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Une blessure dont pâtissent les enfants
Le divorce en Tunisie
Publié dans La Presse de Tunisie le 06 - 10 - 2014

Le divorce est une épreuve douloureuse. Une fois consommé, quelles sont ses conséquences physiques, psychologiques et socioéconomiques sur les enfants ? Tour d'horizon des problèmes engendrés par la séparation.
Jalila, 46 ans, divorcée, a bataillé durant cinq ans pour la garde de ses enfants. «C'est moi qui ai pris la décision de divorcer, et cela s'est très mal passé. Je n'ai pas eu la garde des enfants. Ce n'est qu'au bout de cinq ans que, finalement, j'ai obtenu gain de cause. Ma fille, devenue majeure, vit avec moi. Ce sont mes deux plus jeunes fils, adolescents, avec lesquels j'ai des problèmes. Depuis que j'ai obtenu leur garde, la situation a complètement dérapé du jour au lendemain. Avant, je les voyais à peu près tous les week-ends et à présent, je ne les vois plus du tout. Ils refusent de venir habiter avec moi. A côté de cela, mes relations avec mon ex-mari sont inexistantes et basées sur la méfiance et les coups bas. D'ailleurs, notre fille ne lui parle plus».
Saida, 52 ans, divorcée, souffre d'avoir vécu durant de longues années avec un alcoolique, «je l'ai supporté pendant plusieurs années mais la situation est devenue intenable. Lorsqu'il est ivre, il réagit avec violence et me bat. Nous avons eu deux enfants ensemble. Je n'avais pas le courage de partir. Aujourd'hui encore, il essaye de m'atteindre en manipulant nos enfants. Mon premier fils âgé de 18 ans ne s'est pas laissé faire, il ne voit plus du tout son père. Mais pas mon deuxième fils, âgé de 16 ans, qui est complètement perturbé et ne jure que par son père. Chaque fois qu'il revient à la maison (nous sommes en garde alternée), il me fait du chantage et agit avec la même mauvaise foi que son père. Il a même fait une dépression».
Personnalité des enfants
fragilisée
Comment les enfants vivent-ils le divorce de leurs parents ? Cette séparation a souvent des effets à long terme sur leur personnalité. Certains disent avoir peur d'être abandonnés, manquer de confiance, souffrir de dépression.
Ahmed, 25 ans, raconte avec amertume l'épisode du divorce de ses parents «J'avais 5 ans lorsqu'ils ont divorcé. Il m'arrivait d'être triste en voyant mes camarades de classe accompagnés par leur père ou mère à l'école. J'ai été confié à ma grand-mère qui s'occupait de moi et je ne manquais de rien. Maintenant, j'ai compris que c'est mieux qu'ils soient divorcés car ils sont tellement différents de caractère, qu'ils m'auraient rendu fou s'il étaient restés ensemble».
«Quand mes parents ont divorcé, j'avais 8 ans» explique Amani, âgée de 30 ans. «Leur séparation m'a fait grandir d'un seul coup. Je me suis retrouvée seule avec ma mère et mon petit frère. Je me suis sentie responsable. Leurs disputes ont commencé quand j'avais 6 ans, cela m'a terriblement marquée d'être témoin de leurs bagarres quotidiennes. J'avais très peur qu'ils divorcent parce que quand on est enfant, on ne comprend pas ce genre de choses».
Sadri 27 ans est enfant unique. Ses parents ont divorcé alors qu'il avait 12 ans. «Cela m'a marqué. Mon père m'a demandé de choisir entre lui et elle. Je lui ai dit que je voulais les voir tous les deux. Il l'a mal pris et on ne s'est pas parlé durant 10 ans. Ma mère m'a élevé seule puis plus tard s'est remariée avec un autre homme avec qui je m'entends bien. Avec le recul, je garde un goût amer de la vie familiale. J'ai même eu une dépression que j'ai heureusement soignée et maintenant, je suis bien dans ma peau».
