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Dr Mohamed Salah Ben Ammar: Revenons aux fondamentaux de la médecine tunisienne!
Publié dans Leaders le 23 - 06 - 2023

Les réussites en médecine comme en toute chose ne naissent pas ex nihilo de nulle part, elles se construisent à bas bruit sur la durée grâce à l'engagement de femmes et d'hommes dévoués à un projet. Les greffes du foie ou du cœur sont souvent médiatisées comme des exploits instantanés de grands professeurs. En réalité, elles sont l'aboutissement d'un travail collectif de plusieurs années qui commence souvent par la formation. Les médailles olympiques des sportifs nécessitent certes des personnes douées mais surtout un environnement, un travail collectif, de l'abnégation, des souffrances, des échecs. C'est tout aussi vrai en médecine. La réussite est la somme de petits pas faits par une équipe dont une partie restera toujours anonyme.
Premier succès. L'exploit individuel n'existe pas en médecine. Ces noms qui, il faut l'espérer, disent encore quelque chose aux plus jeunes, nous l'ont appris. Les pères fondateurs de la médecine tunisienne Amor Chadly, Ali Boujnah, Taoufik Nacef, Mhamed Boussen, Zouheir Essafi, Hammadi Farhat, Abdelhafidh Sellami, Brahim Gharbi, Said Mestiri, Mohamed Kassab, Sleim Ammar, Mohamed Fourati, Saadedine Zmerli, Mohamed Ben Ismail, Mohamed Hleim, Mongi Ben Hamida, Abdelkrim Bettaieb, Abdelaziz Ghachem, Mohamed Chelly, Nejib Mourali, Hédi Errais, Zouheir Kallel, Bechir Hamza, Hassen Gharbi, Hassouna Ben Ayed — que les disciples de ceux que je n'ai pas pu citer me pardonnent — ont eu le mérite d'être des leaders.
C'est durant l'année universitaire 1964-1965 que la faculté de médecine de Tunis a ouvert ses portes. Un défi colossal pour une jeune nation à peine indépendante. 59 jeunes bacheliers y entament leurs études. La réussite de ce pari a dépassé toutes les espérances. Elle est le fruit de l'engagement de jeunes spécialistes qui ont fait leurs études de médecine en France. Ils avaient réussi à l'internat pour la plupart et certains étaient déjà chefs de clinique dans de grandes institutions hospitalières en France.
Sous la conduite du premier Doyen, Professeur Amor Chadly, dont la rigueur et le sérieux vont imprégner toute l'existence de cette institution, ils se sont lancés dans ce qui allait devenir l'un des fleurons de l'enseignement supérieur et de la recherche en Tunisie. Dix ans plus tard, des petites sœurs voient le jour à Sousse, Monastir et Sfax. Elles sont depuis un demi-siècle toutes aussi réputées que leur grande sœur, la faculté de médecine de Tunis (FMT).
Nos maîtres cités plus haut ont, chacun dans son domaine, fait école, ils ont formé des dizaines de praticiens, ouvert des services et même des centres hospitalo-universitaires, à l'instar du Professeur Béchir Hamza qui, avec le soutien d'institutions internationales, a pensé et veillé à la réalisation de l'hôpital d'enfants qui porte aujourd'hui son nom. Il en est de même pour le Professeur Mohamed Kassab, le Professeur Mongi Ben Hamida, le Professeur Zouheir Kallel, le Professeur Nejib Mourali…Bourguiba les connaissait tous et les différents ministres de la Santé les respectaient.
C'est avant tout grâce à leurs qualités humaines qu'ils ont porté très haut la médecine tunisienne. Aussi bien à l'hôpital qu'à la faculté, ils étaient totalement investis dans cette mission. Ils faisaient attention au moindre détail, ils connaissaient le personnel un à un, se battaient avec l'administration pour obtenir un poste d'infirmier supplémentaire ou même changer une vitre cassée. Les dossiers des malades étaient rigoureusement étudiés et entretenus, les séances de discussion des cas clinique, les staffs, étaient des moments solennels ; les séances de bibliographie et la discussion des travaux de recherche clinique étaient hebdomadaires. Le niveau des discussions n'avait rien à envier à celui des centres européens. Par ailleurs, ils ont réalisé que la santé ne devait pas se limiter qu'au corps médical. Ils se sont engagés dans la formation de toutes les catégories de soignants dans les écoles de santé à travers toute la République. Ils ont aussi participé à l'éducation sanitaire de la population à travers des émissions radiophoniques et puis télévisées. Ils étaient, au sens propre, des praticiens dans la cité. Bref, avec très peu de moyens — et c'est un euphémisme — ces maîtres ont réalisé ce qu'il faut considérer comme la plus grande réussite dans le secteur de la médecine en Tunisie.
