On ne peut passer sous silence la terrible nouvelle de la mise en vente de la « Khoulouia », ou encore « Azzaouia al fannia » de feu Abdelaziz Jemaiel « Cheikh al fannanine » qui avait vécu de 1895, à 1969. Cela ne représente peut-être rien pour les jeunes générations d'aujourd'hui, mis à part les élèves, les étudiants et les doctorants en musique. Feu Abdelziz Jemaiel était le premier tunisien de l'époque contemporaine à fonder une école de musique, en 1916, à la rue Sidi Mfarrej, située entre la Place Romdhane Bey et la Hafsia. Un lieu exigu qui ne payait pas de mine, mais qui était à la fois un atelier de fabrication de luths et un salon musical où se retrouvaient les fins lettrés, les mélomanes, les musiciens tunisiens et d'Orient qui s'y rendaient spécialement, de Zaki Mourad, à Ibrahim Al Ariane, à Abdou Salah et à Ahmed Farouz, qui a eu, lui aussi, une grande part dans la renaissance musicale en Tunisie. Dans ce lieu sacré s'étaient initiés, sous la houlette d'Abdelaziz Jemaïel, nos grands musiciens, compositeurs et chanteurs, à l'image de Mohamed Triki, Ali Sriti, Ali Riahi, Ridha Kalaï et d'autres encore. C'était « un homme libre, amoureux de Malouf, de Bascharif et de Mouwachahat », comme le rappelle sa petite fille Kalthoum Jemail dans le livre qu'elle lui a consacré et intitulé : « Abdelaziz Jemaïel et le siècle de la Tunisie moderne », paru en 2012. Ce grand maître de la musique tunisienne avait précédé le Baron d'Erlanger dans ses recherches à propos de la musique arabe et l'Institut de la Rachidia, fondé en 1934 qui avait eu pour mission de rassembler le répertoire du Malouf et d'élever le niveau de la chanson tunisienne qui versait dans les paroles crues et l'expression de basse facture. Le temple de la musique avait fermé après la mort d'Abdelaziz Jemaïel, en 1969. Dans les années soixante dix du siècle dernier, l'ancienne association des auteurs et compositeurs tunisiens avait installé à côté de l'atelier d'Abdelaziz Jemaïel, une plaque commémorative pour rappeler de ce que fut ce lieu de l'histoire de la musique tunisienne. Et depuis, motus ! Imminente intervention Ni le ministère des affaires culturelles, ni la société civile, ni les privés, ni les mécènes, n'avaient eu l'idée de revivifier ce lieu, afin qu'il devienne le musée d'Abdelaziz Jemaïel, par exemple et pourquoi pas ? Mais savaient-ils au moins ce qu'il était ? Un bien triste état de fait inacceptable. On investit plutôt dans l'immobilier, la fripe, les gargotes, les cafés, les salons de thé...Mais pas du tout dans la culture. Les autorités compétentes devraient intervenir au plus vite pour arrêter cette action honteuse et sauver un lieu magique, afin de lui redonner vie et le replacer à sa juste place d'espace culturel public. Car dans si peu de temps, il deviendra un « Hanout » de revente de produits de consommation. A bon entendeur, salut !