Régression psychoaffective majeure
Selon le Dr Kamel Abdelhak, spécialiste en psychothérapie, les implications sont d'ordre politique. «La société est en train de s'effondrer à vue d'œil, de perdre ses repères cardinaux à cause de la révolution du 14 janvier qui est venue fragiliser la base de la relation conjugale». Toujours selon lui, «les divorces ont augmenté considérablement, et les troubles du comportement, troubles mentaux, sont en hausse. Nous sommes à 50% de la moyenne internationale. Les statistiques que me procurent les juristes sont de l'ordre de 55% pour les divorces».
Les causes sont nombreuses et de l'avis du spécialiste «les problèmes ne se situent ni en amont ni en aval mais à la racine. Tout le monde parle en termes de droit et de devoir de manière plus intense et les enfants n'ont plus la même notion de l'autorité». Pour les énumérer, ces causes sont individuelles et de personnalité. «Les satisfactions de base par lesquelles passe un individu après avoir mangé et bu sont de pouvoir s'auto-accomplir. Aujourd'hui dans la hiérarchie des besoins, boire et manger n'est même plus assuré, ce qui entraîne une régression psychoaffective chez le Tunisien qui est particulièrement inquiétante car elle atteint une chute vertigineuse peut-être à l'image de certaines courbes financières», ajoute le Dr Kamel Abdelhak.
"Les valeurs se déracinent totalement. Où est la solidarité, la conscience vigilante du citoyen, la démocratie ?», s'interroge-t-il. Il y a aussi les conditions socioéconomiques et enfin l'environnement. «Les gens qui sont en situation de stress permanent, la parole n'est plus une base d'échange valable. Ce qui foisonne, c'est le mensonge, le vol. On ment et on vole de manière intolérable. C'est ainsi que vont apparaître des comportements marginaux donc illégaux, évidemment des problèmes de sécurité».
Effritement des valeurs
Poursuivant son analyse sur la situation du divorce, le Dr Kamel Abdelhak explique que le Tunisien est en état d'effritement majeur des valeurs, d'angoisse parce que l'horizon n'est pas clair, la gymnastique nationale est le mensonge. Entre deux personnes dans un couple miné par le fait de cacher la vérité, le couple craque et dans une société entière où plus personne n'est crédible automatiquement, c'est la loi du plus fort. Ce sont toujours les enfants qui paient les pots cassés. «Si nous excluons certaines formes de divorces qui sont absolument nécessaires à cause de maladies invalidantes de l'un ou de l'autre personne. Mais, quant il s'agit de différences dues à l'instruction, à la culture, aux moyens matériels auxquels tout le monde n'accède pas facilement quand ils sont élevés eh bien il n'y a plus de projets existentiel et conjugal, et le couple, comme la révolution, se définit par un projet».
Deux personnes qui vivent ensemble lorsqu'elles ne communiquent pas, n'échangent pas, ne se révèlent pas, lorsqu'elles ne sont pas dans l'authenticité, elles sont dans le mensonge ou la manipulation, le couple va craquer aussi, il y a des phénomènes de frustration qui vont pousser l'un ou l'autre à l'une des trois réactions : l'agression ou le repli sur soi ou les maladies psychosomatiques. C'est prouvé scientifiquement : le couple, c'est comme une équipe, il doit avoir une énergie dynamique à l'intérieur.
D'abord, on cherche le pouvoir : qui va le prendre ou qui va le partager. Il y a tout un travail au sein du couple soit de concertation démocratique, soit de hiérarchie. Ce dernier peut être tyrannique. Ensuite, comment protéger le couple ? Soit à l'arrivée des enfants ou au départ des enfants à la 2e partie de la vie du couple. Qu'il s'agisse de relation extraconjugale ou de personnes qui sont la belle-mère, le voisin, etc. le couple a besoin de se protéger. S'il ne se protège pas, il s'effrite. La 3e force, c'est l'intimité. Le couple ne peut pas persister s'il n'y a pas d'intimité. Elle est en rapport avec l'échange, le phantasme, la joie à partager, la possibilité d'érotiser la vie, de donner du plaisir à toutes les dimensions de notre vie que se soit à travers, le mot, le cœur, les gestes, la création artistique.
