Les grandes manœuvres commencent toujours par quelques escarmouches, où l'on se tâte les uns les autres au niveau de la mobilisation des résistances et du positionnement avant l'estocade finale. A mi-mandat présidentiel presque jour pour jour, les Mehdi Jomaâ et Mohsen Marzouk commencent à donner de la voix. Le premier sur son terrain de prédilection... le pouvoir technocratique, et le second, sur un terrain un peu, plus périlleux, l'idéologique, où il a fait de l'opposition contre l'islamisme politique son cheval de bataille, qu'il a monté jusqu'aux abords de Benghazi, en Libye, pour rencontrer le Maréchal Haftar, ennemi juré des frères musulmans et autres confréries de l'islamisme politique en expansion depuis un demi-siècle. Pourtant, les deux jouent le même objectif à l'horizon 2019... la citadelle de Carthage... mais, il va falloir la prendre et pas seulement, en rêver ! De cette nouvelle mode de conquête du pouvoir en usant du charme « technocratique » et qui se développe un peu partout dans le monde et spécialement notre « modèle », historique, la France, et la montée des Macron et compagnie, je dirai tout simplement qu'elle est nécessaire, mais, pas suffisante. La technocratie sans la « politique » c'est une étoile filante mais sans aucun impact quand il s'agit des hautes charges de la République. Le Général De Gaulle le rappelait à feu Georges Pompidou, puis à Giscard D'Estaing en leur conseillant d'être plus proche du peuple. L'aristocratique argentière ou énarque, ne fait pas de vous des leaders charismatiques et populaires... à la limite, vos diplômes, le peuple s'en fout... car, il veut des chefs et non des bricoleurs d'instituions, de machines ou d'ordinateurs de nos jours. Mehdi Jomaâ, bon technocrate, certainement, a besoin de carcasse politique, car lorsque la réalité tremble en temps de crise, seuls les politiques peuvent trouver les sorties de tunnels, et apaiser les revendications et la montée des exigences. On attendra, donc, « son parti » qui tarde à venir mais le temps presse et 2018 année préélectorale est pour demain. Pour Mohsen Marzouk, les choses sont à l'opposé de son « concurrent potentiel » pour la colline historique de Carthage. Lui semble avoir pris un peu trop d'avance sur le timing électoral et là, ça passe ou ça casse. Il a créé son propre mouvement sur les décombres d'une partie de Nidaa Tounès en choisissant de revenir aux sources, qui ont finalement fait de Me Béji Caïed Essebsi, ancien ministre et ancien Premier ministre, le président de la République, vainqueur aux élections de décembre 2014. L'axe mobilisateur et porteur à cette époque-là, juste après le naufrage populaire de la Troïka, était le rééquilibrage de la scène politique et des pouvoirs en remettant à sa place, Ennahdha, le parti islamiste ascendant, aux ambitions claires de changer l'ensemble de l'identité tunisienne, telles que forgées et sculptées par deux siècles de réformisme proche de l'Occident avec Kheïreddine et Bourguiba, principalement. Maintenant il faut voir si le thème est toujours mobilisateur et d'actualité après les « concessions » accordées par Béji Caïed Essebsi, aux islamistes, alors qu'il était lâché par l'UGTT de Hassine Abassi, et la gauche de Hamma Hammami et poussé à l'alliance, quelque part, à contrecœur et un peu la mort dans l'âme, avec Ennahdha, et toutes ses périphéries. Disons tout de suite que nous sommes dans une autre équation, où « l'alliance » de BCE, avec Rached Ghannouchi, peut aussi s'inscrire dans la durée, car rien n'a l'air de bouger côté gauche démocratique et l'UGTT ne semble pas plus proche de Carthage, qu'au temps de Abassi ! Les élections municipales seront à coup sûr, le vrai baromètre à ce niveau et on saura s'il y aura des listes communes de Nidaa Tounès (sensibilité Hafedh Caïed Essebsi) avec Ennahdha (sensibilités Ghannouchi-Zitoune-Laârayedh). Marzouk risque là de laisser quelques plumes, car le paquet électoral restant, il doit le partager avec toutes les familles, civiles et démocratiques anti-islamistes et elles sont nombreuses. Reste les « Bourguibiens » (je ne parle plus des destouriens, véritable mosaïque de sensibilités diverses et contradictoires). Ils vont avoir beaucoup d'angoisse et de scepticisme. Pour qui voter ! L'agréable ou l'utile ! L'agréable n'est pas plus clair que l'utile. Marzouk, allié à Slim Riahi, est-il plus recommandable et plus utile que Hafedh Caïed Essebsi et Lotfi Zitoune (pour parler des plus jeunes)... A vous de juger ... J'y reviendrai ! Quant au destin du jeune Premier ministre, Youssef Chahed, qui pourrait être la troisième voie, il est entre ses mains, à condition de vouloir se transcender et aspirer au commandement. Mais, tout dépendra aussi du grand « Boss » à Carthage... Et là, les voies du Seigneur sont impénétrables... pour le moment ! K.G