La rentrée est généralement synonyme de cris de joie des anciens élèves qui retrouveront les bancs et leur excitation à retrouver leurs camarades de classe qui contrastent avec une détresse à peine audible: celle des enfants qui font leur rentrée pour la première fois. Cette première rentrée est émouvante en petite école. Entre la peur, l'envie et la curiosité, la rentrée des classes provoque parfois de fortes angoisses chez les enfants. Simple inquiétude ou peur plus profonde. Comment réagissent nos enfants à cette entrée ? Que ce soit l'entrée à l'école maternelle, primaire ou secondaire, c'est un grand changement pour nos enfants ! A l'école, l'enfant se retrouve face à un nouveau monde qu'il ne connaît pas. Il n'est plus seul avec ses parents mais se retrouve parmi une masse d'enfants. Il va devoir apprendre à être autonome et vivre en groupe. Pour certains enfants, tout cela se passe bien. Par exemple, c'est souvent plus facile si l'enfant est allé à la crèche auparavant. Pour d'autres, par contre, l'adaptation est plus difficile. C'est la peur de l'inconnu ! La phobie scolaire se déclenche. L'enfant éprouve une angoisse croissante au moment de partir pour l'école, jusqu'à refuser de quitter la maison. La fréquence de ce trouble est difficile à apprécier dans notre pays en raison de l'absence d'études statistiques. Dans les pays européens, la fréquence de ce trouble est estimée entre 3 % et 10 % des enfants et adolescents scolarisés. Elle touche de manière égale les deux sexes. Les pics de fréquence se situent à 6-7 ans et 11-12 ans, âges qui correspondent à l'entrée à l'école primaire et au collège. Les explications du Dr Riadh Bouzid, professeur en psychiatrie Le Temps : Tout d'abord qu'est ce qu'une phobie scolaire ? Dr Riadh Bouzid : Plusieurs troubles psychologiques considérés comme mineurs peuvent être à l'origine de difficultés et d'échecs scolaires chez l'enfant. Parmi ces troubles, les phobies scolaires sont souvent banalisées alors qu'elles peuvent être la source de grande souffrance chez l'enfant scolarisé et entraîner un refus de la scolarité. Souvent, les parents sont peu sensibilisés à ce problème et l'ignorent alors que les traitements sont efficaces et disponibles se basant essentiellement sur la psychothérapie et la sensibilisation des enseignants aux difficultés de l'enfant. Par phobie, on entend une peur irraisonnée ou disproportionnée d'un objet ou d'une situation n'ayant en eux-mêmes aucun caractère objectif de dangerosité. La phobie scolaire st une situation où un enfant, pour des raisons irrationnelles de peur et de crainte, refuse d'aller à l'école. Elle est à distinguer des fugues et de la classique école buissonnière ; en effet, l'enfant souffrant de phobie scolaire désire aller en classe et a des ambitions scolaires, malgré ses craintes alors que celui qui fait l'école buissonnière n'aime pas l'école et préfère errer dans les rues. Comment se manifeste la phobie scolaire ? La phobie scolaire peut débuter brutalement mais habituellement elle s'installe de façon progressive. L'enfant, pour des raisons irrationnelles, refuse d'aller à l'école et s'y oppose avec de vives réactions anxieuses et un comportement de désarroi et de panique quand on tente de l'y contraindre. La phobie scolaire se manifeste sur trois plans, psychologique, somatique et comportemental. Sur le plan psychologique, elle se manifeste par des attitudes d'attente craintive, douloureuse et insoutenable d'un danger redouté, inexistant, imminent mais indéfinissable et indicible, avant le départ pour l'école. Sur le plan somatique, l'enfant vit un état de tension interne, de serrement corporel, avec gêne respiratoire, tachycardie, tremblements, secousses musculaires, transpirations, nausées, vomissements, etc. Sur le plan comportemental, l'écolier s'agite, et s'oppose physiquement à tout départ à l'école. De façon plus pratique, le matin du départ en classe, l'enfant est mal à l'aise et peut présenter divers troubles. Il s'alimente peu, n'arrive pas à tenir en place, ouvre et referme son cartable, vérifie plusieurs fois ses affaires, tourne en rond, etc. A l'heure du départ, l'enfant s'agite, pleure, tremble de tous ses membres, et refuse de partir. Il est très angoissé et son angoisse n'est pas calmée par toutes les mesures de réassurance des parents ou des proches. L'écolier peut se calmer momentanément