Et l'avenir des enfants après la rupture du couple ?
Il est certain qu'il y a autant d'enfants que de couples mais il y a autant de vécus que de séparations. «Nous ne sommes pas arrivés à la maturité qui consiste à ce qu'on accepte de se séparer dans la paix. Nous n'en sommes pas là. Nous avons une vision déformée de ce que peut être le droit ou le devoir du passé, du présent et du futur du couple. Nous sommes en train de traîner les pieds au niveau des besoins basiques du salaire, des heures supplémentaires, il ne s'agit pas d'un reproche, je dis que la moitié du peuple tunisien est pauvre et l'autre moitié, nantie, n'est pas pour autant cultivée. Nous sommes comme un adolescent qui n'a pas réussi toutes ses années, qui n'a pas décroché son bac et qui est en train de perdre du temps alors qu'on a besoin de gagner du temps pour se sentir en état d'équilibre avec la société et avoir des projets de vie.
Le divorce est toujours une blessure émotionnelle, affective et existentielle, c'est ce qu'on appelle «une blessure narcissique. C'est un échec qui se marque d'une manière très claire chez les enfants. Ils mettront longtemps pour comprendre pourquoi le couple conjugal a le droit de se séparer conformément à la loi. Les parents expliquent très mal, l'enfant reste dans cette frustration de l'injustice et c'est le fameux pourquoi moi ? C'est une démarche typique de la pensée de l'enfant. Il y a blessure parce que l'enfant se sent dévalorisé de ne pas être comme tout le monde, autrement dit avoir deux bras : le père et la mère. Mais il y a une dévalorisation due au fait qu'on accumule un sentiment d'échec de plus en plus frustrant rien que parce qu'on a été éduqué d'une manière déséquilibrée par une seule personne.
Echec personnel, social, scolaire, affectif parce que l'enfant a besoin de son père et de sa mère. Chacun lui apporte sa différence et sa sensibilité. On est alors pénalisé de n'avoir pas acquis la sociabilité, le langage, l'intelligence émotionnelle, parce qu'on n'a pas ramassé le potentiel que les parents peuvent donner.
Le divorce, un soulagement pour les enfants
C'est l'école anglaise qui préconise cela. Certains milieux familiaux sont tellement toxiques qu'il est certain que séparer le couple conjugal, parental, constitue la meilleure solution pour l'avenir de l'enfant sinon l'enfant est intoxiqué. Il va grandir angoissé et déprimé. Lorsque l'un des parents équilibré reste avec l'enfant malgré la blessure du divorce c'est vrai que c'est une solution de moindre mal.
Les grands-parents sont une chose à laquelle je tiens beaucoup parce que nous avons perdu cette composante dans la famille, on oublie que les grands-parents sont a peu près équilibrés et qu'ils n'ont pas perdu totalement leur moyen, qui ont encore un intellect frais, est bénéfique pour les enfants puisque ce sont des images parentales qui remplacent l'image de la mère et du père perdus et qui apportent en tout cas une compensation affective très précieuse. Heureusement qu'ils existent.
«Certains couples, qui considèrent que le divorce est une situation et non un problème, sont très disciplinés pour pouvoir gérer ensemble la question. A l'opposé, il a ceux qui vont profiter de la «blessure narcissique» pour faire payer la facture à l'autre parce qu'il est considéré comme fautif. La maman qui s'occupe de l'enfant, quand on la voit harassée, bousculée par le père, on finit par se façonner une idée négative de ce que peut être la relation des adultes et les adolescents n'ont pas une idée positive de ce que peut être le couple ou le mariage.
L'institution du mariage attrape un coup. Est-ce que ca retarde le mariage ? Oui, absolument, voire l'annule dans certaines situations délicates où des personnes sont plus fragiles que d'autres, elles rentrent dans une vie conjugale mais répètent le scénario parental probablement en ayant peur de divorcer», conclut le praticien.


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