Premier réalisateur d'un film de long métrage en Tunisie, Omar Khlifi a été superbement ignoré par les JCC 2016 qui réalisent ainsi l'un des hold up les plus regrettables de cette session qui s'est terminée en queue de poisson. Pourquoi mettre à l'écart ce cinéaste né en 1934 et dont le film "Al Fajr" sortait en 1966, il y a cinquante ans? Règlement de vieux comptes ou inavouables connivences? Triste, dérisoire et décevant... Amnésiques, nous le sommes incontestablement! Sinon comment comprendre que la session du cinquantenaire des JCC ait omis de rendre hommage à Omar Khlifi, fondateur du cinéma tunisien en 1966 et réalisateur du premier long métrage de l'histoire du cinéma en Tunisie. Tout autant que Férid Boughedir, il méritait le prix du cinquantenaire d'autant plus que la Tunisie célèbre aussi en 2016 la naissance du cinéma tunisien avec la réalisation du film "Al Fajr" de ce même Omar Khlifi. Khlifi est le réalisateur en 1966 du premier long métrage tunisien Pourquoi avoir écarté complètement Khlifi, un homme à l'automne de l'âge qui a, qu'on le veuille ou pas, énormément donné au cinéma en Tunisie. Accusé de connivence avec le bourguibisme et d'alignement sur le mouvement national tunisien, Omar Khlifi n'est pas en odeur de sainteté dans une certaine gauche qui désormais se pavane sur des tapis rouges hésitant entre le caviar et le philo-islamisme opportuniste. Omar Khlifi n'est pas non plus une grande gueule et ne réclamera jamais ce qui lui est dû, surtout après avoir été écarté en 2015 des listes d'invités des cérémonies officielles des JCC. Cette année, le directeur du festival affirmait sur une chaine de radio qu'on n'avait pas oublié cette année d'inviter Khlifi avec une condescendance de mauvais aloi. Comme si ce Khlifi dont on se moque pour la "naïveté" de ses films n'était pas le doyen des cinéastes tunisiens et ne méritait pas le respect, tout le respect, rien que le respect. Et, pourtant, cette session des JCC a voulu se placer sous le double signe de la mémoire et de la reconnaissance. Avec habileté, les cinéastes récemment disparus ont été honorés et les organisateurs méritent d'être salués pour cela. Toutefois, ils méritent tout autant d'être montrés du doigt pour cet oubli probablement aussi délibéré que revanchard. Il s'agit indéniablement d'une faute morale qui rejaillit sur l'ensemble des JCC. Qui veut confiner Omar Khlifi dans un statut de pestiféré? Qui voudrait, tout en falsifiant l'histoire, installer ce cinéaste dans le déni de reconnaissance le plus absolu? Qui tire les ficelles de cette cabale qui n'a que trop duré? N'en déplaise aux falsificateurs, Khlifi a son parcours pour lui. Il a réalisé avec des moyens rudimentaires les oeuvres de la période encore héroïque d'un cinéma tunisien qui se cherchait encore. Avec "Hurlements", il a réalisé l'un des chefs d'oeuvre de notre cinéma en 1972. Avec "Al Moutamared" (1968), il a été le premier à créer une oeuvre qui raconte la révolte du peuple contre les princes du dix-neuvième siècle. Avec "Al Fajr" (1966) et "Les Fellagas" (1970), il a rendu hommage au mouvement national tunisien. Avec "Oncle Mosbah", il réalisait en 1961 son premier film amateur et montrait la voie à toute une jeunesse. Né en 1934, Omar Khlifi a maintenant plus de 80 ans et à cet âge, on n'a que faire de l'injustice, de l'amnésie et des manoeuvres de coulisses. Mais qu'on me laisse exprimer ma surprise lorsque je vois les JCC 2016 honorer Jelila Hafsia ou Moncef Charfeddine en ignorant le fondateur du cinéma tunisien. On me rétorquera peut-être que le film "Al Fajr" a été produit en 1966 mais seulement projeté en janvier 1967. Dans ce cas, il est fort probable qu'un hommage sera rendu à Khlifi en janvier. Soit, mais cet hommage ne sera pas celui des JCC, celui du festival qui fête son cinquantenaire, celui du public cinématographique en liesse pour une célébration qui n'arrive que deux fois en un siècle. Pourquoi cet "oubli"? Omar Khlifi ne mériterait-il pas d'être honoré? Pourquoi les JCC font-elles preuve d'ostracisme à son égard? Pour mémoire, au début de l'année 2016, Omar Khlifi avait été honoré pour son parcours lors d'une chaleureuse cérémonie à Ibn Rachiq, présidée par le ministre de la Culture de l'époque. Il a également été l'objet de colloques universitaires et d'une rétrospective au club Tahar Haddad. Il devrait - nous le souhaitons - continuer d'être honoré durant cette année et l'année suivante. Un oubli coupable ou une dérisoire tentative d'occultation? Dommage que les JCC aient occulté la dette du cinéma tunisien envers cet homme. Dommage que les JCC aient commis une très grave faute morale en ignorant un homme à l'automne de sa vie. Dommage que les JCC aient fait preuve d'une intolérable volonté d'occultation de l'oeuvre du premier des cinéastes tunisiens. Omar Khlifi, de toutes les manières, restera présent et son oeuvre lui survivra. Mais encore une fois, il est bien dommage qu'il n'ait pas lui aussi reçu l'une des médailles du cinquantenaire, qu'on lui ait volé cet hommage pour des raisons à la fois obscures et cousues de fil blanc. Ainsi vont les JCC... Et c'est bien malheureux...