L'initiative du président de la République, annoncée jeudi 2 juin courant, prônant la formation d'un gouvernement d'union nationale, a créé le choc et fait naître une grande dynamique sur la scène politique avec l'entrée dans une nouvelle étape Les observateurs, s'accordent, en effet, à affirmer que rien ne sera plus comme avant après un an et demi, ou presque, de pouvoir partagé, à parts très inégales, entre quatre partis politiques, en l'occurrence Nidaa Tounès, l'Union patriotique libre (UPL), Afès Tounès et Ennahdha, qui avait, au départ, la plus faible participation parmi le quartet de la coalition gouvernementale alors qu'il lui a apporté stabilité et consistance grâce à ses 69 élus à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Or, la crise, de plus en plus aigue, au sein de Nidaa et « l'amputation » de son bloc parlementaire de près de trente députés, ayant rejoint le nouveau groupe Al Horra de Mohsen Marzouk, ont lourdement affaibli le parti vainqueur des législatives de fin 2014. Le paysage, étant ainsi configuré, le parti Ennahdha a repris du poil de la bête et estime être, désormais, en mesure, de jouer un rôle autrement plus consistant. «Si échec il y a de l'équipe gouvernementale, Ennahdha en assume juste une partie proportionnelle à sa participation », a précisé en substance Rached Ghannouchi, en personne. Autrement dit, il s'agit là d'un appel indirect pour avoir, dans un éventuel nouveau gouvernement, une représentativité plus importante. Un point de vue réitéré et confirmé par Lotfi Zitoun, un des hommes forts et les plus proches du « Cheikh ». M. Zitoun a tenu à mettre en exergue le vrai poids d'Ennahdha, devenu le premier parti du pays, de par le nombre de ses élus à l'ARP. « J'approuve l'initiative de Béji Caïd Essebsi car la situation ne peut plus évoluer dans un sens positif sans l'introduction de changements notables ». Et d'ajouter : « Si je devais donner mon avis personnel, je demanderai à Habib Essid de démissionner » Explicitant sa vision du prochain cabinet, il a précisé : «le gouvernement d'union nationale devra englober tous les partis, avec des portefeuilles proportionnels à leurs résultats électoraux. Et vu la situation économique du pays, le nouveau gouvernement doit être composé dans les plus brefs délais». C'est dire que les cartes sont, désormais, abattues et chaque partie tient à récolter les dividendes d'une éventuelle sortie de la crise dans le sens où tous les protagonistes sont conscients de l'ampleur des difficultés qu'il faut aplanir et de la nécessité d'agir dans les meilleurs délais. C'est dans cet esprit, donc, que Béji Caïd Essebsi a invité les principaux acteurs concernés par son initiative à une réunion au Palais de Carthage, et ce demain ou après demain (mercredi ou jeudi 8 ou 9 juin courant) pour entamer un dialogue qui pourrait aller au fond des choses et traiter des modalités concrètes quant à la formation de ce nouveau gouvernement d'union nationale. La réunion devrait grouper les responsables des quatre partis formant la coalition gouvernementale actuelle, en l'occurrence Ennahdha, Nidaa, l'UPL et Afek Tounès, et ceux de l'UGTT et de l'UTICA, sachant que cinq sur les six parties invitées à cette réunion, sont disposées à faire partie de ce gouvernement, alors que la Centrale syndicale, même si elle continue à exprimer son refus de faire partie de ce cabinet, elle n'en a pas moins affirmé son soutien à l'initiative du chef de l'Etat. Le secrétaire général adjoint de l'UGTT, Sami Tahri, a indiqué qu'après l'initiative du président de la République, le gouvernement actuel n'a plus aucune raison d'exister. Il doit être remplacé, ajoute t-il, soit par un gouvernement d'union nationale, de réconciliation nationale ou même de technocrates ». D'autre part, on signale la tenue, hier matin, d'une rencontre entre les représentants des deux partis, Nidaa Tounes et Ennahdha pour discuter de ladite initiative de BCE. L'importance de cette séance de travail est reflétée par le niveau des participants, à savoir, Rached Ghannouchi, Noureddine Bhiri et Noureddine Arbaoui, côté Ennahdha, et Hafedh Caid Essebsi, Sofiene Toubel, Anis Ghedira, et Abdelaziz Kotti, côté Nidaa Tounès. Les analystes notent, toutefois, l'absence totale de position ou de déclaration de la part de l'UPL qui est, rappelons-le, en froid avec Nidaa suite au ralliement de quatre élus de son bloc parlementaire à celui de Nidaa avec le lot d'accusations très graves lancées par Slim Riahi, contre Chafik Jerraya qui aurait, selon les propres termes du président de l'Union patriotique démocratique, contribué, financièrement, à cette « transaction ». Les observateurs font remarquer, également, l'attitude plus qu'hésitante d'Afek Tounès qui, tout en criant son soutien à l'initiative de Béji Caïd Essebsi, annonce, par la voix de Yacine Brahim, que son parti ne participerait pas à un tel gouvernement s'il est empreint d'une alliance entre Ennahdha et Nidaa. On peut, donc, avancer que le gouvernement d'union nationale a de très fortes chances de voir le jour avec la participation probable de cinq des six parties devant assister à ladite réunion qui se tiendra au palais de Carthage, mais pas celle de l'UGTT, surtout que cette dernière est appelée à organiser son congrès électif d'ici début de l'année 2017. Toutefois, le chef de l'Etat pourrait se contenter de l'annonce du soutien de la Centrale syndicale à son initiative pour passer à l'action et entamer les tractations pour la formation du nouveau gouvernement dont le nom de son président reste à déterminer. Le prochain chef de gouvernement sera-t-il issu de Nidaa, comme le souhaite une bonne majorité de ce parti, ou bien un indépendant proposé par ce même parti ? Difficile d'y répondre surtout après les dernières déclarations de Lotfi Zitoun réclamant le respect le niveau et le poids de la représentativité actuelle à l'Assemblée. S'il est difficile d'imaginer un chef de gouvernement, purement nahdhaoui, on s'attend à ce que le futur candidat à ce poste ne peut être accepté sans l'aval et la bénédiction de Rached Ghannouchi et de son parti. C'est dire que quatre jours après l'annonce de l'initiative par BCE, et passés les temps de pessimisme qui l'ont accompagnée, l'idée a fait son bonhomme de chemin et un consensus semble être réalisable pour peu qu'il y ait des compromis par ci, des acrobaties par là...