La francophonie tunisienne, et plus largement maghrébine, se caractérise par une singularité: celle de l'existence d'une littérature, avec ses auteurs, ses tendances, ses écoles et ses différents genres. La littérature tunisienne de langue française a des racines lointaines. En effet, dès les années quarante, des poètes comme Abdelmajid Tlatli ou Slaheddine El Atri ont publié des oeuvres vibrantes et lumineuses. Ce n'est toutefois qu'au tournant des années 1970 que les écrivains francophones tunisiens ont commencé à s'affirmer avec Souad Guellouz ou Sophie El Goulli. Les femmes ont d'ailleurs très tôt investi ce domaine et continuent à le faire avec bonheur. Citons par exemple les essais de Hélé Béji, les romans de Hajer Djilani ou la poésie de Amina Said. Les poètes sont également nombreux à l'image de Moncef Ghachem, Tahar Bekri ou Hédi Bouraoui. Ce qui caractérise ces poètes d'expression française, c'est bien le fait qu'ils appartiennent à des écoles qui allient rigueur, précision du verbe et imaginaire fécond. Fait culturel, la littérature maghrébine de langue française se déploie sur l'ensemble de l'espace de la Francophonie et a révélé des auteurs majeurs à l'instar de l'Algérien Kateb Yacine, du Marocin Tahar Ben Jelloun ou du Tunisien Abdelwahab Meddeb qui, tous, ont la langue française comme pays. Cette littérature du métissage est aussi celle de nouveaux horizons. Car, en aucun cas, le français n'y est considéré comme langue de l'autre ou expression d'une altérité. Bien au contraire, il s'agit bien d'une langue en partage, d'un bien commun dans le jardinage duquel les générations futures ont tout à gagner. Dès lors, quoi de plus beau qu'un livre, lointain cousin des oeuvres de Voltaire, lointain héritier des textes de Victor Hugo? De Faouzia Zouari à Yasmine Khadhra, la francophonie, c'est aussi cette littérature, ces mots de chair et de sang qui nous disent et sont une partie intégrante de notre être-dans-le-monde. De Tunis à l'horizon, bonne fête à tous les francophones qui, chaque 20 mars, célèbrent une langue en partage...