Plus d'une vingtaine de tableaux ornent actuellement les cimaises de la galerie d'art et d'essai « Le Damier », signés par l'artiste Sylvain Montéléone. Une exposition dont le thème est peut-être récurrent chez des dizaines de peintres de chez nous, mais qui se distingue par son style et son originalité. Il s'agit du patrimoine national, peint d'une main de maître qui semble raconter des scènes tant vécues, des lieux tant visités et des personnages souvent côtoyés, comme s'il s'agissait d'un romancier qui relate sa propre vie. En créant ses œuvres, l'artiste avait sans doute remémoré le temps passé en se disant : « j'ai maintes fois emprunté cette ruelle, je me souviens encore de ces arcades et de ces mosquées, combien de fois je me suis attardé devant ces artisans pour contempler leur travail manuel !... » En effet, en se déplaçant d'une toile à une autre, en admirant l'atmosphère créée par l'artiste, on ressent cette continuité dans le temps : on revoit le passé à travers l'architecture des maisons et des lieux, la nature des métiers, l'aspect vestimentaire des personnages, tout en ayant la satisfaction que toutes ces choses existent encore aujourd'hui et subsisteront dans le futur. Et c'est là où réside l'originalité de ces œuvres : elles évoquent un passé qui est encore ancré dans nos mœurs, nos habitudes et nos traditions et qui le sera toujours chez les générations futures. Abordé le jour du vernissage, l'artiste nous a confié : « J'ai voulu dans cette exposition retransmettre un peu toutes les sensations qu'on éprouve quand on se balade dans les rues de la Médina de Tunis et qu'on hume les senteurs des encens , de cannelle et d'ambre. En quelque sorte, j'ai recomposé les manières de tous ces gens, ces marchands, ces artisans, ces ruelles et ces habitations. C'est tout un passé, mais sans le voir d'un œil d'un peintre voyageur qui visite les lieux, s'émerveille par les vues, puis les reconstitue sur sa toile ; mais plutôt d'un œil d'un peintre qui a vécu dans ces mêmes lieux et qui y demeure encore. Cela me rappelle les années de mon enfance ! Ce sont des peintures qui renvoient au passé, ce passé qui existe jusqu'à ce jour et qui persistera dans l'avenir, car il fait partie de notre histoire, de nos traditions, de notre patrimoine... » Les tableaux sont pleins de couleurs, débordant de vie. Ces couleurs, faites à l'encre, sont gaies et claires : « J'ai voulu mettre de la gaité dans mes tableaux, affirma l'artiste, comme on en voit dans les rues de la Médina ! » A la question pourquoi a-t-il intitulé son exposition « ... au passé (re)composé », l'artiste a répondu : « J'ai conjugué ma vie à tous les temps ! » Cependant, il faut ici entendre le mot « temps », non seulement dans son acception chronologique (passé, présent, futur), mais aussi dans ses connotations climatiques (mauvais temps, beau temps, temps calme, triste, joyeux, douloureux...) A côté de ces tableaux qui relatent le patrimoine à travers le temps (hier, aujourd'hui et demain), sont accrochés quatre tableaux représentant le désert tunisien que l'artiste a appelés « Rêve ensablé » où il s'agit du paysage saharien avec ses dunes, ses sables mouvants et ses mirages... Le travail de l'artiste repose surtout sur le dessin et l'encre. Aucune autre matière n'a été utilisée, ni huile ni acrylique. Dans cette exposition, on a l'impression que Sylvain Montéléone s'est un peu éloigné des peintures auxquelles il nous a habitués, du moins dans ces récentes expositions où il a eu recours à une variété de techniques mixtes. Sur cette question, l'artiste nous a répondu en ces termes : « Oui, c'est vrai, il y a des nouveautés dans cette exposition, mais sachez qu'un artiste-peintre doit être un touche- à- tout. On y voit donc des tableaux représentant des artisans de chéchia, des marchands de tapis, une calèche que prennent les gens pour faire une promenade ou se rendre quelque part, des hommes aux habits traditionnels au café, sirotant une boisson ou jouant aux dames, un cordonnier qui répare un soulier, des potiers au travail... L'exposition se poursuivra jusqu'au 29 décembre.