pour s'agiter de nouveau quand on lui redemande d'aller à l'école. A mesure que l'on insiste ou que l'on veut le forcer à partir, l'enfant va s'agiter d'autant plus : il crie, se traîne par terre, pleure en proie à un désarroi émotionnel intense. Il peut alléguer ou présenter effectivement des manifestations somatiques telles que des douleurs abdominales, des nausées ou des vomissements. Est-ce que le tableau est toujours aussi dramatique ? Non. Dans d'autres cas, le tableau est moins bruyant ; il s'agit d'un enfant qui est réticent à partir à l'école, se lève tard, se prépare lentement mais finit par partir à l'école en gardant une anxiété. Ce tableau plus discret est plus fréquent et doit attirer l'attention car beaucoup d'enfants souffrent en silence et gardent en classe une anxiété qui les empêche de se concentrer sur leur cours avec un retentissement négatif sur leur scolarité. Quel est le devenir d'un enfant atteint de phobie scolaire ? Quand elle est bien prise en charge, la phobie scolaire a en général une bonne évolution. Plus des deux tiers des enfants arrivent à avoir une adaptation scolaire satisfaisante. Le pronostic de cette affection dépend de la précocité de la prise en charge, des aptitudes de l'enfant et de la capacité des parents à appliquer un programme thérapeutique adéquat. Quelle est la conduite à tenir face à un enfant souffrant de phobie scolaire ? Il faut d'abord adopter des attitudes pédagogiques préventives afin de prévenir le développement de tels troubles. Le meilleur moyen de garantir un bon développement psychoaffectif de l'enfant est une ambiance familiale satisfaisante et une qualité relationnelle équilibrée aussi bien à la mère qu'aux autres partenaires. La mère et le père doivent offrir au nourrisson et à l'enfant des repères stables. Ils doivent pleinement assurer leurs rôles respectifs sans toutefois être hyper-protecteurs et doivent permettre à leur enfant de s'exprimer dans un climat de confiance mutuelle. L'entente et l'amour entre les parents favorisent un climat familial épanouissant et valorisant pour l'enfant. Le père doit être actif et prendre part à l'éducation de son enfant dès sa naissance : changement des couches, préparation des biberons, etc. La mère doit maîtriser ses réactions anxieuses excessives. L'apprentissage de la vie collective, d'abord dans les jardins d'enfants ensuite à l'école, nécessite la présence de personnel qualifié, éducateurs et enseignants capables de comprendre les problèmes spécifiques posés par certains enfants, d'attirer l'attention des parents, de les conseiller et de les orienter éventuellement vers le spécialiste. Que faire devant un enfant présentant déjà une phobie scolaire ? Si le trouble est déjà installé, la prise en charge doit être globale agissant aux niveaux personnel, familial et scolaire. Ainsi, l'enfant peut être pris en charge en psychothérapie individuelle. Une telle prise en charge peut être, le cas échéant, proposée à la mère. Une thérapie familiale peut être proposée afin de permettre une prise de conscience des besoins de dépendance de l'enfant, de la mère et de la famille. Cette thérapie permettra de faire évoluer le type d'interactions familiales et de faciliter le développement de l'autonomie et de l'affirmation de soi de l'enfant. Au niveau de l'école, il faut prendre contact avec les enseignants et les sensibiliser afin de faciliter une adaptation progressive de l'enfant, souvent avec le soutien et la présence physique de la mère (ou du père) dont l'aide initiale sera modulée en fonction de l'évolution de la situation. Si l'enfant s'est absenté faut-il l'obliger à retourner rapidement à son école ? Le retour à l'école peut être conseillé précocement si le début de la phobie était rapide et si les perturbations émotionnelles sont peu importantes chez l'enfant et sa famille. Si, au contraire, le début était progressif et les perturbations affectives importantes, un retour rapide à l'école peut être inefficace et traumatisant. Dans ce cas, il faut d'abord commencer par s'occuper des difficultés psychoaffectives de l'enfant et de la famille puis proposer un retour progressif à l'école Faut-il changer l'enfant d'établissement ? Non, les changements d'école sont à éviter sauf bien sûr si les difficultés de l'enfant sont dues à un problème majeur lié à l'école elle-même. Kamel Bouaouina ----------------