La lutte contre le terrorisme est une autre priorité du pouvoir et de tous les Tunisiens depuis l'avènement du gouvernement de technocrates de Mehdi Jomâa. Et elle l'est jusqu'aujourd'hui avec la lutte contre la corruption et la mise en place d'une stratégie claire en faveur du développement régional. Et après trois revers majeurs ayant suivis les élections de 2014, en l'occurrence les drames du Bardo, de l'Impérial à Sousse et de l'attentat ayant visé des éléments de la Garde présidentielle en plein centre ville de Tunis, les services de sécurité ont marqué de nombreux points positifs et enregistré plusieurs succès décisifs. A commencer par le succès éclatant à Ben Guerdane en mars 2016 jusqu'aux multiples opérations anticipatives ayant permis l'instauration d'un calme prudent au niveau sécuritaire. Mais voilà que le kidnapping de Khelifa Soltani et sa décapitation par les terroristes au mont Mghilla, après avoir fait de même avec son frère, Mabrouk Soltani en novembre 2015, viennent nous rappeler que le fléau du terrorisme est capable de frapper et de narguer nos forces de sécurité. Sans s'attarder sur les faits et les réactions, connus de tous, il est utile d'essayer de tirer les enseignements de cette nouvelle tragédie. La vigilance des forces de sécurité pour riposter et pour mener des actions préventives et anticipatives est, certes, de bon augure, mais il est plus impératif que jamais de s'attaquer aux racines du mal en menant un travail d'investigation en profondeur afin de démasquer ceux qui protègent et financent.les terroristes. Il faudrait s'attaquer aux viviers qui forment et encadrent les extrémistes dont notamment les réseaux qui ont favorisé les voyages des takfiristes et autres extrémistes terroristes dans les foyers de tension et de conflits, ce qui nous renvoie, inéluctablement, à la viabilité de la Commission d'enquête parlementaire chargée d'élucider les tenants et les aboutissants de ce dossier. Or, on ne le dira jamais assez, le phénomène du terrorisme a tristement prospéré sous l'ère de la Troïka, même si le pouvoir officiel, sous prétexte de la préservation du consensus, évite d'en parler dans l'état actuel des choses. Qui ose, de nos jours, revenir à la source du mal, et évoquer la responsabilité, du moins politique et morale, d'Ennahdha et du CPR de Marzouki et Daïmi, dans la prolifération des groupes salafistes jihadistes ? Qui peut oublier les encouragements prodigués par Rached Ghannouchi et contenus dans un enregistrement fuité, tout en conseillant à ses « fidèles » de patienter en utilisant les mosquées, les médias et les associations tout en assurant que « la police et l'armée n'étaient pas garanties... » ? Qui peut oublier les appels de l'ancien ministre des Affaires religieuses, Noureddine Khademi, du haut de la tribune de la Mosquée Al Fatah, aux jeunes pour se rendre en Syrie en vue de combattre contre le régime de Bachar El Assad ? Qui peut oublier le flou ayant entouré le remplacement des gardes forestiers dans la zone boisée du Nord et du Nord-ouest du pays, sous le règne absolu de Mohamed Ben Salem, un des faucons d'Ennahdha, sur le ministère de l'Agriculture ? Qui peut oublier les élucubrations et les implications de nombreux imams du pays, plus particulièrement Béchir Ben Hassan et Ridha Jaouadi, tous connus pour leur proximité notoire du mouvement islamiste d'Ennahdha ? Qui peut oublier la défense acharnée par les dirigeants d'Ennahdha et du CPR des mouvements violents qu'on peut assimiler à des groupes terroristes, en l'occurrence les tristement célèbres ligues dites de protection de la révolution ? Ces ligues, rappelons-le, étaient soutenues par des personnalités de premier plan dont Samia Abbou et Sihem Ben Sedrine qui n'hésitaient pas à s'afficher avec les ténors Imed Deghij et Recoba. Qui peut oublier que les attentats les plus violents ont eu lieu en 2012 et 2013 au Mont Chaâmbi où nos vaillants soldats étaient tués et égorgés dans l'impunité la plus totale ? Qui peut oublier que l'attaque de l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Tunis a été exécutée par des extrémistes qui étaient escortés par les sécuritaires alors qu'Ali Laârayedh se trouvait à la tête du département de l'Intérieur, jusqu'à leur arrivée aux alentours de la mission diplomatique américaine ? Qui peut oublier qu'Abou Iyadh est parvenu à sortir de la Mosquée d'Al Fatah en plein jour sous l'oeil de centaines d'agents sécuritaires et que c'est Ali Laârayedh, selon ses propres aveux, qui avait donné l'ordre de le laisser partir ? Qui peut oublier que les deux assassinats politiques ayant coûté la vie aux deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, ont été perpétrés sous l'ère de la Troïka ? Qui peut oublier qu'au moment de la formation du gouvernement des technocrates début 2014, tout a failli caboter à cause du forcing exercé par Ennahdha pour le maintien de Lotfi Ben Jeddou au portefeuille de l'Intérieur alors que le fameux document des services de renseignements américains mettant en garde contre l'attentat visant Mohamed Brahmi avait été caché alors qu'il y était en poste ? D'ailleurs, on aimerait bien avoir une réponse à cette question, même trois ans après !... Qui peut oublier que le juge d'instruction ayant classé les affaires des deux assassinats politiques a été promu à une fonction plus importante ? Qui peut oublier que le juge Ahmed Rahmouni a largement contribué à la libération des présumés auteurs ou complices de l'attentat contre le musée du Bardo sous prétexte qu'ils ont été « torturés », sachant que certains de ces éléments libérés ont récidivé lors d'autres opérations terroristes ? Et maintenant que Leïla Chettaoui commence à démêler l'affaire des voyages des jeunes vers les régions de conflits, on trouve le moyen de la mettre à l'écart et de faire noyer les travaux de cette Commission qui est parvenue à des résultats palpables. En effet, en mentionnant la venue du Mufti de Daêch, fin 2012, en Tunisie où il fit la tournée des 24 gouvernorats avec l'aide matérielle et logistique du pouvoir d'Ennahdha et de Marzouki à l'époque, ainsi que l'implication de certaines parties dans les voyages des jeunes, Leïla Chettaoui a été « virée » par Sofiène Toubel ! On ne peut passer sous silence, non plus, la décision de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) de ne plus traiter les dossiers des justiciables depuis hier et jusqu'à la rentrée judiciaire à un moment où la Tunisie se trouve confrontée à des affaires graves de corruption, de complot contre la sûreté de l'Etat et de terrorisme. D'ailleurs, des bruits courent que le pouvoir exécutif n'a plus confiance en la magistrature ordinaire pour instruire les affaires délicates et sensibles, d'où le recours à la justice militaire réputée pour sa rigueur et sa discipline. En tout état de cause, la conjoncture est délicate et exige une vigilance de toutes les parties prenantes dans la double lutte contre le terrorisme et la corruption qui sont étroitement liés l'un à l'autre. Mais, encore une fois, le gouvernement Chahed est appelé à dire la vérité aux Tunisiens, une vérité qui semble être devenue « l'otage » des arrangements et des consensus.