Dans les années 80, Arthur Laffer affirmait ‘trop d'impôt tue l'impôt', il ne croyait pas si bien dire puisque sa théorie fonctionnera, plus de trente ans plus tard, dans un double sens en Tunisie où, au moment où l'on attend une nouvelle loi de Finances terrifiante, le ministère des Relations avec les instances constitutionnelles et la société civile et des droits de l'Homme annonce l'officialisation du 209e parti politique du pays. Il s'agit de ‘Banni Watani', de Saïd Aïdi, ancien ministre de la Santé (gouvernement Habib Essid) et ancien dirigeant du mouvement de Nidaa Tounes. Un nouveau né pour une scène partisane multiple, diverse et pourtant tellement inefficace. Un échiquier politique où chacun se croit bon de lancer son propre projet politique oubliant ainsi tout ce que nous ont appris les six dernières années. ‘Banni Watani' est l'une des trois fractions nées suite aux divergences qui n'ont cessé de déchirer le mouvement de Nidaa Tounes . Al Machroû, de Mohen Marzkou, et Tounes Awalan, de Ridha Belhadj sont les deux autres entités nées de ce même conflit. Après avoir créé et réussi, ensemble, à fonder le parti qu'on qualifiait de miracle il y a à peine quelques années, Ridha Belhadj, Mohsen Marzouk et Saïd Aïdi se retrouvent aujourd'hui, toujours côte à côte mais en tant qu'adversaires politiques. Si Al Machroû demeure le parti le mieux installé et structuré des trois, son parcours commence déjà à connaître de grandes difficultés à cause, notamment, des nombreuses démissions qu'il connait et des grandes critiques destinées à son secrétaire-général de la part de ses anciens camarades, à l'instar d'Abdelsattar Messoudi qui, après avoir décidé de rejoindre Mehdi Jomaâ au sein d'El Badil Ettounsi, n'a pas hésité à rappeler que Marzouk a bâti un parti politique autour de sa propre personne avec, pour unique ambition, de se faire propulser à un haut poste de l'Etat pour assoupir ses désirs fous du pouvoir. Alors qu'Al Badil Ettounsi et Al Machroû sont en pleines négociations pour étudier l'éventualité d'un rapprochement ou d'une alliance en vue des prochaines élections, la déclaration du nouveau dirigeant d'Al Badil vient perturber une ambiance déjà tendue. De leur côté, Banni Watani et Tounes Awalan sont trop prudents en ce qui concerne les annonces ; depuis l'échec du Front de sauvetage national, Ridha Belhadj a complètement disparu de la circulation laissant ainsi place à plusieurs questions quant à ses réelles intentions. Quoiqu'il en soit, l'officialisation du parti de Saïd Aïdi vient nous confirmer l'amer échec des leaders politiques postrévolutionnaires à rassembler le large public autour d'eux et, surtout, à tirer les leçons du passé . A observer la scène politique, on finit par comprendre que les résultats des élections de 2014 ont complètement fait oublier ceux de 2011 lorsque, à cause des egos démesurés, les démocrates progressistes ont tout perdu laissant place à Ennahdha et ses alliés pour trois ans de règne tragique de la Troïka. Aujourd'hui, les dégâts risquent d'être encore plus importants si les éparpillements continuaient à mener les forces démocratiques qui oublient que les élections municipales détermineront la voie de la Tunisie pour au moins les quinze prochaines années.