C'est du temps où les lois primitives n'étaient pas capables ou insuffisamment performantes pour organiser la vie communautaire et collective, que les « religions » sont apparues avec cette transcendance de l'ordre divin pour faciliter la vie des sociétés, imposer la justice aussi imparfaite soit-elle et empêcher que l'homme soit l'ennemi de l'homme ! Plus tard, Hobbes, le philosophe britannique, a opéré une translation, de ce système « Léviathan », à l'Etat puissance publique avec tous les pouvoirs absolus. En contre partie, l'Etat se doit d'assurer la sécurité (ce qui est désigné par la sûreté) de biens et des personnes et surtout la protection de la sacralité de la vie humaine. L'humanité a ainsi évolué vers « l'Etat de droit » avec développement constitutionnel et implantation à l'échelle planétaire d'institutions permettant la mise en œuvre d'une culture universelle des droits, inspirée par les droits naturels de l'Homme à sa naissance, avec pour seules limites, l'atteinte aux lois et aux libertés d'autrui. C'est ainsi que la ferveur « religieuse » a baissé d'un cran tout au long du siècle dernier le 20ème, avec l'expansion des idéologies matérialistes aussi bien capitalistes que communistes. Cependant, les religions ont fait de la résistance, parce que les idéologies nouvelles n'ont pas pu et su, résoudre les problèmes d'une humanité en pleine expansion démographique, avec rétrécissement des sources naturelles du bien être, sous le poids de la demande et de la consommation effrénée de par le monde. La religion qui nous aidait à « mourir » a retrouvé sa première vocation de nous aider aussi à « vivre » comme au bon vieux temps de l'absence des lois et des constitutions. Cette démarche a été réussie dans beaucoup de pays avec une mutation essentielle de la religion, non plus en tant qu'ordre social et politique, mais comme culture-code du bon vivre collectif, de la solidarité humaine, de la générosité et surtout de la liberté. La religion-contrainte a cédé, face à l'évolution des sociétés aspirant à plus de rationalisme et de libertés individuelles dans les sociétés traditionnelles. Certains auteurs sont allés jusqu'à lier les progrès politiques et économiques des sociétés au recul des valeurs de contrainte imposées par les religions. La chrétienté a résolu le problème par la séparation de la religion et de la politique. D'où le concept un peu bizarre mais opérationnel presque à la perfection de la « laïcité chrétienne ». Cette mutation essentielle n'a pas été opérée en quelques mois ou en quelques années, mais quelques siècles depuis pratiquement la fin du XVème siècle, et l'apparition des courants du protestantisme. Désormais, tout le monde est « chrétien » en Occident, culturellement et au niveau de la foi (laïcisée) mais plus personne ne reconnaît à « l'église » le droit de gouverner comme au temps de la papauté transcendante et prétorienne au nom de la religion chrétienne. Qu'en est-il dans les pays d'Islam ! Et pourquoi ce retour en force de l'Islam politique de la contrainte à travers toutes ces cellules de prédication « politisées » et conquérantes de nos sociétés « musulmanes » si libérales depuis le 19ème siècle de la renaissance et de la modernisation. Pourquoi cette remise en question des Etats nationaux modernes édifiés après la décolonisation dans les années 50 du siècle dernier... Pourquoi !? A-t-on assisté à un échec des politiques de modernisation inspirées par les idéologies matérialistes aussi bien capitalistes libérales que socialistes-collectivistes ?... Ou s'agit-il d'un plan de stratégies supranationales, pour affaiblir les nouveaux Etats musulmans et arabes de la modernisation et retarder ainsi leur progression vers une plus grande autonomie politique et économique !? En tout cas, le fait est là, nous faisons exactement le contraire de l'évolution de la chrétienté européenne et occidentale en rejetant pratiquement en bloc « la laïcité musulmane » et le désengagement de la religion de la politique. Quand les doctrinaires d'Ennahdha, le parti islamiste tunisien, développent que le terrorisme est le résultat d'une politique répressive des Etats de la modernisation et de la « désertification religieuse » qui a frappé l'islamisme modéré « frères musulmans », c'est une manière de légitimer la nécessaire ascendance de l'Islam politique sur nos sociétés... celles du 21ème siècle ! Or, la vraie « désertification » c'est celle qu'opère l'islamisme politique en revenant à toutes les structures de l'encadrement salafiste sur nos sociétés en mutation et vivant à moins d'une heure de vol des sociétés chrétiennes « laïcisées ». L'Islam politique, aujourd'hui... c'est l'interdit et la contrainte. Les puissances occidentales, et en premier lieu, l'Amérique, ont voulu tester la résistance des courants de la modernisation en favorisant la montée et le déploiement en ras de marée, de l'islamisme politique, adossé à la ferveur toute naturelle de l'Islam tolérant et très peu contraignant sur l'exercice du culte. Ils ont laissé faire pendant plus d'un demi-siècle, la pénétration idéologique et structurelle de cet islam politique né de cette fallacieuse thèse de la « désertification » religieuse et de l'Islam modéré. Le résultat est là, sans appel. Une expansion massive et vertigineuse des idéologies salafistes radicales en Europe et de par le monde. Alors, quelqu'un peut répondre à une question bien simple, parmi les tenants de la thèse de la désertification : « OK ! Vous avez enduré la répression des Etats de la modernisation, de Bourguiba à Ben Ali, de Nasser à Moubarak et maintenant le général Essissi, de Boumediene à Bouteflika, de Kadhafi, en Libye, aux Assad en Syrie et Saddem Hussein en Irak... Alors, vous vous êtes redéployés en Europe où vous avez bénéficié du droit d'asile généreux. Vous avez construit des mosquées et des centres de prédication islamistes... Vous avez pratiqué la religion et vos cultes en toute liberté... La France, l'Allemagne, la Belgique et la Grande-Bretagne, surtout, ne vous ont jamais soumis à une quelque répression ni désertification semblables à celles des « dictateurs » de la modernisation. Alors... pourquoi le terrorisme s'est-il développé en Europe... Pourquoi ! ». Nous attendons une réponse convaincante du cheikh Rached Ghannouchi et de MM. Harouni et Abdellatif Mekki, mais, sans détours, ni autre manœuvre. Pour ma part, je serais convaincu le jour où Ennahdha joindra l'acte à la parole en interdisant la prédication salafiste obscurantiste et en s'intégrant dans un schéma de libération de la religion de la politique coercitive au nom de l'Islam. Eh oui... la laïcité musulmane, comme la laïcité chrétienne où la religion est religion et où la politique est politique ! Pour cela, nos islamistes doivent réellement changer !