Comme la peinture, le langage est multiple et Sylvain Montéléone, artiste plasticien et animateur de la galerie d'Art et d'Essai « Le Damier », à Mutuelleville, parle tunisien, italien et français. Riche de sa triculturalité, ses grands maîtres étaient : Habib Chebil, Antonio Corpora et Pierre Boucherle. Il nous parle à coeur ouvert de son parcours humain et artistique au nom des droits de l'âme. Interview. Tout d'abord, qui êtes-vous Sylvain Montéléone ? Je suis né dans une petite maison au coeur de Tunis où je voyais un carré bleu qui me reflétait le ciel...Plus tard, j'ai troqué un dipôme de décorateur ensemblier contre une toile, des pinceaux et des pigments colorés...en passant du langage pictural à celui de l'écrit, convaincu que l'artiste est aussi « un homme livre »...Il n'y a qu'à tourner les pages. Comment se présente la saison 2017-2018 de la galerie « Le Damier » ? Pour la nouvelle saison, il y a quelques demandes au niveau des jeunes peintres, des peintres autodidactes connus ou moins connus, ou qui ont envie d'être connus pour faire un chemin dans la scène culturelle. La galerie est là pour donner une chance à chacun. On a remarqué la saison écoulée que plusieurs expositions du « Damier » étaient celles de vos propres élèves. Pourquoi ce choix ? Je n'aime pas tellement le mot « élève », car il s'agit finalement de gens qui essayent de s'exprimer en ma présence. Je les guide dans ce qu'ils ont envie de faire. Le mot « élève » passe à côté, car nous avons un rapport non pas de maître à élève, mais d'ami à la personne qui a envie d'apprendre. Ils sont là pour affirmer leur talent et moi pour les « pousser » dans le chemin qu'ils ont envie de suivre. Et ce chemin est long quelquefois. «Le Damier» offre également ses cimaises pour la bonne cause. Pourquoi ? Les œuvres ne servent pas uniquement à garnir les murs ou les cimaises. Elles sont là aussi pour les bonnes causes. En témoignent les expositions en faveur de l'Association des malades du cancer. Pour rester avec les expositions, la galerie « Le Damier » n'est pas tout à fait régulière dans sa programmation. Qu'est-ce qui est à l'origine de ces petites haltes ? La galerie est là pour sélectionner. Quelquefois, il y a un choix parmi les œuvres proposées. On ne peut pas toujours tout mettre, car il s'agit d'œuvres qui demandent un peu de réflexion et encore plus de travail. Il en faut pour le plaisir de l'œil, du regardeur, comme disait Marcel Duchamps. Et pour revenir à votre propre œuvre, pourriez-vous nous parler de vos participations la saison dernière à des expositions de groupe, ainsi que de vos expositions personnelles où vous avez même organisé une exposition d'un soir ? Pour l'expo d'un soir, c'est un thème que j'ai déjà touché dans les années 80. C'est un plaisir d'inviter des gens un soir pour faire, comme on le dit en arabe « Essahriya » autour du symbole pictural. Et pour mes expos en général, elles sont toujours thématiques. Le style change, ou bien la façon du rendu change aussi. On reconnait la pensée qui est là et souvent la peinture, c'est un peu de l'écriture aussi. Et comme souvent je pars sur un thème poétique, chaque couleur est un mot. Et comme je le dis souvent : «mes écrits sont toujours mes cris de couleur. » Vous avez d'ailleurs publié des recueils de poésie et de prose et un livre sur Tunis ? J'ai publié : « Le voyageur du silence », puis : « Instants de prose et moments de pose » J'ai mis mes états d'âme et mes états d'homme et souvent dans les droits de l'âme. Pour le livre sur Tunis, c'était un portfolio intitulé : « Tunis émoi » dans le sens de l'émotion. Une autre facette de ma personne. Ce n'était pas de l'orientalisme, ni de l'orientalisme à deux sous. Et quand on touche à la peinture, cette dernière est la musique et le mouvement. Comment évoquez- vous votre « village » de Borj Zouara ? C'est un lieu où j'habite et que j'aime beaucoup. Le quartier de mon enfance et qui continue à me surprendre. Le « Borj » date du dix septième siècle J'y ai même organisé une exposition intitulée : »Murs et murmures » où avaient participé avec des chevalets les enfants du quartier.Et c'est comme chez les chinois, ce sont des « Dazibao », des mots inscrits sur les murs et que tout le monde peut lire, à l'instar des graffitis. On retrouve souvent présents dans votre discours vos jeux de mots. Comment exliquez-vous cela ? Le jeu de mots est une gymnastique de l'esprit. Je préfère la parole et la peinture. D'un autre côté, quels sont les artistes qui vous ont influencé ? Il y a un artiste qui était mon maître aux Beaux Arts et qui était Habib Chebil. C'était également un homme de théâtre et de cinéma. Il nous avait tracé avec les gens de ma génération une petite voie à suivre. Je voudrais aussi rendre hommage à Antonio Corpora et à Pierre Boucherle. Entretien réalisé par :