit et de la morale. La remise à plat devrait aussi inclure le système monstrueux qui régit la Cnam ». Ce système est devenu un labyrinthe dans une jungle remplie de règles de compensation contradictoires et incompréhensibles. Le seul objectif de ses concepteurs est de comprimer la part de l'Etat et d'alourdir celle du malade.
N'est-ce pas respecter l'une des revendications essentielles de la «révolution 2011»: Dignité, j'aime ton nom. Dignité pour tous les Tunisiens lorsqu'ils s'adressent aux services publics: santé, transports, éducation, alimentation, sécurité… Stop à la spéculation, stop au laissez-faire et au laissez-passer!


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