La manifestation organisée mercredi par les syndicats de l'enseignement à la Kasbah et à Bab B'net pour réclamer le départ du ministre de l'Education, Néji Jalloul, alors que des investisseurs et des dirigeants venus des quatre coins du globe étaient regroupés au Palais des congrès pour la clôture de la Conférence internationale sur l'Investissement, a provoqué, hier, une chaude empoignade à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Les députés de Nidaâ Tounes, parti dont le ministre controversé est issu et pièce maîtresse de la coalition gouvernementale, ont vertement critiqué les slogans «indignes» et «scandaleux» scandés lors de ce rassemblement auquel ont participé «15 000 enseignants » selon des sources syndicales –quelque 6 000 selon des sources policières-, laissant entendre que certains partis politiques auraient orchestré ce mouvement de protestation. «La mobilisation qui a eu lieu n'est pas innocente. C'était un mélange de genres entre la politique et le syndicalisme qui cache un agenda politique manifeste puisque les slogans scandés par les protestataires visent à faire chuter le gouvernement et même à mettre l'Etat à genoux», a lancé la députée Nawel Tayachi lors de la séance plénière consacrée à la discussion du budget du ministère de l'Education pour l'exercice 2017, Rappelant que l'appel à la démission d'un ministre ne relève aucunement de la mission d'un syndicat. La même députée a également fait remarquer que les slogans entendus lors de la manifestation des enseignants sont indignes de ceux qui sont supposés éduquer et accompagner les générations futures. «Les syndicats de l'enseignement ont été instrumentalisés dans le cadre d'un règlement de compte politique, et une alliance de circonstance a été nouée entre les islamistes et les gauchistes pour bloquer la réforme de l'Education», a martelé de son côté le député nidaïste Mehdi Abdeljaoued, tout en dénonçant les sorties médiatiques inopportunes et les déclarations provocantes du ministre de l'Education. Appui d'Ennahdha Cette analyse rejoint celle exprimée ces derniers jours par certains observateurs estimant que le mouvement Ennahdha aurait apporté en sous-main son appui au mouvement de fronde contre Néji Jalloul dans le dessein de le remplacer par l'islamiste Mohamed Goumani, professeur d'éducation civique dans les collèges, ou Salem Labyedh, ancien ministre de l'Education, également proche de la formation islamiste. La gauche se range, quant à elle, derrière le secrétaire général du syndicat de l'enseignement secondaire, Lassaad Yaâkoubi, qui aspire à siéger au Bureau exécutif de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), la puissante centrale syndicale dont le congrès est prévu fin janvier prochain. Les interventions virulentes des élus de Nidaâ Tounes ont poussé Zouheir Maghzaoui, député de mouvement Achaâb (Gauche) à qualifier les députés du bloc Nidaa Tounes de «milices» tentant de sauver la peau de l'un des leurs. La députée Samia Abbou (Le courant démocratique) a accusé le ministre de «népotisme» et de « favoritisme», en nommant son frère pour diriger le projet de l'école numérique, sans passer par un concours. Scandaleux Des milliers d'instituteurs et d'enseignants du secondaire avaient manifesté mercredi scandant des slogans comme «Oh Jalloul le lâche, on n'humilie pas l'éducateur», «Non aux danses du ministre et à ses mascarades médiatiques», « Jalloul le lâche, tes chaussures et la porte ! , «Jalloul le collabo, démissionne ! », « les vrais hommes sont venus pour te dégager», «Néji Jalloul es tu capable de réciter un verset du Coran ?» . En réponse aux critiques relatives à certains slogans «scandaleux» scandés lors du rassemblement des enseignants, le secrétaire général du syndicat l'Enseignement secondaire, Lassaâd Yaâcoubi, a reconnu des dérapages incontrôlés. «Il est vrai que certains slogans scandés n'engagent ni le syndicat ni les enseignants mais il faut savoir que lorsqu'un rassemblement dépasse les vingt mille personnes, il devient presque impossible pour les organisateurs d'encadrer correctement tout le monde», a-t-il justifié. En ce qui concerne la dernière déclaration du chef du gouvernement, Youssef Chahed, qui avait assuré qu'il ne lâchera aucun de ses ministres, Lassâd Yaâcoubi a précisé que les enseignants syndicalistes ont le droit d'appeler à la démission d'un ministre. «Il faut que Youssef Chahed comprenne qu'il est le chef du gouvernement de tous les Tunisiens, si nous n'avons aucun droit pour changer les ministres, nous avons le droit de ne pas suivre les décisions du gouvernement si ces dernières ne nous plaisent pas! », a-t-il souligné.