Le retour des Tunisiens ayant servi dans les rangs des groupes terroristes sévissant dans les foyers de conflit et autres zones de tension constitue un véritable casse-tête chinois pour les autorités officielles et pour les diverses composantes nationales, aussi bien du monde politique que de celui de la société civile dont les positions sont plus divergentes que jamais. Entre ceux qui prônent de les rapatrier et de traiter leurs cas sur les plans juridique, social et psychologique et ceux qui refusent, catégoriquement de les recevoir, voire qui appellent à les priver de leur nationalité, la polémique continue à battre son plein dans les diverses sphères, politiques et médiatiques, plus particulièrement à travers les plateaux radiotélévisés. Tout le monde parle et chacun y va de sa propre version et de ses thèses, d'où l'accord, en fin de compte pour la création d'une commission d'enquête parlementaire sur « les filières de recrutement» de Tunisiens au profit d'organisations terroristes, votée mardi 31 janvier 2017 par l'Assemblées des représentants du peuple (ARP). Cette commission est censée travailler en étroite collaboration avec les ministères de la Justice, de l'Intérieur, de la Défense, des Affaires étrangères ainsi qu'avec la société civile. Quant à son rôle, il consistera, théoriquement, à déterminer « l'implication de parties intérieures et extérieures dans l'embrigadement et l'envoi de citoyens tunisiens » en Irak, en Syrie et en Libye entre autres. Ainsi les parties pouvant être sollicitées par ladite commission pourraient être des organisations, des Etats, des associations caritatives ou encore des figures religieuses tunisiennes comme étrangères. Mais quelles chances pour cette commission de réussir sa mission ? Tout d'abord, il faut souligner qu'elle n'a pas encore vu le jour et sa composition n'a pas été encore arrêtée, sachant, notamment, que la composition de ses membres devrait obéir au fameux principe des quotas parmi les blocs parlementaires comme il est, désormais, de coutume. Ce qui entrave énormément son efficacité et sa neutralité. Sans parler d'autres considérations juridiques dans la mesure où selon le règlement intérieur de l'ARP, la présidence revient au bloc majoritaire. Il est bon de signaler que, par le passé, toutes les commissions de même type n'ont jamais accompli leur mission, pire, elles n'ont jamais commencé, réellement, leur action, comme celle décidée pour les événements du 9 avril 2012 à l'Avenue Bourguiba ou encore celle qui devait enquêter sur les incidents graves de Siliana, ou encore celle chargée du dossier du Panama Papers. S'agissant de ce dernier et près de dix mois après, il n'y a ni enquête, ni suite à cette affaire qui ressemble plus à un règlement de compte. Et dire que l'on nous avait promis une révélation par mois, mais, finalement, il n'y a rien eu du tout cela. Sans que le site n'en donne la moindre explication Or, que dit le droit parlementaire, en l'occurrence dans ce genre de cas ? Le règlement intérieur de l'ARP consacre pourtant, tout un chapitre aux commissions d'enquête. Ainsi l'article 95 dispose que «l'Assemblée des représentants du peuple peut, sur une proposition du quart de ses membres au moins, créer des commissions d'enquête L'article 97 précise, qu' « est interdite la création de plus d'une commission d'enquête relativement à un même sujet». Et « aucune création de commissions d'enquête n'est permise dans les neuf derniers mois du mandat » Mais qu'en est-il sur le plan pratique ? Un expert énonce que l'efficacité d'une commission ne peut être avérée que dans les pays démocratiques, où toutes les parties jouent le jeu. Selon lui, la Tunisie est en phase d'apprentissage, sans parler des partis politiques préférant manœuvrer depuis le cadre rassurant des blocs parlementaires, pendant que les commissions font toujours peur. Un troisième élément décisif compromet définitivement la portée des commissions d'enquête et leur impact, à savoir l'imbrication des intérêts, des liens et des réseaux au sein d'une majorité d'Union nationale. Dans le cas d'espèce, l'enquête est en train de se faire sur les plateaux médiatiques avec une défense acharnée par toutes les parties qui étaient impliquées au sein des deux gouvernements de la Troïka, en l'occurrence Ennahdha et le CPR, transformé en parti Tounès al-Irada. Ces derniers ont l'audace de démentir que des officiels d'Ennahdha, comme le ministre des Affaires religieuses à l'époque, Noureddine Khademi, aient appelé publiquement au Jihad en Syrie. Au fait, où est passé cet ancien ministre ? Il a, curieusement, disparu de la circulation. Ils ont l'audace de démentir qu'ils avaient facilité la venue des prédicateurs orientaux, que Moncef Marzouki, en personne recevait, tout comme les salafistes et les niqabées au Palais de Carthage ! Ils ont l'audace de démentir que des Imams, du moins sympathisants d'Ennahdha, tels les fameux et les plus célèbres, Ridha Jaouadi et Béchir Ben Hassan appelaient au jihad en direct à la télé et sur les réseaux sociaux de Facebook. Et personne n'a osé réclamer une enquête sur les accusations menées à propos des voyages effectuée vers la Turquie à partir de l'aéroport de Thyna-Sfax. Sans accuser la compagnie aérienne qui a organisé près de 150 voyages de ce genre, une enquête s'impose. C'est dire que si on veut entreprendre une enquête, ce ne sont pas les éléments suspects qui manquent. Mais ce serait la volonté politique qui manque le plus. Et comme l'a si bien dit le politicien,Tahar Ben Hassine, aucun juge n'a osé réclamer au ministère de l'Intérieur les dossiers concernant les parties ayant commandité et financé ces voyages. Alors, ce ne sera sûrement pas la commission d'enquête décidée par l'ARP qui serait en mesure de le faire !...