Deuxième succès : une autre grande réussite de la médecine tunisienne qui n'est pas assez mise en valeur, pire elle est déconsidérée, abandonnée par les pouvoirs publics. Elle est, soit dit en passant, indissociable de la formation et de la recherche. Je veux parler de la mise en place de programmes de santé publique sur tout le territoire national...Un travail colossal de maillage de centaines de communes, de villages, pour implanter des programmes adaptés aux besoins des citoyens et surtout à la réalité du terrain en Tunisie, quand nos maîtres universitaires pensaient parfois un peu «hors sol». Réussir à éradiquer le paludisme, le trachome, la bilharziose, contrôler l'hypertension artérielle, le diabète et tant d'autres pathologies, appliquer le calendrier vaccinal à des millions d'écoliers, vulgariser les principes de la santé reproductive, instaurer la limitation des naissances…Un énorme respect est dû à ces femmes et à ces hommes qui ont, hiver comme été, parcouru des millions de kilomètres pour atteindre les habitants du plus petit hameau. Ils ne roulaient pas dans des véhicules de luxe, ne dormaient pas dans des cinq étoiles, et pour déjeuner, ils se contentaient d'un morceau de pain et de quelques olives. Mon propos n'est pas de distribuer des mérites, mais si aujourd'hui nous avons une natalité qui nous permet de mieux supporter la rareté des moyens, si l'espérance de vie pour les femmes est de 78 ans et pour les hommes de 74.5 ans, si la mortalité maternelle, toujours inacceptable, se situe aux alentours de 38 pour 100 000 naissances vivantes et si la pyramide des âges s'équilibre, c'est bien grâce à leur engagement.
Alors qu'avons-nous fait de ces acquis ? Insidieusement par ignorance, sans intention de mal faire, trois grandes erreurs ont été commises par des politiciens peu courageux. Si elles ne sont pas corrigées, ces erreurs risquent d'hypothéquer définitivement l'avenir de notre système de santé:
1 - La disparité régionale dans l'accès aux soins est une injustice intolérable. Elle se traduit dans les indicateurs de santé de façon criante. Par ailleurs, cette disparité n'est pas que régionale. Nous avons à partir des années 90 assisté à une marchandisation sauvage des services publics, santé, éducation, transport public, culture et sport… Ainsi l'accès à la santé s'est scindé en trois voies. La santé publique pour les plus pauvres, la santé militaire pour la nomenclatura et le secteur privé pour ceux qui en avaient ou pensaient en avoir les moyens. Nous avons aujourd'hui une santé à plusieurs vitesses, totalement inéquitable, et cela ne peut pas durer.
2 - L'hospitalocentrisme a été la seconde erreur. Les programmes de santé se sont réduits comme une peau de chagrin pour devenir anecdotiques dans certains cas. Les moyens mis à la disposition de ces programmes sont notoirement insuffisants. La solution de facilité pour des politiciens opportunistes était de concentrer les efforts sur l'hôpital et mieux encore sur les services des urgences mais même dans ce domaine, nous n'avons quasiment pas vu une seule réalisation en 30 ans. On ne compte plus le nombre de conseils de ministres restreints consacrés aux urgences. Aucun sur les programmes de santé. L'hospitalocentrisme était souvent synonyme de soins curatifs. Les moyens consacrés à toutes les formes de prévention ne dépassent pas 4% du budget de la santé. Le corps médical n'est pas tout à fait innocent dans cette dérive. A titre d'illustration en matière de santé mentale ou de cancer qui sont des pathologies qui nécessitent du temps et des moyens, pour une famille keffoise par exemple, avoir un parent touché par ce type de pathologie représente un drame affectif et économique.
3 - Le financement de la santé n'a pas été pensé. Nous consacrons uniquement 7.29% de notre PIB à la santé. En 2000, nous nous étions engagés à Abuja, au Nigeria, à consacrer 15% du PIB à la santé. La mise en place de la Cnam a creusé les inégalités. 80% des moyens sont dédiés aux 20% les plus aisés. En d'autres termes, il ne reste que des miettes aux 80% de la population la moins favorisée. Les dépenses catastrophiques pour les familles en raison de la maladie causent des drames. Elles tombent dans la pauvreté parce qu'elles ont vendu leur gagne-pain pour payer les frais occasionnés par les soins. Les dépenses qui sortent de la poche des familles représentent 38% de leurs dépenses de santé. C'est énorme pour les foyers.
Une mise à plat s'impose. Notre système a tous les atouts en main pour sortir de ce marasme à condition que le politique le veuille et accepte d'abandonner les discours lénifiants. Jusqu'à présent, il s'est développé sans une ligne directrice. Depuis la révolution, il dérive. Il est temps de redresser la barre.
Un dialogue sociétal mené par tous les intervenants dans ce secteur, avec une rigueur rare, a permis de dégager les orientations souhaitées par la population, des solutions réalistes ont été proposées. La valse des ministres de la Santé a empêché son exécution. Les rafistolages, les promesses qui n'engagent que ceux qui y croient doivent être remplacés par des décisions courageuses.
Dr Mohamed Salah Ben Ammar
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